Clin d'oeil - Dans l'antre des Alpes suisses
Pollegio, Tessin — À l'heure où nos gouvernements tentent de relancer l'économie grâce à des travaux de réfection des infrastructures routières, les Suisses, eux, modernisent leur infrastructure ferroviaire. Qualifié de «plus grand chantier d'Europe», ce projet, dont le budget s'élève à 30 milliards de francs suisses (autant de dollars canadiens), inclut, entre autres choses, le forage du plus long tunnel ferroviaire du monde, à travers le massif du Saint-Gothard. Long de 57 kilomètres, ce tunnel sera composé de deux «tubes» dans lesquels les trains fileront à une vitesse allant jusqu'à 250 km/h. Les travaux ont débuté en 2001 et devraient se terminer fin 2017.
Selon la guide de chantier Elena Traversi, le tunnel vise surtout à protéger les Alpes en éliminant des routes les gros camions polluants. Un autre objectif est d'augmenter le trafic ferroviaire de passagers et de marchandises au coeur de l'Europe.Même pour les Suisses, qui s'y connaissent pourtant en matière de tunnels alpins, le percement du massif du Saint-Gothard n'est pas une mince affaire. Pour en expliquer tous les tenants et aboutissants, on a donc construit à Pollegio, avec le gneiss extrait de la montagne, un centre d'information qui est devenu un attrait touristique en soi. Et pour qui s'intéresse aux travaux herculéens, cette visite est fascinante.
Car si percer une montagne est déjà tout un exploit, la difficulté s'en trouve démultipliée lorsque ladite montagne est composée, comme c'est le cas ici, de plusieurs types de roches plus ou moins dures. Ainsi, quand tout va bien, l'excavation aux explosifs permet de progresser de 6 à 10 mètres par jour; pour l'excavation au tunnelier, le «monstre» qui se fraye un chemin au coeur du massif, c'est de 20 à 25 mètres...
Au total, on extraira du Saint-Gothard l'équivalent de cinq fois la masse de la pyramide de Khéops! «On en sort 10 000 tonnes de déblais par jour, dit Elena Traversi. Pour les acheminer à des sites de remblayage, il faudrait 500 camions et mille trajets, ce qui irait en contradiction avec l'une des raisons d'être du tunnel. On en a donc créé un autre pour leur acheminement.» Pour construire une ligne ferroviaire de 57 kilomètres, il a donc fallu forer une centaine de kilomètres supplémentaires pour créer ce tunnel d'évacuation, ainsi que les tunnels d'accès, les galeries de secours en cas d'incident et les puits de ventilation. Par ailleurs, les déblais sont réutilisés à 99 % comme matériel de remblais (de carrières abandonnées, par exemple) et comme granulats à béton, lui-même fabriqué à même le chantier.
Muni de l'attirail d'un ouvrier, y compris d'une bonbonne d'oxygène, on peut visiter une portion du tunnel en construction. Mais à moins d'être un mordu des travaux d'ingénierie, la visite du centre d'information suffit amplement à la compréhension de ce projet titanesque.
n Pour renseignements: www.alptransit.ch
***
Collaboratrice du Devoir
***
Carolyne Parent s'est rendue en Suisse grâce à Swiss Air Lines.