La part de bonheur d’Ana Bertha Gallegos Barcenas

La directrice de la SAQ Société des alcools du Québec de Côte St-Luc Ana Bertha Gallegos Barcena
Photo: Adil Boukind Le Devoir La directrice de la SAQ Société des alcools du Québec de Côte St-Luc Ana Bertha Gallegos Barcena

Y a-t-il plus beau métier que celui lié au monde du vin ? Tout y converge pourtant, reliant les hommes au-delà des frontières à l’intérieur d’une soif d’apprendre et de partager qui, si on s’y laisse prendre, vous inscrit sur une orbite de franche humanité. La SAQ nous accompagne ici depuis 1921, nous amenant à y boire clair et à rêver, évoluant au fil des décennies avec une offre désormais mondialisée, et participant à sa façon à notre émancipation collective. Arrivée au Canada au début du millénaire et à la société d’État depuis 2009, Ana Bertha Gallegos Barcenas y trouve pour sa part son bonheur. On la rencontrait récemment à titre de bénéficiaire de la bourse des Golden Vines.

La question apparaîtra sans doute simpliste, mais d’où vient votre intérêt pour le vin ?

J’ai découvert le monde du vin tard dans ma vie. Je suis née dans une famille où le vin ne faisait pas partie des habitudes alimentaires. C’est pendant ma dernière année à l’université, dans un cours obligatoire de viticulture, que j’ai découvert la richesse de ce monde.

Après, tout a déboulé : je voulais en apprendre plus, rencontrer les vignerons, visiter des vignobles, goûter à tout, participer à des concours… Je me suis rendu compte que je voulais faire de cette passion ma carrière. Donc, à mon arrivée au Québec, je me suis inscrite dans un programme de sommellerie pour pouvoir décrocher par la suite un emploi dans le domaine.

 

 

Depuis combien de temps travaillez-vous à la SAQ ? Est-ce qu’elle a contribué à votre passion pour cet art de vivre  d’une manière ou d’une autre ?

Je suis à la SAQ depuis 2009. J’ai commencé comme employée occasionnelle l’été et j’ai gravi tous les échelons, jusqu’à devenir directrice de succursale. Ça m’a permis de rester en contact étroit avec ma passion.

La diversité des vins sur les tablettes est incroyable : avec plus de 7500 vins, des produits d’environ 80 pays différents, ça donne vraiment la chance de devenir connaisseur.

De plus, on reçoit la visite de vignerons et de représentants d’agences qui nous racontent les histoires derrière les étiquettes, et ça donne le goût de continuer à apprendre. La SAQ offre d’ailleurs des formations et des ateliers de façon régulière, ce qui permet de rafraîchir nos connaissances.

 

 

Comment percevez-vous le consommateur québécois (de votre point de vue de directrice de succursale, mais aussi par rapport au moment où vous êtes arrivée chez nous, en 2004) ?

Quand je suis arrivée au Québec, je me suis vite rendu compte de l’influence de la culture européenne ; c’est difficile de concevoir un repas en famille ou entre amis sans partager une bonne bouteille de vin. Ici, le vin fait partie de la gastronomie et n’est pas considéré comme un objet de luxe comme il peut l’être au Mexique, mon pays d’origine.

Le consommateur québécois aime découvrir et explorer. Lorsqu’il demande l’avis d’un de nos conseillers, il est toujours ouvert à de nouvelles suggestions. Il est aussi très éduqué, ce qui nous pousse à toujours vouloir en apprendre plus et à rester informés en ce qui concerne les tendances et les nouveautés.

 

Vous avez été récemment désignée pour recevoir une bourse Golden Vines Master of Wine 2022. Comment cela va-t-il changer votre vie ? Quels sont vos projets ?

Je flotte encore sur un nuage, je me sens vraiment honorée d’être la première personne au Canada à recevoir cette bourse. Elle va changer complètement mon approche du programme.

Devenir « Master of Wine » exige beaucoup de temps d’étude, mais implique aussi des droits de scolarité, des dépenses pour participer aux séminaires et aux examens, pour acheter des vins à déguster… Avec cette aide financière, je vais pouvoir me concentrer sur mes études sans avoir à me soucier d’amasser des fonds.

 

 

Que conseilleriez-vous aux amateurs qui démarrent dans le métier, qu’il s’agisse d’écrire sur le vin, de monter une agence ou d’envisager la sommellerie ou tout autre métier relié au monde du vin ?

Le monde du vin est très diversifié, et je trouve qu’il y a de la place pour tous ceux qui veulent se développer dans le milieu. Mais il faut être conscient que ça devient de plus en plus compétitif. Donc, peu importe dans quoi quelqu’un cherche à évoluer, il ne faut jamais arrêter d’apprendre — il faut toujours être à jour.

À l’heure actuelle, nous avons accès à une quantité presque illimitée d’informations gratuites : il n’y a pas vraiment d’excuses pour ne pas développer ses connaissances.

À grappiller pendant qu’il en reste

Roncathe 2020, Corte Moschina, Soave, Vénétie, Italie (18,95 $ – 14954155) On a de tout et n’importe quoi dans cette appellation consacrée au grand cépage garganega. Ici, on a tout, mais surtout pas n’importe quoi ! Voilà un blanc sec qui chante dans le verre, avec ses notes fines de fleur de sureau et de zeste de citron, sa rafraîchissante acidité et, surtout, son délicat toucher de bouche qui invite quelques tapas à l’apéro. (5) ★★ 1/2

Valmorena Barbera d’Asti 2020, La Corte Chiusa, Piémont, Italie (21,70 $ – 12661480) On souhaiterait des arrivages nettement plus substantiels de ce petit bijou de barbera bichonné par la célèbre famille Incisa della Rocchetta. Un rouge essentiellement fruité, sans fioritures ni concentration excessive, livré avec sobriété et beaucoup de classe, ce que le cépage n’arrive pas toujours à sublimer en bouteille. Bref, à ce prix, on se fait rapidement un ami. (5) ★★★

Pinot Gris 2021, Sperling, Vallée de l’Okanagan, Canada (23,85 $ – 14209817) Je connaissais peu cette maison : j’ai du rattrapage à faire ! Quel que soit le cépage traité, on y sent une rigueur, une confection, une capacité d’en circonscrire la personnalité qui ne se dément pas. L’essence du pinot gris se vérifie ici par son volume naturel, sa rondeur épicée fine et sa texture au palais qui lui assure, à table, les plus belles harmonies. Un régal. Surtout, une maison à surveiller. (5) ★★★ ©

Chardonnay 2020, Quails’ Gate, vallée de l’Okanagan, Canada (24,75 $ – 12456179) Cette cuvée vise le fruité en son coeur de pêche avec, du coup, cette même texture de peau de pêche qui l’enrobe par son relief fin et velouté. L’une des très belles cuvées de cette maison, dont la réputation n’est plus à démontrer. Délicieux avec une escalope à la viennoise et son jet de citron. (5) ★★★

Riesling 2019 Hagenschlauf, Jean Becker, Alsace, France (26,75 $ – 14955617) La maison Becker élabore un nombre époustouflant de cuvées. Toutes bios, qu’elles soient offertes en sec, en demi-sec ou moelleuses. Et je ne vous cause pas des eaux-de-vie. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits, et pourtant. Une belle qualité d’ensemble, sans toutefois rejoindre l’élite, à mon avis. Ce riesling de belle maturité en témoigne, avec son fruité riche et bien brodé, sa touche de citron, de miel fin, et sa fine acidité lovée autour d’un moelleux de circonstance. La finale bien nette rehausse le tout avec une belle vivacité. Supportera une gastronomie de caractère. (5) ★★★ ©

Beaujolais-Villages 2020, Mee Godard, Beaujolais, France (28,55 $ – 14785911) La gamme de gamay de madame Godard est décidément d’un niveau à s’en pourlécher longuement les babines. Une gamme qui fait tout de même dans le sérieux, le réfléchi. Il y a ici une appétence et une profondeur de fruit qui offre à la fois tension, fraîcheur, relief et maturité exemplaire dans une redoutable précision d’ensemble. Bref, pas du petit boulot bricolé sur un coin de table ! (5) ★★★ 1/2 ©

Corty Artisan « Intro » 2020, Pouilly-Fumé, Loire, France (30 $ – 14923771) Je crois savoir que nous avons affaire ici à l’entrée de gamme du domaine, assemblage de cuvées parcellaires vinifiées en cuve et axées essentiellement sur le fruité avec, ici et là, quelques traces minérales secondaires. Il y a ici du volume et une brillance fruitée manifeste, pourvus d’une ampleur et d’une vitalité qui apporte un croquant de bouche salutaire. (5) ★★★

Chablis 2020, Benoît Droin, Bourgogne, France (35,50 $ – 13888125) J’attends toujours avec une petite humidité à la commissure des lèvres les nouveaux arrivages en matière de chablis de cette belle maison familiale. Ce qui, évidemment, soulève de petits soucis éthiques « d’objectivité subjective » ; mais il faut faire ses devoirs, comme dirait le patron. Retenons ici l’opulence fruitée de ce chardonnay à la robe vert-or soutenue, aux arômes et saveurs briochés de crème pâtissière et à l’ensemble porté plus sur l’horizontalité que sur une verticalité plus minérale. Toujours cette impeccable clarté qu’une finale bien tracée vient ennoblir plus encore. (5) ★★★ ©



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