Dormir dans une ancienne banque

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs
De 1850 à 1950, la rue Saint-Jacques était considérée comme le « Wall Street » du Canada. Les sièges sociaux de plusieurs banques avait pignon sur rue dans ce qui était alors le coeur du quartier des affaires montréalais. Aujourd’hui, les gens qui franchissent le seuil de certains de ces bâtiments opulents ne viennent plus voir leur banquier, mais y poser leurs valises. Voyage dans le temps, d’un chic hall d’entrée à l’autre.
En se promenant dans le Vieux-Montréal, on repère aisément les enseignes des luxueux hôtels-boutiques qui ont remplacé celles des grandes institutions financières de la « St. James Street ». Si, au coin de la rue Saint-Jean, les œuvres bien contemporaines LOVE, de Robert Indiana, et The Volumptuous Man, de Fernando Botero, attirent l’attention des passants, le superbe édifice de style Second Empire nous ramène à l’époque où le baron Haussmann parachevait la modernisation de la capitale française. Conçu par Michel Laurent en 1870, le bâtiment de l’ancien siège social de la Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal abrite aujourd’hui LHotel Montreal.
L’établissement n’est pas le seul à accueillir les visiteurs là où jadis circulaient les billets : Le St-James, le W Montréal et Le Place d’Armes occupent aussi des bâtiments érigés à une époque où la ville coloniale se muait en métropole financière.
« On construisait les banques comme des clubs privés, observe Bernard Vallée, animateur en histoire et patrimoine à Montréal Explorations. On s’alignait sur le modèle des hôtels particuliers européens ou américains, où résidaient les grands bourgeois ou les nobles. »
La transformation de certains en établissements luxueux lui semble couler de source. « On peut voir des parentés dans les fonctions, dit-il. Les banques avaient un grand hall d’entrée, et les espaces où se trouvaient les guichets s’inspiraient des basiliques romaines. La fonction spectaculaire de ces espaces peut être transposée en restaurant, en salon ou autre dans des hôtels de prestige. »
Dans le livre Le Vieux-Montréal, publié chez Guérin en 1991, l’architecte Josette Michaud, qui a travaillé à la restauration et à la mise en valeur de nombreux bâtiments et sites patrimoniaux, compare les banques montréalaises à des sortes de temples « où s’effectuait le miracle de la conversion du papier-monnaie en métal précieux, et vice-versa ». Selon elle, l’assurance et la stabilité qui se dégagent de bâtiments en pierre de taille ornementés de riches sculptures visent à calmer les esprits. « Toute l’intention architecturale de ces bâtiments tend à impressionner le passant et à les éblouir à l’intérieur. »
Au-delà des façades, certains lieux ont conservé des détails d’origine à l’intérieur, comme Le St-James, temporairement fermé. « Quand on pénètre dans l’hôtel, le grand espace où se trouvaient les guichets a été conservé », observe Bernard Vallée.
L’hôtel-boutique 5 étoiles, qui a vu défiler nombre de stars, dont Madonna et les Rolling Stones, occupe l’ancienne Merchants’Bank, acquise par la Banque de Montréal en 1922. Le bâtiment conçu par l’agence d’architectes Hopkins et Wily a été érigé entre 1870 et 1873. Entre 1899 et 1901, quatre étages ont été ajoutés aux trois initiaux, ainsi qu’un autre lors de sa vente aux courtiers en valeurs mobilières Nesbitt-Thomson en 1929. C’est entre 2000 et 2002 qu’a eu lieu sa conversion en hôtel. Un nouvel étage et un penthouse, en retrait, font partie des additions. L’ancienne chambre forte accueille aujourd’hui les clients du spa.
Clins d’œil au passé
Métamorphosé en 2004 lors de son achat par la Caisse de dépôt et placement, l’ancien bâtiment de la Banque du Canada abrite depuis le W Montréal, rue du Square-Victoria, non loin de la rue Saint-Jacques. L’hôtel-boutique, dont les espaces communs ont récemment été rénovés, rend hommage à son passé par l’art et la décoration. Les clients peuvent ainsi apercevoir une installation inspirée d’un coffre-fort derrière la réception. Intitulée Sun Vault, l’œuvre a été réalisée par l’artiste torontoise Camille Jodoin-Eng.
« Pour le design des chambres, la couleur or est une référence aux lingots d’or, aussi intégrée dans les canapés et les fauteuils, souligne Alexandre Tessier, directeur, ventes et marketing du W Montréal. Dans le tunnel qui relie le métro à la Caisse de dépôt, on peut voir les renforcements utilisés pour protéger l’ancienne chambre forte, qui existe toujours dans le sous-sol et qui est maintenant… le service de comptabilité ! » Tout est dans tout !
Hôtels et restaurants ailleurs au Québec
Il n’y a pas que Montréal à avoir son lot de banques qui ont fait peau neuve. Quelques adresses à retenir dans trois autres villes :
• À Trois-Rivières, l’édifice Balcer a été l’hôte d’un magasin spécialisé dans la vente de fourrures après sa construction, entre 1908 et 1910, avant d’être acquis par la Banque de Montréal en 1925. On y trouve aujourd’hui l’hôtel Oui GO !.
• Dans le Vieux-Québec, le bâtiment de l’hôtel Clarendon — temporairement fermé — a déjà abrité une banque. Juste à côté, l’ancienne succursale de la Caisse populaire Desjardins, au coin des rues Sainte-Anne et des Jardins, a été transformée en restaurant. Inauguré en juillet 2020, le bistro Alphonse arbore toujours les couleurs de l’ancien occupant, en plus de porter le prénom de son fondateur. Des éléments de son ancienne vie ont aussi été recyclés et intégrés au décor.
• Dans le secteur Aylmer de Gatineau, le café British, adjacent à l’hôtel du même nom, a pris possession en 2015 de l’ancienne Union Bank of Canada, construite en 1920 et acquise par la Banque Royale du Canada cinq ans plus tard.
Les restaurants et cafés sont actuellement fermés dans les zones rouges. Certains hôtels sont également temporairement fermés en ce moment.
Visite muséale et heure du café chez le banquier

Si tout le monde ne peut pas s’offrir un séjour aux plus prestigieuses adresses du Vieux-Montréal, le petit musée gratuit qui se trouve dans l’édifice de la Banque de Montréal construit en 1847 — aujourd’hui la principale succursale montréalaise de BMO —, constitue un bon prétexte pour aller au-delà de la façade dessinée par l’architecte britannique John Wells et des détails du fronton sculptés par l’artiste John Steel une vingtaine d’années plus tard. On y trouve un guichet, des photos, de la monnaie et des billets du XIX siècle. Détail à ne pas manquer en entrant : le dôme ajouté en 1903.
De l’autre côté de la rue, le superbe Crew Collective est sis dans l’ancienne Banque Royale, dont la construction remonte aux années 1920. À la fois lieu de coworking et café, l’espace réinventé grâce à l’initiative de Gestion Georges Coulombe inc. accueille aussi des conférences et des événements (quand une pandémie ne l’en empêche pas).
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