Montlouis on the Rock (1)

De gauche à droite: Thomas Fort, Véronique Rivest, Pascaline Lepeltier, Jacky Blot et Patrick Rigourd.
Photo: Jean Aubry De gauche à droite: Thomas Fort, Véronique Rivest, Pascaline Lepeltier, Jacky Blot et Patrick Rigourd.

C’est sous la frondaison touffue d’arbres bien plus que centenaires que se déroulait tout récemment la toute première édition de l’événement bisannuel « Montlouis on the Rock » au Château de la Bourdaisière à Montlouis-sur-Loire. Vignerons, journalistes et prescripteurs y étaient invités à déguster en plein air, sous la direction savante et éclairée mais jamais pédante des animatrices Pascaline Lepeltier et notre chic Véronique Rivest nationale, autour de thématiques complémentaires réunissant empreintes terroirs, enjeux climatiques et expressions multiples du grand cépage chenin blanc. Qu’il soit de France (avec Thomas Fort, Domaine de Mouscaillo en AOC Limoux) ou d’Espagne (José Luis Mateo, Quinta da Muradella), des États-Unis (Thomas Monroe, Division Wine Making Company) ou encore d’Afrique du Sud (Craig Hawkins, Testalonga El Bandito Swartland).

L’exercice, aussi fascinant qu’instructif, permettait de faire un état des lieux sur trois continents, tout en dégageant les problèmes viticoles actuels liés au versatile cépage blanc, mais aussi d’avancer des pistes de réflexion et de solution pour en assurer l’épanouissement et la pérennité. Une première classe de maître était consacrée à l’effet terroir et à l’expression du chenin, ainsi qu’une seconde à l’impact des aléas climatiques sur l’expression des vins. Mais auparavant, tentons un aperçu du roi chenin dans son pays hôte en son fief couvrant 450 hectares entre le Cher (au sud) et la Loire (au nord) en AOC Montlouis-sur-Loire.

S’ils ne peuvent compter sur des parcelles exposées au sud et protégées comme leur vis-à-vis Vouvray, en bordure de Loire, les vins de Montlouis n’en possèdent pas moins une similarité de sous-sols qui semblent conférer, du moins « dans mon livre à moi », une grâce, une tension supplémentaire, un peu comme l’exprimerait Pouilly-Fumé par rapport à son voisin Sancerre à l’ouest. Ici, la craie micacée, le tuffeau jaune, les argiles à silex, les poudingues et cailloutis forment un réseau d’entrelacs pédologiques avec, sur les pentes descendantes du plateau incliné vers le Cher, un substrat plus argilo-siliceux. Près de 50 % du vignoble est certifié bio ou en biodynamie pour une production totale qui avantage les effervescents dans une proportion de 60 %, le solde étant décliné en secs (30 %), secs-tendres et moelleux. Pas toujours évident de discerner un Vouvray d’un Montlouis, bien que ce dernier présente un rapport indéniable qualité/plaisir/prix/authenticité.

Effet terroir et expression

 

On récoltait historiquement le chenin blanc comme il se présentait à la vigne. La fermentation au chai décidait par la suite du style (plus ou moins sec) obtenu. « L’approche par l’entremise de tris successifs allait par la suite arrêter le choix du style de vin désiré », commentait Damien Delecheneau (Domaine La Grange Tiphaine), alors que José Luis Mateo table pour sa part chez lui sur l’effet de la flore lors des fermentations pour réduire le taux alcoométrique « favorisant du coup l’expression des caractéristiques du terroir ». Si pour Pascaline Lepeltier « la finalité est ultimement d’arriver à construire harmonieusement l’équilibre du vin en interprétant le cépage comme étant historiquement un acidificateur lors des assemblages », Jacky Blot (Domaine La Taille aux Loups), lui, constatait « qu’une vinification en cuve inox (sans les lies) et l’absence de malolactique confèrent plus de verticalité au vin, sachant qu’au final, que le vin soit sec ou pas, seul l’équilibre est important. » Bien évidemment, à Montlouis comme ailleurs en Loire, la subtilité des nuances parcellaires (expositions, roche mère plus ou moins profonde, drainage, etc.) fait le reste, cela, pour le bonheur des inconditionnels du grand cépage ligérien. Suite la semaine prochaine.

Entrée effervescente d’Extra Brut

Il se lit un verre de vin à la main et avec ses deux yeux, bourgeons gustatifs à l’affût et coeur ouvert sur les vins et les spiritueux, voilà ce que propose l’équipe du tout nouveau magazine Extra Brut, à paraître trois fois l’an et édité par la sommelière Karyne Duplessis Piché. L’initiative est belle, nécessaire et logique dans ce contexte québécois où, bon an mal an, le monopole d’État dégage quelque 3590 milliards de dollars en ventes nettes (exercice financier 2020-2021). D’où l’étonnement qu’il n’y ait qu’un seul magazine du genre chez nous. Chose faite désormais. Le format est petit, mais voit large, les collaborateurs sérieux sans toutefois se prendre la tête et l’offre touche au plus près le contexte mondial des tendances en matière de plaisirs de bouche. Comme vous le faites si diligemment pour Le Devoir, il ne vous reste plus qu’à les appuyer en vous abonnant à extrabrut.ca. Avec le célèbre mot de Pierre Cambronne à la clé pour l’éditrice !

À grappiller pendant qu’il en reste ! 

La Petite Bellane 2019, Côtes du Rhône Villages, Rhône, France (20,95 $ — 14559500) Quelle merveille ! Tout comme l’ensemble de la production de cette sérieuse maison consacrée aux vins agrobiologiques, voilà proposé ici un fruité hautement croquant, dynamisé par une vigueur hors norme, sans doute issue de l’altitude des parcelles et d’une cueillette des fruits bien ajustée. On y plonge avec un plaisir évident et soutenu, à prix très correct. (5) ★★★ ©

Petit Chablis « Pas si petit » 2020, La Chablisienne, Bourgogne, France (25,05 $ — 14955490) J’en aurais franchement accepté une autre rasade ! Dommage seulement que les quantités soient si chiches, enfin… vrai qu’il n’est « Pas si petit » ce chablis nourri aux calcaires et pourvu d’éléments minéraux non négligeables. Droiture exemplaire, fruité net, équilibre parfait. Cette cave d’une constance assumée sait aussi s’approvisionner en fruits de qualité. (5) ★★★

Chamodère 2020, Domaine Les Capréoles, Régnié, Beaujolais, France (25,80 $ — 14332276) Régnié est sans doute le dernier des crus homologués, mais il est aussi le troisième cru avec, en sous-sol, une majorité de granite pour faire vibrer le gamay qui y est planté. Cette cuvée bio en porte l’empreinte, avec cette approche serrante en milieu de bouche qui en dynamise ultérieurement la finale. Solide fruité, étoffe, grande fraîcheur, du charnu et de la longueur. Quelques années de cave l’affineront plus encore. (5) ★★★ ©

Concrete 2019, De Fermo, Abruzzes, Italie (26,75 $ — 14936580) Ce montepulciano est à couper le souffle tant le fruité y est à couper à la mandoline en raison du relief qu’il dégage au palais. Un rouge nature d’une dynamique quasi envoûtante qui sait élever en spirale le fruité sans toutefois nuire à la chair judicieusement pourvue en tanins fins et expressifs. Bref, ne pas hésiter à s’en procurer et à le servir un rien rafraîchi sur votre cuisine italienne préférée. (5) ★★★ ©

Riesling Réserve 2019, Domaine Meyer-Fonné, Alsace, France (26,55 $ — 14008661) Les équilibres sont parfaits et le fruité à la fois mûr et citronné, le tout décliné sous l’impulsion d’une réjouissante sapidité. Un blanc qui tire sur le sec, léger, convaincant, surtout sur une part de tarte à l’oignon. (5) ★★★

Pinot noir « Exlberg », Fritsch, Wagram, Autriche (27,75 $ — 14887589) On rejoint ici certains pinots alsaciens, mais avec une touche de betterave qui en accentue le caractère végétal. Le profil est net et circonscrit le fruité avec acuité sur une bouche souple, ronde, pulpeuse et savoureuse. Il a fait un petit malheur sur une escalope de veau aux morilles. (5) ★★★ ©

Château Doyac 2018, Haut-Médoc, Bordeaux, France (29,75 $ — 13862945) Beaucoup de Bordeaux du millésime 2018 inondent actuellement le marché avec ce profil classique, mais sans être austère, déjà engageant sans toutefois se faire attendre en cave. Beau fruité sur fond de tanins frais et bien nourris, subtilement cadré par la futaille. Entrecôte grillée et échalotes. (5) ★★★

Clos du Petit Beaupreau 2019, Domaine des Deux Vallées, Savennières, Loire, France (32,25 $ — 14960053) La Loire, et son chenin blanc, demeure encore une fois avec ce Savennières sec d’une haute virtuosité. Pâle avec légers reflets verts et arômes discrets et précis de poire et de coing, de tisane et de tilleul sur une bouche nette, droite, légèrement contractée. Un blanc sec encore dans l’enfance de l’âge qui tiendra aisément la route une petite quinzaine d’années. (10 +) ★★★1/2 ©

Chignin-Bergeron 2020, Domaine Charles Gonnet, Savoie, France (33 $ — 14957866) Ce blanc à base de roussanne ne se compare pas avec les vins du Rhône septentrionaux, car ce savoyard est ailleurs, entre l’exotisme du litchi, la pêche au sirop et la pâte d’amande. Le tout livré avec une certaine opulence, une faible acidité et montrant le prolongement de beaux amers sur la finale. Idéal sur la tartiflette, les moules au curry ou la salade de petites crevettes de Matane. (5) ★★★ ©

Château-Thébaud « La Pépière » 2017, Muscadet Sèvre et Maine, Loire France (34 $ — 14760810) Ce melon de bourgogne se savoure comme on le ferait d’un grand bourgogne au même prix. C’est surtout la matière sèche et la profondeur de goût qui assurent l’équilibre, sur un fond de salinité et de texture à la fois grasse et fine issue d’une part importante de vieilles vignes (plus de 60 ans) entrant dans la composition du vin. Un superbe flacon à servir sur les crustacés et les fromages, mais surtout un grand blanc de Loire à en bousculer tous ces préjugés agaçants liés au vin du Muscadet. (5+) ★★★1/2 ©

Asphodèle 2019, Château Climens, Bérénice Lurton, Bordeaux, France (60 $ — 14623145) Géographiquement, nous sommes bien en appellation Barsac, mais avec des raisins du domaine ici vinifiés en sec, d’où le repli en AOC Bordeaux. Bérénice Lurton nous invite à faire l’expérience sensorielle d’un sémillon délicat et subtilement parfumé, aux nuances de muguet, d’orange, d’abricot et d’hydromel, le tout livré sous la caresse d’une texture fine et porteuse. Un bio de grande classe à servir sur une table gastronomique. (5) ★★★1/2 ©


Légende

(5) à boire d’ici cinq ans
(5+) se conserve plus de cinq ans
(10+) se conserve dix ans ou plus
© devrait séjourner en carafe
★ appréciation en cinq étoiles



À voir en vidéo