Destination Granby - Un zoo un jour

À l'aller, ils ne parlaient que des animaux. Devant le ballet des oiseaux de proie, ils avaient faim. Au resto, ils voulaient se baigner. Dans la piscine à vagues, ils montraient du doigt la grande roue. Au retour, ils rêvaient de leur lit. Et le lendemain? Ils suppliaient d'y retourner. Une journée au Zoo de Granby pour Laurie, neuf ans, Karianne, six ans, et Laurent, quatre ans.
Samedi matin, 9h. Le ciel est plombé, l'air est lourd d'humidité. Le bon sens annonce une journée de cocooning, bien à l'abri de l'orage qui menace. Mais allez vanter les joies du bricolage à trois paquets d'énergie à qui on a promis le zoo... Entre dessiner les lions et les approcher «en vrai de vrai», le choix est vite fait et gare à l'adulte qui se mettrait en travers de la route! Collations pour tous, chandails et pantalons chauds, crème solaire et — optimisme oblige — maillots et serviettes de bain. Le départ est sonné. Mais sans courir, s'il vous plaît!Après une heure et des poussières de voiture, les premiers animaux avec lesquels les enfants font connaissance sont les fourmis dans les jambes. Dans le stationnement du zoo, la voiture relâche enfin trois petites bombes. Un bracelet d'entrée pour chacun et une carte du parc pour les trois. Forte de son statut d'aînée, Laurie s'en empare d'office. Accrochage en vue? Non. Les deux autres, rapidement lassés par le papier, trouvent de toute façon plus amusant de suivre les pistes peintes exprès au sol. Le trio s'entend d'ailleurs sur une chose: direction, les éléphants.
Un éléphant, sa trompe
La météo hésitante y est-elle pour quelque chose, ou serait-ce la bonne centaine d'acres du site? Les rangs des visiteurs sont clairsemés et les nouveaux venus n'ont aucune difficulté à se frayer un chemin jusqu'à la barrière. Les bêtes, deux femelles selon les affichettes, sont tout près. Immenses, la trompe entre les dents, le cuir parcouru de millions de rides, d'un calme olympien. Mais si les adultes sont fascinés par la démesure de ces géantes, les enfants remarquent surtout leur ridicule. «Elles ont une petite queue pleine de poils! La peau qui pend partout!» Et quand l'une d'elles se laisse aller à un pipi... Fou rire garanti!
Les girafes hautaines, les flamands roses, les kangourous, les ours, même les lions n'auront pas le même succès. Contrairement à leurs habitudes, les grands fauves avaient pourtant interrompu leur sieste pour se fendre d'une joyeuse cavalcade. Non, les petits cherchent autre chose. «Les tortues!», répète Laurent, indifférent aux apparitions furtives des naseaux et du dos des hippopotames plongés dans leur étang. Pourquoi les tortues? Mystère. Mais pourquoi pas? Cherchons donc les tortues. Le nez dans sa carte, Laurie guide la troupe. Et voici enfin les bestioles. Le sourire du petit s'épanouit devant la carapace bombée, les pattes arquées et la tête chauve de la grosse tortue d'Aldabra. Elle s'arc-boute sur ses pattes, se traîne de quelques centimètres, avance un cou malingre et fauche une touffe de trèfles. Mâchouille en clignant des yeux. Et recommence. Seule la perspective de voir certaines de ses congénères dans le pavillon des reptiles parvient à arracher le bonhomme à sa contemplation.
Tortues à oreilles rouges — celles des aquariums qu'on a laissées grossir —, tortues-alligators, tortues des bois, alouette... Il y en a effectivement pour tous les goûts. Comme des serpents et des lézards. Il y a même des crocodiles, mais là, l'intérêt fléchit. À la sortie du pavillon, l'attention se porte surtout vers la petite glacière. Soit, ils dégusteront leur collation, mais devant la démonstration de vol des oiseaux de proie que les grands trouveraient dommage de rater. Les fesses sur des estrades d'aluminium, une pomme et un jus entre les mains, chacun ouvre grands les yeux devant le pygargue à tête blanche — le fameux aigle américain — et baisse la tête quand le faucon ou le harfang le frôle.
Différentes espèces
de plaisir
Après près de trois heures d'observation, les petits aspirent toutefois à des plaisirs plus actifs. Le resto d'abord, question de renflouer les réserves d'énergie et de patience grâce à un inavouable trio poutine-pogo-hot-dogs. Puis en route pour l'Amazoo, le parc aquatique de l'endroit. Car le dieu des enfants en vacances existe bel et bien: non seulement les nuages qui menaçaient n'ont pas crevé, mais le soleil montre maintenant ses rayons. Et avec Galarneau vient la chaleur...
Pendant que Laurent et sa tante filent vers la pataugeoire agrémentée de canons à eau, fontaines et autres ponts suspendus, les deux fillettes se lancent dans la piscine à vagues. Et que je plonge, et que je saute, et que je bouscule les autres baigneurs, et que je me fasse à mon tour déséquilibrer. Bonheur des deux poissons, enfer de leur surveillant... «Pourquoi tu nous suis comme ça?», s'étonne Karianne. Mais parce que, chérie, il y beaucoup-beaucoup-beaucoup plus de monde et d'eau que dans la piscine familiale... Sardines innocentes parmi les sardines, elles s'en fichent et s'éclatent jusqu'à épuisement — ou, du moins, jusqu'à ce que les lumières des manèges voisins leur fassent de l'oeil. Pas craintif pour deux sous, le bout d'chou exigera même un tour de grande roue avant que la fermeture des différents kiosques ne convainque tout le monde qu'il est l'heure de retrouver la voiture.
Et là, surprise! Panthères, tigres, cougars, loups, tous ceux qui somnolaient dans un coin d'ombre, assommés par la chaleur de l'après-midi, semblent profiter du crépuscule pour se dégourdir les pattes. Apathiques, les animaux de zoo? Pas en soirée! Les bêtes sont éveillées, nerveuses, magnifiques. Les derniers visiteurs sont escortés vers la sortie par les feulements des fauves. De quoi alimenter les rêves des trois mousses, qui ont rejoint Morphée à peine assis sur leur siège. De quoi aussi leur donner envie d'y retourner dès le lendemain. «On n'a même pas vu tous les animaux... » Effectivement, et en près de dix heures de visite!
Zoo de Granby
525, rue Saint-Hubert, Granby
% (450) 372-9113
% 1 877 GRANBYZOO
(www.zoodegranby.com)
Le plus bête des deux
Le Zoo de Granby a ouvert ses portes en 1953. À l'époque, il attirait les visiteurs grâce notamment à la renommée de... sa chèvre à trois pattes! Avec le temps, les pensionnaires se sont diversifiés et le zoo compte aujourd'hui plus de 800 spécimens de 163 espèces différentes, dont les fameux gorilles des plaines qu'il est le seul à posséder au Québec.
Les plus grands qui ont déjà visité le site se souviendront sans doute des îles qui ont longtemps abrité les singes. Eh bien, elles sont maintenant chose du passé. La majorité des grands primates ont été accueillis par d'autres parcs zoologiques.
Restent les gorilles, qui observent désormais les visiteurs à travers la vitre de leur chambre intérieure. Couché derrière une balançoire, le célèbre Mumba — qui fêtait récemment ses 42 ans — pose sur les hommes un regard... humain, où brille quoi? l'ennui? la colère?
Rien de tout ça, répondent les responsables du zoo. Si les grands singes sont maintenant à l'intérieur, c'est que leur santé et leur équilibre l'exigeaient.
Dehors, en effet, ils étaient souvent bombardés par les projectiles de douteux plaisantins, du trognon de pomme à la tétine de caoutchouc en passant par les canettes de bière et les pierres.
Résultat? Des crises d'agressivité de la part des singes qui se sentaient menacés, un régime alimentaire bouleversé, voire des problèmes d'alcoolisme — il n'était pas rare que certains primates soient ivres le soir venu!
Depuis qu'ils ont été déménagés, les gorilles, assure le personnel du parc, sont en meilleure santé et ont un comportement «beaucoup plus gorille».
Il est maintenant question de leur aménager un nouvel habitat extérieur, mais entièrement couvert.