Une manne pour le développement économique?

Ce texte fait partie du cahier spécial Tourisme d'affaires
Culture, art de vivre, nature, neige… le Québec a de sérieux atouts pour attirer la clientèle bleisure. Force est pourtant de constater que, pour l’instant, l’offre n’est pas clairement établie et que les régions ne mesurent pas les retombées de cette tendance.
« C’est curieux, mais comme par miracle, lorsqu’un congrès est organisé à Papeete, subitement, il intéresse plus de monde que dans un petit village rural de la Normandie…, assure le détenteur de la Chaire de tourisme Transat de l’UQAM, Paul Arseneault. De ce point de vue, je crois que le Québec est bien positionné pour attirer ce type d’événements. »
L’idée sous-jacente, c’est que, si la nouvelle génération souhaite profiter de ses déplacements d’affaires pour faire du tourisme, les organisateurs de congrès vont devoir proposer des destinations qui font rêver. Et si le Québec n’a pas de cocotiers ni de grandes plages de sable fin à offrir, la province a cependant de nombreuses propositions intéressantes.
« Le Canada a la cote en matière de tourisme, estime M. Arseneault. Il y a eu le 150e de la Confédération, le 375e de Montréal, nous avons un premier ministre populaire dans le reste du monde. Bref, nous sommes “sur la carte”. »
Le professeur vante aussi bien les mérites des villes telles que Montréal et Québec que des régions.
« Il y a les valeurs, la façon d’être des Québécois, évoque-t-il, qui sont reconnues aussi bien dans le reste de l’Amérique du Nord qu’en Europe. Notre chaleur, notre accueil, notre culture font la différence. Montréal a à offrir sa vie de quartier, son authenticité, Québec, son histoire bien sûr. Et puis, il y a tout le reste, dont on oublie parfois de tirer parti. Le ski l’hiver, la nature à portée de main l’été. Une nature non privatisée à une heure à peine des grands centres. Une grande partie de la population mondiale vit dans des conditions atmosphériques déplorables. Ce n’est pas notre cas, et nous le tenons pour acquis. Mais pour un Chinois, passer un après-midi autour d’un lac paisible et non pollué, c’est quelque chose d’exceptionnel. »
Clientèle internationale
Or, si les voyages de type bleisure sont en augmentation, c’est d’abord et avant tout parce que les voyages d’affaires eux-mêmes le sont. Et si les voyages d’affaires le sont, c’est d’abord et avant tout parce que la classe moyenne asiatique, principalement chinoise, est en pleine expansion. On estime en effet qu’en 2035, il y aura plus de membres de la classe moyenne en Asie que partout ailleurs sur la planète. Bref, c’est cette clientèle qu’il faut viser.
« Pour quelqu’un de Toronto, venir en congrès à Montréal, ce n’est pas très exotique et il y a peu de chances qu’il reste pour visiter, note Paul Arseneault. L’économie est de plus en plus mondialisée. Il faut aller chercher la clientèle d’affaires partout dans le monde. »
Steeve Gagné est président de l’Association des professionnels de congrès du Québec (APCQ) et délégué commercial et marketing à Tourisme Victoriaville et sa région. Le 21 novembre dernier, l’association organisait une journée des acteurs du tourisme d’affaires qui avait pour thème Renforçons nos régions : parlons affaires, pensons tourisme. Il y a été question de bleisure.
« Mais je dois dire que, pour l’instant, en région, c’est une tendance que nous ne mesurons pas, note-t-il. On se demande même si c’est un mythe… nous lisons beaucoup de choses sur le sujet. On se dit que peut-être cela va arriver jusque chez nous à l’avenir. On l’attend cette nouvelle génération qui veut vivre les congrès autrement. Mais pour l’instant, nous ne la voyons pas. »
Il admet cependant que certaines régions du Québec ont plus à offrir que Victoriaville et ses alentours. Montréal, Québec, mais aussi les Laurentides avec le mont Tremblant, qui dispose à la fois d’infrastructures modernes susceptibles d’accueillir de grands congrès et de possibilités de loisirs plein air et sportifs. Le Saguenay ou Charlevoix aussi peut-être.
« Il faut tout de même avoir quelque chose de suffisamment remarquable à proposer pour que cela intéresse une clientèle internationale », conclut M. Gagné.
Investissements majeurs
Paul Arseneault souligne en effet qu’il faut arriver à concurrencer des joueurs du monde entier et donc arriver avec une offre qui puisse rivaliser avec Las Vegas, Los Angeles, Barcelone ou Paris, pour n’en citer que quelques-uns.
Il estime cependant que le Québec dispose d’infrastructures d’accueil touristiques et d’affaires tout à fait dignes des plus grands standards, tant en Amérique du Nord qu’en Europe.
Ces dernières années, des investissements majeurs destinés au développement d’infrastructures d’accueil en tourisme d’affaires ont en effet été réalisés aux quatre coins du Québec, notamment à Laval, Drummondville, Lévis, Rivière-du-Loup, Saint-Hyacinthe ou encore Trois-Rivières. Il en résulte un meilleur maillage entre partenaires du tourisme local, un enrichissement de l’offre ou encore une adaptation aux nouvelles clientèles et aux nouvelles technologies.
Nancy Lambert est directrice tourisme et congrès à Saint-Hyacinthe Technopole. À la suite de la fermeture de l’hôtel des Seigneurs, qui abritaient le centre des congrès de la ville, la municipalité a décidé de prendre le tourisme d’affaires à sa charge. Un nouveau centre des congrès municipal vient d’ouvrir ses portes et il sera jumelé à un hôtel Sheraton d’ici le mois de juin.
« Nous revenons donc dans le secteur du tourisme d’affaires, indique Mme Lambert. Lorsque nous l’avons quitté il y a quatre ans, on parlait encore très peu du bleisure. Mais là, nous allons y être très attentifs. Nous avons pris soin de mettre en place une offre de divertissement susceptible de satisfaire cette clientèle. »
Bleisure régional
Un bureau de Tourisme Saint-Hyacinthe se trouvera d’ailleurs directement dans le centre des congrès afin de diriger les congressistes et autres exposants. L’hôtel offrira également le tarif négocié deux jours avant et après l’événement. La municipalité communique également sur les boutiques, les restaurants, le cinéma accessibles à distance de marche, ainsi que sur le parc Les Salines, tout proche également. Ces attraits peuvent attirer le congressiste ou sa famille, désireux de profiter du déplacement professionnel pour s’adonner aux joies des sports d’hiver notamment.
« Et puis, notre centre-ville est une destination en elle-même, ajoute Nancy Lambert. On y trouve des petits commerces, des bars, des micro-brasseries, des chocolateries, etc. »
Il ne s’agit pas là d’attirer une clientèle internationale, mais plutôt québécoise. Il n’y a que dans le domaine de l’agroalimentaire, secteur économique important dans la région, que la ville souhaite accueillir des événements internationaux. Pour le reste, il s’agira surtout de congrès à l’échelle de la province. Et Mme Lambert croit que son offre pourrait bien attirer la clientèle de type bleisure.
« Il y a des possibilités de développement économique pour les régions, soutient Paul Arseneault. Si elles arrivent avec une proposition intelligente et raisonnée. La clientèle bleisure est d’autant plus importante qu’elle arrive avec un portefeuille bien rempli, la majorité des dépenses étant prises en charge. Il y a des moyens de maximiser cet effet de levier. »
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.