Ils se marient, on visite royalement!

Le mariage, samedi, de l’actrice américaine Meghan Markle et du prince Harry braque les projecteurs du tourisme sur des lieux grandioses, associés à la monarchie. Tournée royale à Édimbourg, à Londres et à Windsor.
C'est bien connu, les mariages meurent, mais les palais restent. Pour VisitBritain, l’office du tourisme de la destination, c’est toute une chance ! L’an dernier, 940 000 Canadiens ont séjourné dans la fière Albion. « Et pour ce marché, le palais de Buckingham constitue l’attrait numéro un et le château d’Édimbourg, le numéro 2 », note Cathy Stapells, chef des communications pour VisitBritain au Canada.
Peu importe ce qu’on pense de la monarchie et des romances royales à la Cendrillon, il n’en demeure pas moins que l’héritage des monarques en sol britannique est d’une grande richesse historique. Pardi, s’asseoir dans la chapelle Saint-Georges, dans l’enceinte du château de Windsor, là où l’ordre de la Jarretière a été fondé, là où gît Henri VIII et là où sa fille, Élisabeth 1re, s’est peut-être juré de ne jamais donner sa main, histoire de conserver sa tête, est en soi passablement émouvant… Imaginez un peu ce que Mlle Markle doit y ressentir en ce jour J de ses noces !
Amanda Bryett, guide dans la petite localité de 30 000 habitants qui accueille quelque 150 000 badauds ce week-end, est fort enthousiaste. « Ce n’est pas tous les jours qu’un mariage royal a lieu dans sa ville ! » dit-elle.
« Tous les hôtels affichent d’ailleurs complet depuis février dernier et l’annonce de la date de l’heureux événement. »
À Londres, certains se réjouissent plutôt du fait que les épousailles ne s’y déroulent pas. « Quel bonheur ! Les événements qui impliquent des mesures de sécurité nous compliquent tellement la vie… » dit Dewi Evans, guide chez Brit Movie Tours, et pas royal-o-phobe pour deux pennies puisqu’il a créé un super circuit sur le thème de la série netflixienne The Crown.
Selon Kate Turnbull, chef des relations publiques en matière de tourisme chez London Partners, une agence qui fait la promotion de la capitale, « pour nous, ce sera surtout l’occasion d’aller boire des cocktails au pub ! »
« Quant aux étrangers, dit-elle, ce sont les Américains, les Australiens et les Chinois qui nous posent le plus de questions au sujet du mariage royal. » Les Chinois ? « Oui, ils adorent l’idée qu’un prince épouse une roturière divorcée ! »
Du côté du Britannia

À Édimbourg, la capitale du royaume d’Écosse, où le « Royal Mile » relie le célèbre château au palais de Holyrood, la somptueuse résidence officielle de la reine Élisabeth II en terre du tartan, la monarchie n’est jamais très loin.
De ce palais, construit sous le règne de Charles II, au XVIIe siècle, puis aménagé au goût de la reine Victoria, on peut retenir que le service de vaisselle des banquets compte 2000 pièces. Comme on peut aussi se rappeler que Sa Majesté y a nommé le premier premier ministre d’Écosse, Donald Dewar, en 1999.
Ce fut un événement historique majeur pour les Écossais, qui avaient voté pour la dévolution (une décentralisation des pouvoirs assortie de leur délégation) deux ans plus tôt. Ces derniers avaient d’ailleurs confié à un architecte issu d’une région autonome, la Catalogne, le projet du siège du parlement. Et il me plaît bien que l’étonnante structure trône aujourd’hui à deux pas de la demeure royale !
Dans un tout autre registre, le Royal Yacht Britannia, une splendeur de teck et de laiton ancrée au port de Leith, fait également vive impression. Le 83e yacht d’une lignée remontant lui aussi à Charles II fut mis hors service en 1997 par le gouvernement de Tony Blair, qui avait refusé de le remplacer au coût de 60 millions de livres.
Longue de 125 mètres, cette « ambassade flottante » a parcouru plus d’un million de milles nautiques en 44 ans, inauguré la Voie maritime du Saint-Laurent et fait escale dans 658 ports. Elle a transbahuté notamment les cinq tonnes de bagages qui accompagnaient la reine à chacun de ses voyages d’État à l’étranger, ce qui devait forcément inclure sa voiture officielle, une Rolls-Royce Fathom V, les chapeaux à voilette ne pesant pas grand-chose, comme chacun sait.
Les fans de The Crown y retrouveront la déco simple et fleurie d’inspiration mamie aperçue à l’écran, « de fidèles images de synthèse », dira notre guide, puisque l’équipe n’a pas été autorisée à tourner à bord. Quoi qu’il en soit, c’est sans doute dans ce musée, où l’on peut écornifler jusque dans l’ancien bureau d’Élisabeth II, qu’on s’approche le plus du quotidien d’une souveraine.
Chez Victoria et Diana
À Londres, le palais de Kensington, home royal depuis 1689, fait parler de lui ces temps-ci puisqu’y vivra le couple du jour. Deux grandes expositions en lien avec d’anciennes occupantes, Victoria et Diana, y sont présentées.
Diana : Her Fashion Story réunit, jusqu’au 6 janvier 2019, une vingtaine de tenues qu’elle a portées dans le cadre de son travail. Oui, travail, car après tout, la princesse de Galles participait à pas moins de 130 événements officiels par année !
Chaque bout chiffon est accompagné d’une histoire, qui révèle un pan de sa personnalité. On apprend par exemple que lorsqu’elle visitait des hôpitaux pour enfants, elle choisissait de porter des accessoires que les petits malades pouvaient manipuler. On se souvient aussi de la fois où, au Brésil, alors que le monde découvrait l’horreur du sida, elle retira ostensiblement ses longs gants pour serrer la main d’une victime.
Quant aux étrangers, ce sont les Américains, les Australiens et les Chinois qui nous posent le plus de questions au sujet du mariage royal
L’autre exposition, Victoria Revealed, présente toute l’année une femme dont nous ne savons que bien peu de choses, sinon qu’elle vaudra un congé lundi au ROC alors que nous célébrerons nos patriotes ! À l’occasion de la célébration de son 200e anniversaire de naissance, l’an prochain, on souhaite démystifier la souveraine dont le règne a fait époque.
La dernière étape de notre pèlerinage royal n’est nulle autre que Windsor et son château défensif. « Reines et rois y vivent depuis les années 1080, note Amanda Bryett. En fait, c’est le plus vieux château habité au monde. » La reine y séjourne habituellement les week-ends et pendant un mois à Pâques. Dans son aile privée, le reste du bâtiment étant le musée qu’on visite, elle accueille des invités de marque, comme Helen Mirren lors de ses convoitées invitations « Dine and Sleep ».
Dans l’enceinte du château vivent et travaillent 160 personnes, des chefs de cuisine aux garçons d’écurie. Ce week-end, il accueille en sus quelque 2000 dignitaires, parents et amis du couple aux frais de la reine, soit dit en passant, et non de la Couronne.
À 13 h, tout de suite après la cérémonie nuptiale, les nouveaux mariés monteront à bord d’une calèche le temps d’une procession dans la ville qui donnera à leurs admirateurs l’occasion de les saluer. Cette tradition, qui remonte à la fin de la Première Guerre mondiale, avait été instaurée pour réjouir le bon peuple en temps tumultueux. Un objectif encore bien d’actualité.
Carolyne Parent était l’invitée de VisitBritain.
Le saviez-vous ?
Le Balmoral, grand hôtel de gare ferroviaire d’Édimbourg inauguré en 1902, constituait autrefois une halte pour les nobles en route vers leur maison de campagne dans les Highlands.À défaut d’y loger, il faut y prendre le high tea, quitte à substituer au champagne proposé une bonne rasade de gin local et prolétaire ! roccofortehotels.com
Le mandat royal accordé par Sa Majesté aux commerces la desservant doit être renouvelé tous les cinq ans. Aussi, pour s’approvisionner en thé et ne confiseries de qualité, on va chez Fortnum Mason.
Pour se faire concocter un parfum sur mesure à l’instar de Mme Winston Churchill, de James Bond (!) et des aristos, cap sur Floris, dans le chic quartier St. James.
Du 18 au 22 juin prochain aura lieu, à l’hippodrome d’Ascot, la fameuse compétition de la Gold Cup, que la reine ne manque jamais. Chapeau ou fascinator (parure de tête) de rigueur !
Dans les environs d’Ascot, à Sunningdale, Coworth Park est LE manoir anglais de nos rêves. Avec son spa, son terrain de polo et ses petits-déjeuners servis dans le Conservatory, on se croirait dans Clue ! À proximité se trouve Bray, où Heston Blumenthal a deux pignons sur rue étoilés au Michelin : The Fat Duck et The Hind’s Head. Je me suis régalée au dernier. dorchestercollection.com, hindsheadbray.com
Des lectures capitales : Escale à Londres (guidesulysse.com, 2016) et Édimbourg en quelques jours (lonelyplanet.fr, 2017) pour ne rien rater de ces destinations. La section « Le meilleur de… », commune à tous les « Escale », est particulièrement inspirante.
Bons clics : edinburgh.org, britmovietours.com, royalcollection.org.uk, royalyachtbritannia.co.uk, hrp.org.uk/kensington-palace