Une montagne d’apprentissages

Dans les  Chic-Chocs,  en Gaspésie, le sentier pénètre  peu à peu  dans l’intimité  des arbres.
Nathalie Schneider Dans les Chic-Chocs, en Gaspésie, le sentier pénètre peu à peu dans l’intimité des arbres.

Janvier 2020, massif des Chic-Chocs, gros soleil, pas le moindre vent. Ici et maintenant, voilà la meilleure façon d’amorcer l’année. Mieux : la décennie. Au bord de la route 299 qui traverse le parc national et la réserve faunique, le sentier s’échappe du stationnement pour pénétrer peu à peu dans l’intimité des arbres.

À la forêt de bouleaux blancs, située à la base du mont Hog’s Back, succède peu à peu un environnement subalpin dominé par de gros conifères ouatés. Nos raquettes plongent dans la neige folle tandis qu’une fine poudrerie joue à cache-cache avec les rayons du soleil matinal.

À peine 6,4 km pour atteindre le sommet nord et en redescendre, mais avec un dénivelé plutôt sérieux (450 m). La grimpette s’intensifie jusqu’à l’intersection du sentier des Vaches à flanc de montagne. La dernière bordée a laissé un manteau neigeux immaculé qu’il nous faut traverser pas à pas en veillant à garder l’équilibre.

À l’approche du sommet, quelques arbres épars résistent encore aux grands vents qui soufflent généralement à cette altitude. Tout en haut, fini les arbres, place à la toundra et à une vue vertigineuse sur le mont Vallières-de-Saint-Réal (940 m), qu’on gagne au prix d’une sacrée ascension, et sur la mer de montagnes qui se déploie tout autour. Non, il n’y a pas de meilleur endroit où amorcer l’année.

Pas un amateur de plein air qui ne cède, un jour ou l’autre, à l’appel de ces « vraies » montagnes du Québec, que ce soit dans le parc national de la Gaspésie ou dans la réserve faunique des Chic-Chocs. Rien que le parc, l’un des plus impressionnants du réseau, mérite qu’on allonge le pas jusque-là. D’ailleurs, ils sont de plus en plus nombreux à le faire : le parc comptabilise quelque 220 000 entrées journalières par année, dont près du quart en hiver une augmentation considérable depuis une quinzaine d’années.

Ce sont les montagnes appalachiennes, les monts Chic-Chocs (600 millions d’années d’activité volcanique) et les monts McGuerrigle (380 millions d’années d’accumulation granitique) qui concentrent le pouvoir d’attraction, surtout auprès des randonneurs. Croyez-en Pascal Lévesque, directeur général du parc, un Gaspésien fou de ses montagnes : « Le parc national de la Gaspésie, ce sont 25 sommets de plus de 1000 m, la présence unique des trois cervidés — chevreuil, orignal, caribou —, 150 km de sentiers et jusqu’à 10 mètres de neige en hiver ! »

Le mont Albert (1088 m), la star incontestée du parc national, renferme une biodiversité unique au monde. En été, son sommet est une explosion de couleurs où s’entrechoquent roche serpentine orange et toundra alpine.

Si le parc a été créé en 1937 (le deuxième du réseau après celui du Mont-Tremblant), c’était bel et bien pour protéger les montagnes, marquées par des années de foresterie, mais aussi les caribous forestiers (il en reste moins d’une centaine sur le territoire) et les rivières à saumon.

C’était aussi pour soutenir l’économie locale d’une région passablement éloignée des grands bassins de population. Et ça marche plutôt bien : la multitude d’hébergements réussit à attirer dans le parc une clientèle de plus en plus diversifiée. Outre le très confortable Gîte du Mont-Albert et l’Auberge de montagne sont également offerts chalets, refuges, terrains de camping et prêt-à-camper.

Depuis quelques années, un nouveau positionnement plus axé sur la famille a même contribué à doubler l’achalandage.

Depuis trois ans, c’est l’effervescence autour du ski de haute route, qui s’impose comme le nouveau phénomène de l’hiver. Alors qu’il semblait réservé jusque-là à une certaine élite, ce ski de montagne, qui se pratique avec des peaux de phoque, semble rallier de plus en plus d’adeptes attirés par l’expérience du backcountry.

« Ces 15 dernières années, on proposait des sorties en cat-ski, un engin mécanisé pour atteindre les sommets avant de les redescendre en skiant dans la poudreuse, explique Gabriel Gagnon, directeur administratif et copropriétaire de Ski Chic-Chocs, la célèbre entreprise de tourisme d’aventure locale. Mais, depuis 5 ans, nous n’utilisons plus le cat-ski pour des raisons écologiques et pour nous positionner dans une approche plus durable. »

Pour les guides de Ski Chic-Chocs, le ski mécanisé était une sorte de transition entre le ski alpin et une version épurée du ski de montagne.

 

Derrière l’entreprise, Stéphane Gagnon (le père de Gabriel), guide de ski et de randonnée, certifié par l’Association des guides de montagne du Canada, autant dire une référence dans le domaine. Les guides certifiés de Ski Chic-Chocs encadrent désormais des sorties en petit groupe (5 à 6 personnes) dans différents secteurs, dont celui du mont Albert, des mines Madeleine ou, encore, du Champ de Mars, selon les conditions du jour (enneigement, météo, risques d’avalanche).

Ces sorties sont généralement réservées à des skieurs expérimentés. Mais l’effervescence autour de cette activité a suscité la création d’un nouveau joueur dans le carré de sable : l’École de montagne, gérée par le parc national de la Gaspésie avec Ski Chic-Chocs comme prestataire de services.

L’éducation par le plaisir

« L’objectif de l’École de la montagne, c’est d’amener les adeptes du ski et de la raquette de montagne à plus d’autonomie en terrain hors piste », résume Gabriel Gagnon.

Certes, la sécurité est une condition préalable, car les dangers ne manquent pas dans les Chic-Chocs — une température moyenne de -3 degrés Celsius, une vitesse de vent moyenne de 24 km/h et des rafales allant jusqu’à 250 km/h. Mais ce sont les avalanches qui représentent le plus grand facteur de risques.

Durant la formation théorique, l’École démystifie le maniement du détecteur de victime d’avalanche (DVA) de même que la lecture des données météorologiques pour choisir le bon terrain de jeu.

Cohabitation avec la faune et habillement en multicouches font aussi partie des apprentissages. La clientèle visée : des skieurs qui désirent s’initier au ski de haute route ou d’autres qui veulent se perfectionner et atteindre un niveau de pratique supérieur.

Qui sait si apprendre à aimer l’hiver ne fait pas aussi partie du programme pédagogique ? Dans un environnement aussi magique, même les plus réfractaires sont assurés de passer l’examen haut la main !

Infos pratiques

L’École de montagne est accessible dans le Centre de découverte et de services (secteur du mont Albert). Location d’équipement. La journée complète inclut des cours théoriques et une sortie guidée. Tarif : 89 $ (âge minimum : 12 ans). Ski Chic-Chocs est basé à Sainte-Anne-des-Monts dans un environnement convivial (location d’équipement possible).



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