Allez en paix chez les augustines

Depuis que les augustines ont ouvert les portes de leur monastère au grand public il y a quatre ans, elles ont visiblement fait preuve d’un lâcher-prise pour préserver leur héritage. Ce faisant, le lieu est en parfaite harmonie avec les multiples façons de vivre sa foi.
C’est en 1995 que les augustines ont commencé à se questionner sur l’avenir de leur congrégation. Installées en Nouvelle-France en 1639, elles avaient pour mission d’évangéliser, de franciser et de sédentariser les Autochtones. Or, les maladies apportées par les Européens en emportèrent tant qu’elles durent revoir l’essence même de leur mission.
À partir de la moitié du XVIIe siècle, les augustines œuvrent désormais à soigner le corps et l’esprit des patients de l’Hôtel-Dieu, premier hôpital en Amérique au nord du Mexique. Cloîtrées jusqu’en 1965, seules les sœurs de chœur peuvent sortir du monastère pour aller soigner les malades. C’est aussi pour elles la seule façon de voir leur famille.
Au-delà des soins aux malades, les augustines sont des apothicaires hors pair qui concoctent des médicaments à partir des plantes de leur jardin, ainsi que des ingrédients médicinaux venus de France. Au fil de l’évolution de la médecine, de la pharmacie et de l’histoire du monastère, elles prennent toujours le soin de tout noter. Si bien que les 40 000 artefacts retrouvés dans les 12 monastères-hôpitaux des augustines au Québec sont tous clairement identifiés. En tout, il y a environ l’équivalent de 1,2 km d’archives écrites.
Un passé bien présent
Afin de conserver leur mission de prendre soin des autres, les augustines ont décidé de convertir le monastère en un lieu de mémoire habité, une version augmentée de l’hôtellerie. Ouvert depuis quatre ans, le Monastère des Augustines conserve ainsi de nombreux espaces ou objets de l’époque.
Par exemple, le chœur de la chapelle est intact, et les dix religieuses qui résident dans une aile privée du monastère y chantent encore les laudes à 8 h et les vêpres à 17 h. Au moment de notre visite, une augustine s’y entretenait avec des étudiantes en soins infirmiers. Une autre belle façon de transmettre ses connaissances aux générations futures.
Les chambres authentiques font aussi un joli clin d’œil à celles qu’occupaient les centaines d’augustines qui résidaient au monastère dans les années 1940, époque où elles étaient 230 à y habiter. Malgré ces vestiges du passé, leur lâcher-prise quant à la modernisation de leur milieu de vie et de foi est palpable partout au Monastère.

L’accueil, le restaurant et les chambres aménagées au goût du jour sont quant à eux tout à fait modernes. Heureusement, la restauration des lieux a été réalisée dans l’harmonie par la firme ABCP, qui a notamment remporté le prix d’excellence du Conseil de patrimoine religieux du Québec dans la catégorie Réutilisation.
Pour comprendre et nous rappeler l’importance des augustines dans l’histoire du Québec postcolonisation, une visite au musée s’impose. Toujours à cheval entre hier et aujourd’hui, chaque pièce raconte le rôle des augustines ; s’y trouvent, entre autres, de vieux instruments de chirurgie, dont la plupart semblent d’ailleurs dignes d’un film d’horreur.
Il y a même une leçon de médecine pour « soigner en évacuant les humeurs ». C’est dans cette logique que la saignée est pratiquée, l’acte médical le plus répandu à l’époque. On précise toutefois que la guérison « dépend de la volonté de guérir manifestée par le malade ».
Dans la pièce réservée à la mission apothicaire sont exposés toutes sortes de fioles, de mortiers et de contenants qui rappellent la pharmacopée d’autrefois. Dans l’ancien réfectoire, il y a également de nombreux outils de cuisine avec lesquels les sœurs converses — affairées aux tâches domestiques plutôt qu’aux soins des malades — cuisinaient chaque jour.
Nourrir le corps et l’esprit
En plus de moderniser l’espace, la vocation du site a aussi changé, sans toutefois trop s’éloigner de ses origines. Le Monastère des Augustines est toujours un lieu de prières et de recueillement, mais il fait désormais place à la méditation, au yoga et aux ateliers de gestion du stress offerts presque quotidiennement à la clientèle. À cela s’ajoutent de nombreux soins spécialisés, notamment en massothérapie. Étant donné que les sœurs étaient cloîtrées il y a à peine plus de 50 ans, disons que cela change légèrement l’expérience monastique.

Parallèlement à l’hôtellerie et aux forfaits de soins et ateliers, dormir au monastère permet à des proches aidants de venir s’y reposer pendant quelques jours, à prix modique, afin de reprendre des forces pour pouvoir continuer à soigner les leurs. Encore une fois, cela rejoint la mission initiale des augustines de prendre soin des autres. Étant donné le manque de soutien criant envers les proches aidants, c’est tout à l’honneur du Monastère de leur prêter main-forte.
Enfin, du côté de la restauration, l’approche misant sur la santé globale est aussi à l’avant-plan. Les fruits et légumes sont servis en abondance et les options végétariennes sont nombreuses. Ouvert au grand public, il est possible de manger au restaurant du Monastère sans y passer la nuit. Pour les résidents, nul besoin de craindre la redondance puisque le menu change tous les jours. Cela va de soi pour le chef exécutif, Christophe Perny (nommé chef santé de l’année 2018 par la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec), qui suit donc les arrivages de près pour offrir une cuisine locale, presque entièrement biologique et toujours réfléchie.
C’est justement ce qui décrit probablement le mieux le Monastère des Augustines. Chaque espace, chaque élément de décor, et même le choix des produits de bain dans les chambres, est réfléchi. Cela fait certainement un bien immense à l’âme d’être entouré d’autant de sens et de cohérence.
Notre journaliste était l’invitée de l’Office du tourisme de Québec.