Tucson, ville créative de la gastronomie

Située dans le sud de l’Arizona, au coeur du désert de Sonora, Tucson est la ville américaine qui pratique l’agriculture depuis le plus longtemps. C’est entre autres pourquoi elle a été reconnue au patrimoine de l’UNESCO en 2015 comme ville créative de la gastronomie, un titre que seulement quatre villes possèdent en Amérique du Nord.
Cela fait plus de 4000 ans que l’agriculture est pratiquée à Tucson. Afin de rendre hommage à ce savoir-faire unique, l’OBNL Friends of Tucson’s Birthplace a créé un jardin-musée en 2012, le Mission Garden Project — située au même endroit que la réelle mission San Augustin établie en 1768 —, dans le but de raconter l’histoire agricole de Tucson.
Ainsi, chaque lopin de terre présente l’essentiel des plantes ancestrales qui poussaient à cette époque précise. Nous entrons d’abord dans la végétation du désert, où les innombrables cactus, les plantes succulentes et tous ces arbustes à l’apparence complètement desséchée sont au contraire en pleine forme. Dena Cowan, responsable de la sensibilisation éducative pour l’OBNL, nous invite à passer au jardin suivant, rappelant les années 2100 av. J.-C., lorsque les premiers fermiers s’installent aux abords de la rivière Santa Cruz. « Ce sont eux qui ont développé ce fameux réseau de canaux profonds et étroits pour assurer l’irrigation des champs en plein milieu du désert. C’est d’ailleurs ce qui leur a permis de cultiver des plantes comme le maïs, l’amarante, l’orge et le tabac. » Au même endroit, nous y trouvons quelques-unes des plantes sauvages à la base de l’agriculture en devenir, notamment des courges, des haricots, du coton et du piment chiltepin, la seule espèce indigène aux États-Unis, encore largement utilisé dans la cuisine du Sud-Ouest américain. Au fil des siècles, les villages se multiplient autour de Tucson, jadis nommée S-Cuk Son (prononcé « Chuk Shon »), ce qui veut dire « au pied de la montagne noire ».

Nous passons ensuite aux jardins des peuples hohokams, présents dans le bassin de Tucson de l’an 500 jusqu’à la moitié du XVe siècle de notre ère. L’ingénieux système d’irrigation leur permet de cultiver une plus grande variété de plantes, comme le maïs chapalote, une des plus anciennes espèces d’Amérique du Nord.
Au-delà de fournir l’eau nécessaire à la production agricole, ce système de canaux permet aux Hohokams d’avoir un pouvoir politique quant à la distribution de l’eau dans la communauté, une réalité qui risque fort bien de renaître dans les années à venir étant donné les longues sécheresses de plus en plus fréquentes un peu partout dans le monde.
Cela dit, les intempéries ne sont tout de même pas inexistantes à l’époque. Si bien que d’importantes inondations aux environs de Phoenix au début du XVe siècle sont possiblement responsables de la destruction du réseau de canaux. Ceci expliquerait aussi l’abandon des villages riverains par les Hohokams autour des années 1450.
Leurs descendants, les O’odhams (alias Pima), toujours présents en Arizona, reprennent tant bien que mal l’agriculture. À défaut d’exploiter le même système de canaux, ils utilisent d’autres méthodes ancestrales employées par leurs prédécesseurs, comme l’agriculture par inondation. Ainsi, ils récoltent également l’eau du ruissellement de la mousson en créant des caniveaux, des terrasses, des bassins de rétention et des barrages. Bref, ils font appel à toutes sortes de façons de récupérer l’eau de la mousson, puis de la détourner petit à petit dans les champs pour les irriguer de manière optimale. Les sols humides leur permettent d’ailleurs de cultiver des plantes maraîchères et médicinales, comme la griffe du diable, des courges, et des plantes sauvages, telles que le pourpier.
Puis, l’arrivée des colons espagnols à la fin du XVIIe siècle a largement changé le visage de l’agriculture locale. Nous le constatons dans le jardin racontant la période coloniale par la présence d’espèces de plantes nouvellement introduites par les colons, comme le blé d’hiver, l’orge, des melons, des oignons, des pois, de la moutarde, du sorgho et des arbres fruitiers (grenadiers, figuiers, pêchers…). « C’est aussi à cette époque que les vignes font leur apparition dans le portrait agricole de la région, étant donné l’importance du vin dans les cérémonies religieuses des missionnaires espagnols, ajoute madame Cowan. Cette période est particulièrement marquante dans l’agriculture de Tucson. » Puis, les jardins mexicains, chinois et yoemes (ou yaquis) sont sur le point d’éclore. Manifestement, le Mission Garden Project est une excellente façon de raconter les abondantes pages d’histoire de celle qui porte particulièrement bien son titre de ville créative de la gastronomie.
Par-dessus tout, Tucson possède une bibliothèque de semences ancestrales qui a pour but de conserver les espèces indigènes, parfaitement adaptées au climat aride du désert de Sonora. Comme une bibliothèque municipale, tous les citoyens du comté de Pima ont accès aux semences. Ils peuvent emprunter des graines pour les cultiver à la maison, pourvu qu’ils en ramènent quelques-unes au moment des récoltes. Ce projet créé par et pour la communauté est certainement un exemple à suivre, afin de contribuer au maintien de la biodiversité, que nous habitions dans le désert ou en pleine taïga.
Si l’ingénieux réseau de canaux imaginé par les Premières Nations de Tucson n’est plus, il demeure une source d’inspiration indéniable dans le vaste monde de l’agriculture en Amérique du Nord et ailleurs. Et il faut plus de réalisations inspirantes comme le Mission Garden Project pour rendre hommage aux généreux legs de toutes les Premières Nations.
Notre journaliste était l’invitée de Visit Tucson.
Bon à savoir
L’hôtel Westward Look Wyndham Grand Resort Spa a un grand jardin mettant en vedette les plantes du désert, desquelles le chef s’inspire pour créer la carte des restaurants GOLD et Lookout.Le restaurant familial La Indita, situé sur la 4e Avenue à Tucson, sert une cuisine mélangeant parfaitement la culture culinaire autochtone de l’Arizona et celle du nord du Mexique.
Depuis le 22 février, Air Canada offre un vol direct quotidien de Montréal à Phoenix, située à deux heures de route de Tucson.