Révolutions et ballon rond

Des partisans de Manchester agitent des drapeaux lors d’un match de football au stade Etihad, en 2019.
Photo: Ben Stansall Agence France-Presse Des partisans de Manchester agitent des drapeaux lors d’un match de football au stade Etihad, en 2019.

Manchester est considérée comme le berceau de la révolution industrielle. Le filage de la laine, puis celui du coton importé des pays chauds, la fabrication de machines, la construction d’usines, la présence de gisements de charbon aux alentours : tous les facteurs semblaient réunis pour que ladite révolution ait lieu dans cette région dès le XVIIIe siècle. Tous, sauf peut-être les débouchés sur la mer. Qu’à cela ne tienne, on a construit des canaux pour que les navires océaniques du temps puissent remonter jusqu’à Manchester. Puisque les vaisseaux actuels sont trop gros pour les emprunter, ces voies maritimes sont aujourd’hui bordées de logements haut de gamme, parfois aménagés dans les usines et les entrepôts qui ont échappé aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale.

Pendant les années 1970, les pertes d’emplois dans le secteur industriel se sont chiffrées par dizaines de milliers. Par la force des choses, Manchester est devenue une ville de services et de culture, comme tant d’autres villes occidentales. Des gratte-ciel et des quartiers nouveaux ont poussé au cours des dernières décennies, notamment Media City, secteur abritant les bureaux et les studios régionaux de la BBC, de même que ceux de la chaîne de télévision privée ITV, qui produit le célèbre téléroman Coronation Street depuis 1960. Metrolink, le réseau de transport léger sur rail de Manchester, a été inauguré en 1992.

Le centre-ville possède encore plusieurs joyaux architecturaux, dont la magnifique bibliothèque John Rylands, construite entre 1890 et 1899, dans le style néogothique qui lui donne l’aspect d’une cathédrale. L’édifice abrite de nombreux manuscrits et incunables précieux.

Les musées les plus originaux sont ceux qui sont consacrés à « l’Histoire du peuple » et au Football. Le premier retrace la genèse des mouvements sociaux et des changements radicaux engendrés par la révolution industrielle ou qui sont apparus en réaction aux excès de cette dernière : suffrage universel, suffrage féminin, socialisme, syndicalisme.

Manchester a été le théâtre de plusieurs événements liés à ces grands mouvements sociaux, à commencer par le massacre de Peterloo, survenu le 16 août 1819 dans le square St Peter (le suffixe « loo » fait référence à la bataille de Waterloo, survenue quatre ans plus tôt). Des milliers de personnes s’étaient rassemblées au centre de Manchester pour réclamer une représentation plus juste au Parlement et leurs demandes ont été accueillies par les coups de sabre de la cavalerie. Une vingtaine de manifestants ont été tués et plusieurs dizaines d’autres blessés.

Photo: Paul Ellis Agence France-Presse Des gratte-ciel et des quartiers nouveaux ont poussé au cours des dernières décennies, comme Media City, abritant les bureaux et les studios régionaux de la BBC.

Le congrès de fondation du Trades Union Congress (TUC), qui demeure la principale centrale syndicale britannique, a eu lieu à Manchester en juin 1868. Emmeline Pankhurst et plusieurs autres héroïnes du combat des suffragettes étaient par ailleurs natives de cette ville industrielle.

Le Musée de l’histoire du peuple a été fondé en 1975 à Londres. Quelques années plus tard, il a déménagé à Manchester, où les autorités locales, proches des syndicats, ont hébergé ses collections jusqu’à ce qu’un financement adéquat permette sa réouverture dans l’édifice où le congrès de fondation du TUC avait eu lieu plus d’un siècle auparavant.

Plusieurs établissements d’enseignement supérieur, dont la University of Manchester, la Manchester Metropolitan University et le Royal Northern College of Music, sont établis le long du bien nommé chemin Oxford. Ici, on vote surtout à gauche. En se promenant à travers ces campus à la veille des récentes élections générales au Royaume-Uni, il aurait été difficile de trouver quelqu’un prêt à voter pour Boris Johnson et le Parti conservateur, qui allaient remporter le scrutin. Malgré les revers importants qu’il vient de subir dans plusieurs de ses châteaux forts, y compris dans des circonscriptions ouvrières, le Parti travailliste demeure populaire à Manchester, où il a des racines profondes.

Une grande passion

 

Les Mancuniens ne s’intéressent pas seulement à la politique et au militantisme. Ils ont aussi une autre grande passion : le football. La ville compte non pas une mais deux équipes dans la Premier League, la principale ligue professionnelle de football d’Angleterre. Londres en compte bien neuf, direz-vous, mais Londres, c’est… Londres.

Les deux équipes de Manchester ont une longue histoire et, par conséquent, il existe une bonne rivalité entre elles. Sauf que le Manchester United F.C., selon les experts et les statistiques, est nettement supérieur au Manchester City F.C., son rival. Si bien que les matchs qui opposent le United au club de Liverpool ou aux équipes londoniennes de Chelsea et d’Arsenal soulèvent souvent plus d’enthousiasme que les rencontres inter-mancuniennes.

Le Musée national du football, inauguré en juillet 2012 en plein centre de Manchester, est un incontournable pour les amateurs de foot, mais il vaut aussi le détour pour son architecture moderne, généreuse en espace et en lumière.

 

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.

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