Le top-modèle fribourgeois

Érigé en exemple à l’Exposition universelle de Shanghai, l’écoquartier Vauban suscite l’admiration du monde entier, de la Scandinavie au Japon post-Fukushima.
Fribourg-en-Brisgau — Tout au sud de l’Allemagne, aux portes de la France et de la Suisse et au pied de la Forêt-Noire, Fribourg est une bourgade où il fait bon vivre, et deux fois plutôt qu’une. Superbe cité médiévale, elle est baignée par une rivière qui alimente un réseau de caniveaux donnant tout son charme au centre-ville piétonnier.
Ville à échelle humaine, elle compte 230 000 habitants, dont plus de 20 000 étudiants universitaires pour la dynamiser. Et côté ensoleillement, elle est tellement gâtée qu’au pays on l’appelle la deutsche Toscane !
Fribourg est surtout l’un des berceaux du mouvement écolo. Il y a une trentaine d’années, la victoire remportée par les opposants à la construction de la centrale nucléaire de Wyhl, une localité voisine, donnait de l’élan aux verts. En 2002, Fribourg devenait d’ailleurs la première ville allemande à se donner un maire appartenant aux Grünen.
C’est dans ce contexte qu’est né l’écoquartier Vauban, il y a 20 ans. « En 1992, la Ville était aux prises avec une crise du logement et il était bien sûr hors de question de grignoter les espaces verts qui ceinturent Fribourg pour construire des habitations », explique Valérie Breteau, chef de projet chez Innovation Academy, un organisme fribourgeois de sensibilisation à l’urbanisme durable.
Que faire, alors ? La solution est venue des jeunes qui squattaient les casernes que l’armée française venait de quitter dans la foulée de la chute du mur de Berlin. Ils ont mis sur pied un projet d’habitation autogéré, puis ont finalement acheté les casernes et le terrain d’une quarantaine d’hectares du gouvernement fédéral.
Par et pour les résidants
Dans écoquartier, il y a… éco, qui renvoie à la notion d’impact minimal du bâti sur l’environnement, aux énergies renouvelables et à la mobilité collective. Après la reconversion de quelques casernes en foyers pour étudiants et de la cantine des officiers en locaux communautaires, Vauban, conçu pour 6000 résidants, s’est développé de part et d’autre d’une nouvelle ligne de tramway le reliant au centre-ville de Fribourg, distant d’une quinzaine de kilomètres.
Résultat ? Les voitures sont si rares dans ses rues qu’on surnomme celles-ci spielstrassen, « des rues pour jouer ». D’ailleurs, dans plusieurs secteurs, il est seulement permis de garer son véhicule le temps de le décharger !
Comptant un maximum de quatre étages, les habitations sont de type passif, c’est-à-dire peu énergivores grâce à une isolation ultraperformante et à la captation d’énergie solaire. Au nom de la biodiversité, les espaces verts, pensés par les résidants, sont en — belle — pagaille.
Mais pour Mme Breteau, qui a vécu à Vauban une dizaine d’années, un élément unique du quartier est l’engagement citoyen. « Le tiers des habitations ont été conçues par de futurs résidants regroupés autour d’un architecte pour créer un projet sans promoteur, dit-elle. Ça prend plus de temps pour avoir sa maison, mais parce qu’on en est satisfait, on y vit plus longtemps, en plus de gagner au bas mot 500 euros le mètre carré… »
Le « village » à la mode
Avec son mélange de citoyens de tous âges, de locataires et de propriétaires, ses logements sociaux, ses commerces, son offre culturelle, ses écoles, ses services de santé et… son four à pain collectif, Vauban a tout d’un village. « On s’y installe pour améliorer sa qualité de vie, dit Mme Breteau, mais aussi pour profiter d’une nouvelle forme d’organisation sociale qui fait en sorte, par exemple, que des voisins se partagent une machine à laver ou un congélateur, réduisant du coup l’impact environnemental de l’énergie grise. »
Hélas, tout n’est pas parfait dans le quartier qui porte le nom de l’architecte de Louix XIV — il a construit les remparts de Fribourg au temps de son appartenance à la France. Selon la chargée de projet, qui y a vécu comme locataire, l’a quitté lorsqu’elle s’est mariée et ne peut le réintégrer avec sa famille faute d’y trouver un logement abordable, il est peut-être devenu trop à la mode.
« Il en coûte près de 50 % plus cher qu’au début pour y vivre aujourd’hui », dit-elle. Menacée, la vocation sociale du top-modèle ? « Chose certaine, il faudra bien trouver une solution, sinon seuls les riches pourront se permettre d’y habiter. »
Collaboratrice
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LE BATEAU SOLAIRE
Jouxtant Vauban, Sönnenschiff est un bâtiment économe à la silhouette impressionnante. Réalisé par l’architecte fribourgeois Rolf Disch, il abrite des commerces et des bureaux (dont l’Ökoinstitut, ou éco-institut), tout en servant de barrière phonique aux maisons « positives » du lotissement situé derrière.
Recouvertes de modules photovoltaïques, ces maisons sont dites positives parce qu’elles produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment. Pour leurs propriétaires, cela signifie à la fois des économies et des profits puisqu’ils vendent cette énergie, réinjectée dans le réseau urbain de distribution d’électricité, plus cher qu’ils ne la paient !
DORMIR LA CONSCIENCE ÉCOLOTRANQUILLE !
Si, à Vauban, on trouve bel et bien un hôtel vert, le Green City, au centre de Fribourg, l’hôtel Victoria, de la famille Best Western, est quant à lui d’un vert très, très foncé ! Faute d’espace, on vous épargne la liste des mesures pro-environnementales que l’établissement a adoptées pour minimiser son — et notre — empreinte, des initiatives qui lui ont valu d’innombrables distinctions.
Mentionnons simplement que l’hôtel est autosuffisant sur le plan énergétique grâce à ses installations solaires et à ses éoliennes, et qu’il se chauffe en partie avec du bran de scie compacté (une production annuelle d’émissions équivalant à celles d’un arbre vivant, assure-t-on).
On y fait aussi ce qu’on y prêche : des titres de transport en commun sont donnés aux hôtes et les proprios conduisent des voitures électriques. Enfin, à l’heure du dodo, notre environnement… sonore s’avère charmant, les têtes de lit renfermant une boîte à musique diffusant une berceuse de Brahms!