Un Sud pas comme les autres

«Il y a de belles randonnées à faire à vélo ou à pied en Haïti», m’avait dit, il y a trois ans, Jean Christophe Lang, le jeune directeur général de l’hôtel-restaurant Cyvadier Plage, à Jacmel. Entre autres au parc national La Visite, dans la chaîne de la Selle, qui abrite la plus grande forêt de pins du pays. Seul hic: on y pratique toujours le sarclage, le brûlis et la coupe d’arbres.
Haïti en français, «Ayiti» en créole. «La terre des grandes pentes». Au nord de Port-au-Prince: la chaîne du Haut-Piton, le massif des Montagnes noires et la chaîne des Matheux ; au sud-est: le massif de la Selle qui abrite le pic La Selle, le plus haut sommet, à 2680 mètres.
Dans sa descente sur Port-au-Prince, l’avion effectue un grand virage. Au tour de la mer de tenir la vedette. Elle présente toutes les nuances de bleu. Le turquoise remporte la palme. On en prend plein les yeux. Est-ce la Gonâve, cette île au loin ? Il paraît qu’elle a été le dernier refuge des Taïnos. Et aussi qu’un officier américain en était le roi dans les années 1920.
La première république noire de l’histoire de l’humanité regorge d’Histoire et d’histoires. Et d’écrivains pour en parler. À Montréal, une visite à la maison d’édition Mémoires d’encrier, à la librairie KEPKAA ou au Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne (CIDIHCA) permet d’en constater la richesse.
Une histoire qui ne se résume pas aux tontons macoutes et au séisme de janvier 2010. Rappelons qu’à la veille de la Révolution française, l’île alimentait en sucre, en café et en indigo le tiers du commerce extérieur français. Elle est l’une des plus insatiables consommatrices d’esclaves.
Puis, il y a eu le tremblement de terre. On est touchés. Comment se rendre utiles ? Aider au-delà de l’humanitaire. «Pourquoi ne pas exprimer sa solidarité envers Haïti en prenant des vacances là-bas?», avait dit Jean-Hughes Roy lors d’une émission radio en avril 2010. Le journaliste de Radio-Canada revenait d’un séjour à Port-au-Prince avec une vision pas si négative que ça du pays. « Haïti a besoin de devises, de travail, d’investisseurs. Y aller en tourisme, même si ce n’est pas facile, serait une bonne façon de relancer l’économie du pays.» Pas fou, ça !
Il est clair que le potentiel du pays en matière d’écotourisme est là. Il y a les montagnes, la mer, les paysans, les pêcheurs, l’art, la musique, l’histoire. On parle, bien sûr, d’un tourisme «de proximité» qui favoriserait les échanges culturels, améliorerait les conditions de vie des gens et ne défigurerait pas les paysages. Les entreprises touristiques déjà existantes semblent y croire.
Voilà que, trois ans plus tard, Vacances Transat s’associe au ministère du Tourisme d’Haïti pour y offrir un forfait vacances. Une façon louable de participer à l’essor socioéconomique de ce pays qui met les bouchées doubles pour redorer son image de destination de choix dans la Caraïbe.
Un travail d’ailleurs notable à Port-au-Prince. Le Champ de Mars resplendit, des routes prennent forme, les hôtels se refont une beauté, d’autres poussent. Quant à l’aéroport international Toussaint Louverture, les passagers y disposent maintenant de deux nouvelles salles pour l’immigration et récupérer leurs bagages. Fini le cafouillage pour retrouver sa valise!
Le séjour «Duo» de Transat combine découverte de Port-au-Prince et farniente sur la côte des Arcadins. Un guide accompagnateur et un chauffeur sont mis à la disposition du groupe durant la semaine. Des visites culturelles et des excursions sont organisées à partir des hôtels.
Sur la côte des Arcadins, libre aux touristes de profiter de la plage ou de participer à l’une des trois sorties suggérées: une randonnée en montagne, à Kay Piat, avec visite d’une cressonnière; un pèlerinage à la chute Saut d’Eau et/ou un pique-nique sur l’île de la Gonâve.
À l’itinéraire de la capitale: le musée du Panthéon national, le Marché en fer, le belvédère Boutilliers (951 mètres) pour un panorama saisissant sur la plaine du Cul-de-Sac et une soirée dansante au mythique hôtel Oloffson, propriété du musicien américain Richard Morse.
En route vers la côte des Arcadins, des arrêts sont prévus au parc historique de la Canne à sucre, à la distillerie Barbancourt et au village de Noailles, où le fer forgé est une véritable dévotion. Artistes et artisans y écrasent le métal pour donner vie à des objets inertes. Le village tout entier cogne le fer et chaque maison loge un artisan.
Lors de notre visite au Musée du Panthéon national haïtien, sur la place des Héros de l’Indépendance, au centre-ville de Port-au-Prince, nous apprenons que Toussaint Louverture est un ancien esclave affranchi, né en 1743 dans l’Habitation Breda, une plantation sucrière proche du Cap-Français. Et que son rôle crucial dans la révolution haïtienne et en tant que gouverneur de Saint-Domingue, de 1797 à 1802, a permis l’abolition de l’esclavage.
Puis, suivent Jean-Jacques Dessalines, Henri Christophe, Alexandre Pétion… de grands héros qui ont conduit à l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804.
Un plafond en forme d’ajoupa et sept alvéoles autour d’une galerie centrale, représentant chacune une période déterminante de l’histoire du pays, constituent le Musée du Panthéon national. Joli travail d’architecture. Les cendres, réelles où symboliques, des quatre héros sont conservées au centre de ce bâtiment, inauguré le 18 mai 1975 comme Mausolée des pères de la patrie.
Pas trop loin du musée: le fameux Marché en fer, mis au monde par Florvil Hyppolite, président d’Haïti de 1889 à 1896 et reconstruit après le séisme de 2010 par l’homme d’affaires irlandais Denis O’Brien (propriétaire de la compagnie de téléphone Digicel). Ce gigantesque marché aux puces offre une grande variété de produits typiquement haïtiens et d’artisanat local.
À Port-au-Prince, les trottoirs sont d’immenses marchés aux puces. Des vendeurs de «papitas» parcourent en tous sens les rues de la capitale. Un sac de dix tranches de ces chips de plantain saupoudrés de sel coûte dix gourdes. Puis, tous les dix mètres, des montagnes de mangues. «Avril marque le début de la saison», explique Pierre Chauvet, président-directeur de l’Agence Citadelle, qui organise des séjours sur mesure depuis 1964. «Il en existe une centaine de variétés ici. La mangue francisque, la plus populaire, est exportée à l’étranger. Haïti est l’un des plus grands producteurs de mangues dans la Caraïbe.»
Quartiers Turgeau et Bois Verna, rue Lamartinière. Il y a ici de belles maisons style «gingerbread», mais qui demandent des réfections. Port-au-Prince regorge de ces demeures qui datent du tournant du XXe siècle. «Voilà celle de Jacques Roumain, romancier, journaliste, poète et ethnographe, né en 1907», dit Pierre Chauvet en montrant du doigt une maison beige. S’il y a un livre à mettre dans sa valise, Gouverneurs de la Rosée vient en tête de liste.
Sur un panneau publicitaire, la photo d’un homme devant des bâtiments aux couleurs pastel attire l’attention. Il s’agit de Préfète Duffaut, artiste jacmélien reconnu pour peindre des villes imaginaires. Derrière l’image de l’homme, un bidonville coloré du nom de Jalousie.
Lors d’une rencontre avec la mairesse de Pétion-ville, Ivanka Jolicœur Brutus, Haïtienne d’origine, native de Saint-Eusèbe, au Témiscouata, dans le Bas-Saint-Laurent, nous apprenons que ce quartier précaire, construit à flanc de montagne à Pétion-Ville, est l’objet d’un projet d’embellissement : «Jalousie en couleur». Depuis janvier, 1010 maisons ont été repeintes.
C’est en grimpant vers le belvédère du mont Boutilliers que nous apercevrons la cité aux couleurs pastel destinée à devenir site touristique. «Il y a dans Jalousie une telle richesse culturelle, dit Yvanka Jolicœur. On y retrouve plein de petits métiers, comme le couturier, le céramiste…»
Il y aurait encore tant à dire sur Port-au-Prince, une ville qui vit à fond. Je la croyais triste et sans intérêt. Dangereuse. D’accord, un simple coup d'œil sur l'agglomération de plus de deux millions habitants permet de conclure à une histoire de brouhaha populaire sur fond d'un quotidien pas toujours facile. Il reste donc conseillé d'être accompagné d'un guide, du moins pour la première fois, question de se familiariser avec les us et coutumes de ses résidants.
Où dormir. Parmi les hébergements proposés à Port-au-Prince, on note le Plaza, le Prince, le Karibe et le Royal Oasis by Occidental. Sur la côte des Arcadins : Wahoo Bay Beach, Moulin-sur-Mer, Club Indigo et Kaliko Beach Club.
Où manger à Port-au-Prince et à Pétion-Ville. Outre les restaurants des hôtels suggérés par Transat, la capitale offre une panoplie de restos sympathiques. Mes suggestions: The View (509 22 56 6075), une terrasse couverte sur le toit d’un édifice de Pétion-Ville, belle vue; Au Coin des artistes (509 257-2400) pour un délicieux poisson frais grillé; La Souvenance, pour une cuisine française traditionnelle ; La Papaye (3513-9229), pour une nouvelle cuisine fusion ; Le Basilic (5139534), resto chic niché dans l’ancienne résidence du président Borno.
Visiter La Galerie festival Arts, à Pétion-Ville, tenue par Marie Alice Théard, historienne de l’art, écrivaine, poétesse. Elle vient de signer Présence féminine dans l’art haïtien, qui regroupe les œuvres de plus de 80 femmes haïtiennes artistes. La galerie offre un survol de l’art local.
Consulter Le premier livre électronique touristique d’Haïti, publié par Incas Productions; le site du ministère du Tourisme d’Haïti, le site du Consulat général de la République d’Haïti à Montréal et le site de GRAHN-Monde/Groupe de Réflexion et d’action pour une Haïti nouvelle, qui a vu le jour à Montréal au lendemain du tremblement de terre de 2010.
La gourde est la monnaie haïtienne. Bien que le terme «dollar haïtien» soit encore utilisé, cette monnaie n’est que virtuelle. Il n’existe pas de pièces de dollar haïtien, c’est juste une habitude orale qu’ont prise les habitants et qui remonte à l’époque où Haïti était occupée par les Américains. Ces derniers avaient alors défini un taux fixe de 5 gourdes pour 1 dollar américain. 1 $US = 42,3798 gourdes; 1 dollar haïtien = 5 gourdes.
Notre journaliste était l’invitée de Vacances Transat.