Par la fenêtre des Açores, le monde

Les Açores furent l'escale magique lorsque les intrépides explorateurs s'y sont ravitaillés en faisant voile d'un continent à l'autre. Les neuf îles de l'Atlantique ravitaillent encore à volonté les vacanciers en chair de crustacés, en air salin, en étendues vertes, sans oublier les rapports chaleureux avec les insulaires. Du monde invitant. Des Açoréens de la haute mer étroitement reliés à leurs proches, implantés partout à l'étranger, y compris chez nous. La ligne aérienne SATA relie désormais le Québec à cette région autonome du Portugal.

À l'aéroport Jean-Paul II de Ponta Delgada, tôt le matin, le beau-frère de mon compagnon de voyage nous accueille: «Olá, Norberto!» Notre minibus fonce ensuite vers l'est, sur une route scénique de São Miguel. Pas le temps de retirer des euros d'un guichet à Lagoa ni de saluer les cousins Tavares à Água de Pau. Le soleil commence à briller sur l'île la plus peuplée de l'archipel. Azalées, camélias et hortensias ajoutent de la couleur aux façades pâles des maisons. Les ouvriers en salopettes convergent vers leurs cafés d'habitués pour feuilleter l'Açoriano Oriental.

À Vale das Furnas, lorsque le chauffeur dépose nos valises à l'hôtel Terra Nostra Garden, 80 journalistes portugais sont déjà sur place pour notre congrès, mais il y sera autant question de culture locale que de journalisme. De plus, les frères Duarte, organisateurs du colloque, tiennent à ce que les compatriotes de Lisbonne et de la diaspora açoréenne savourent les spécialités locales. Pas une mauvaise idée! Même les musiciens font partie du programme. Pendant que Norberto Aguiar, rédacteur en chef de LusoPresse (bimensuel montréalais fondé en 1996), discute de journalisme, je pose des questions. Il faut profiter du fait que j'ai avec moi un superguide, le gars branché sur le monde de Lagoa, qui n'a rien oublié de «ses» Açores, 33 ans après avoir immigré à Montréal.

Dans cet archipel volcanique, Furnas est célèbre pour ses fumerolles. Pour le lunch, l'hôtel nous prépare de généreuses portions de viande qui cuiront dans des cavités creusées à même le sol. Le soir, nous sympathisons avec les universitaires du congrès dans un buffet de morue (bacalhau) et de pieuvre (polvo) au très champêtre Vale das Furnas. Puis, surprise, une dizaine de choristes en tuniques longues suscitent l'émotion: les serenatas nous guident dans une procession au beau milieu de la route. Leurs lents refrains avec accordéons et instruments à cordes nous transportent dans le spirituel. Les jets de vapeur jaillissant çà et là dans la nuit font surréaliste. Les lusophones américains, brésiliens ainsi que les «continentaux» marchent en silence pour jouir du calme des îles.

À Lagoa, voisins et cousins de Norberto Aguiar nous prodiguent l'accolade (abraço). Un demi-siècle de migrations Açores-Québec ajoute les contacts faciles aux attractions touristiques. Depuis le pacte d'amitié de 1993, Lagoa possède une «place Sainte-Thérèse» et plusieurs me lancent «mon cousin reste à Laval». Le conseiller municipal Michel Prescott s'est déjà vu offrir l'hébergement dans une famille après avoir simplement prononcé: «Je viens de Montréal.»

En 1998, notre équipe de reporters avait pu observer la procession du Santo Cristo et, cette fois-ci, nous voyons défiler celle de Nossa Senhora do Rosário sur un tapis de fleurs. Tant de ferveur chez les jeunes et les aînés fait partie des moeurs. La façade de l'église du Rosário brille alors de tous ses feux, comme à Noël, et il y a foule sur la place centrale tous les soirs. Pour notre plus grand bonheur. Le foot représente l'autre religion des Açoréens et Norberto Aguiar n'arrête pas de trinquer à l'expresso (toujours exquis) avec ses ex-coéquipiers. Luis Miranda, maire d'Anjou, y organise des tournois de golf avec des centaines de sportifs.

«N'oubliez pas Terceira!», nous avait conseillé avant notre départ le chef montréalais Henrique Laranjo de Chez le Portugais. La deuxième île la plus peuplée mérite le vol de 40 minutes pour admirer Angra do Heroismo, «première ville portugaise classée au patrimoine mondial de l'UNESCO». Datant du XVIe siècle, ses vieilles rues, ses églises, ses palais et une forteresse ont nettement dépassé leur 400e anniversaire. L'autre port historique, Praia da Vitória, offre l'église gothique de São Sebastião vouée au culte de l'Esprit Saint. «Ce culte nous distingue du Santo Cristo à São Miguel», insiste avec sérieux un natif de la place. Autre fierté de Terceira: «Nous avons du sang de taureau», m'avait prévenu l'ami Henrique. La tauromachie (tourada a corda) sans effusion de sang galvanise les insulaires surtout lorsque les bêtes se précipitent dans les rues.

Au retour à São Miguel, la capitale régionale, Ponta Delgada, nous rappelle que nous ne sommes qu'à deux heures de Lisbonne. Les rues commerciales avec banques, bureaux et magasins de cadeaux font penser au vieux continent. La mairie où nous rencontrons quelques fonctionnaires ressemble à un musée avec ses artefacts provenant des villes jumelées. Malgré notre camionnette Nissan garée sans gêne à la place d'un car de touristes, le policier ne punit pas Norberto. Autre marque d'hospitalité? Vaut mieux aller écouler nos derniers euros à Ribeira Grande, deuxième agglomération, où nous savourons un plat de pieuvre au vin rouge au restaurant Ala Bote, place East Providence. Plus, en souvenir, des feuilles de thé de la plantation de Gorreana, unique plantation du genre au pays. Gracieuseté de la route de l'Orient!

En vrac

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La compagnie SATA (des Açores) relie maintenant Montréal (en plus de Toronto) à Ponta Delgada, Angra do Heroismo, Lisbonne, Porto et Faro. % 1-800-387-0365, www.sata-express.com.

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Outre le Terra Nostra à Furnas, Ponta Delgada possède plusieurs hôtels de classe internationale comme le Vip Executive, le NSL (ex-Holiday Inn) et l'Avenida. À Terceira, voir les autres quatre étoiles: do Caracol et Terceira Mar. Sinon, là aussi, rechercher des pousadas pour leur couleur locale.

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Les bonnes tables abondent au pays des grillades. À Lagoa, la soupe de poisson du restaurant A Traineira est inoubliable; même compliment au Borda d'Água. Ala Bote (Ribeira Grande) conjugue innovation et tradition. Tony's (Furnas) ne donne pas sa place. Notons que le boeuf local est élevé dans une région d'élevage d'un vert pur. Même privilège pour les fromages et les vins locaux. N'oublions pas les ananas de serre et la liqueur de fruit de la passion (maracujá). Par ailleurs, l'alcatra (boeuf ou agneau) fait la renommée de Terceira où un guide nous conseille Os Molinos, Quinta do Martelo et l'hôtel Beira Mar.

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Tous les aspects de la culture portugaise sont bien décrits dans le Routard, le Lonely Planet et chez Ulysse. L'écrivain Francisco José Viegas a situé l'action de ses polars gloutons dans l'île verte (Albin Michel). Guénaël Revel a commis La Bible du porto (Modus Vivendi).

n Pour un premier voyage en sol lusitanien, nos voyagistes d'origine portugaise possèdent la meilleure expertise. Pour quelques tuyaux de plus, en parler amicalement à un concitoyen de là-bas, souvent branché sur une association. Ne partez pas sans maîtriser le vocabulaire de base de la langue de Camões. Ni sans avoir expérimenté deux ou trois restaurants portugais et leurs soirées de fado. À surveiller, le 24 août, au parc Jean-Drapeau de l'île Notre-Dame, la journée du Portugal au Mondial gourmand. % 514 265-1479, www.mondialgourmand.com.

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Collaborateur du Devoir

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