Les spiritueux québécois: loin de distiller l’ennui!

Des nuances de résines, de fumée et de poivre blanc définissent la vodka White Keys, distillée à Montréal.
Photo: Jean Aubry Des nuances de résines, de fumée et de poivre blanc définissent la vodka White Keys, distillée à Montréal.

Le véritable whisky distillé en terre québécoise n’existe pas encore, mais ça ne saurait tarder. Il y a bien le Moonshine de la distillerie St-Laurent à Rimouski (49,25 $ – 13598849 –★★★ 1/2) qui s’en rapproche, mais les 75 % de maïs qui entrent dans son élaboration l’orientent plutôt vers un style bourbon avec un goût d’épices et de banane, ainsi que de marc frais qui, curieusement, évoque aussi la grappa italienne.

Les Amis du vin du Devoir (AVD) lui accordaient cette semaine une moyenne de groupe de ★★ 1/2. Le Gin maison (48,50 $ – 12881538 – ★★★ 1/2), dont nous avons causé dans cette page, a déjà ses inconditionnels, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs.

Que s’est-il passé depuis la dernière chronique sur le sujet ainsi que l'article de mon collègue Karl Rettino-Parazelli ? Essentiellement la possibilité de vendre sur les lieux de productions et, pour les microdistilleries artisanales, des encouragements fiscaux non négligeables.

Il est impératif qu’un encadrement clair de la part des instances gouvernementales assure la pérennité de cette industrie naissante qui décroche déjà une batterie de médailles dans différents concours, ici comme à l’étranger. Que ce soit la Pur Vodka et sa récolte de 65 titres depuis 2009, la Distillerie du Fjord, Cirka, Noroi et White Keys pour n’en nommer que quelques-unes. Les AVD se penchaient sur quelques spécimens cette semaine. Résumons.

White Keys, distillée à Montréal (45 $ – 12880674)

La vodka s’élève parfois bien au-dessus de la neutralité éthylique en offrant finesse, précision et éclat. C’est le cas ici ! Nuances de résines, de fumée et de poivre blanc sur une bouche moelleuse, texturée et homogène. L’une des meilleures d’ici dégustées à ce jour. ★★★ 1/2. Moyenne du groupe : ★★★

Cherry River, Cantons-de-l’Est (43,75 $ – 14001338)

Cette vodka démarre en trombe, avec fraîcheur, chaleur, et une touche d’anis étoilé la dynamise plus encore. Moins harmonieuse que la White Keys, mais en revanche avec plus de personnalité ★★★. Moyenne du groupe : ★★ 1/2

Old Major Tom, Absintherie des Cantons (40 $ – 13533287)

Avec ses 47 % alc./vol., ce gin bien sec et aérien flaire frais la baie de genièvre, le citron, le conifère et le concombre, traçant en profondeur, en intensité et en longueur. Les autres distillats maison, dont l’absinthe, valent aussi le détour. ★★★ 1/2. Moyenne du groupe : ★★★

Dandy Old Tom, Domaine Lafrance, Saint-Joseph-du-Lac (40 $ – 13875279)

La distillation maison avec des produits locaux (pomme, poire, raisin) est-elle supérieure à celle issue d’une eau-de-vie neutre achetée en Ontario, comme c’est le cas pour certaines distilleries artisanales et industrielles ? Question à débattre même si les avis sont parfois tranchés ! Un soupçon de sirop d’érable arrondit ici ce gin voyant et original, partiellement élevé dans des fûts où a séjourné du vin à base de cabernet sauvignon. C’est touffu, ample et détaillé, bien que l’esprit même du gin y soit quelque peu dilué. Servir frais, avec un glaçon ou en cocktail. ★★ 1/2. Moyenne du groupe : ★★ 1/2

Waxwing, gin bohémien, Distillerie Artist in Residence (39,75 $ – 13811110)

On se rapproche de la célèbre Chartreuse, par la robe comme par ses analogies herbacées, où l’angélique et l’anis se lovent. Rondeur et équilibre.★★★. Moyenne du groupe : ★★★

Belle Isle, Absintherie des Cantons (38 $ – 135533295)

Cet aquavit jase haut et fort avec ces nuances très fraîches de graines de carvi et de cardamome, avec à la clé cette impression de douceur et de tonicité. Un distillat plutôt fin, de haut niveau. Gravelax ? ★★★ 1/2. Moyenne du groupe : ★★★

Sainte-Marie, Montréal (36,75 $ – 13448162)

Il faudra refaire ses devoirs sur ce « rhum épicé » un rien brouillon où l’aromatisation épicée ne s’intègre que laborieusement à l’ensemble. À quand un véritable rhum au Québec ? Histoire à suivre ! ★★. Moyenne du groupe : ★★

À grappiller pendant qu’il en reste!

Vinas Elias Mora 2015, Toro, Espagne (19,45 $ - 13802791) 

Je suis à chaque fois époustouflé par cette capacité dont dispose le cépage tinta de toro local d’offrir autant de prestance et de personnalité fruitée à ce prix. Un solide rouge qui conjugue couleur, densité, fraîcheur et une architecture tannique susceptible de lui assurer un radieux avenir en cave. Bref, un beau morceau de vin à servir - vous vous en doutez bien - sur la queue de bœuf braisée (5+) ★★★ © 


Riesling 2017, Frey, Rheinhessen, Allemagne (20,65 $ - 13839745)

Si une hirondelle annonce le printemps, alors le riesling le claironne doublement! Surtout s’il nous saisit de sa brillante vivacité, de sa charge fruitée d’une lumineuse clarté et de cette salinité de bouche qui le propulse plus avant. Hautement recommandable, même sur les huîtres (5) ★★★
 

Muratie 2016, Ansela van de Caab, Afrique du Sud (26,75 $ - 11305889)

Une grosse pointure ici! Imaginez un beau bordeaux Rive Gauche qui aurait enfilé une veste de cuir et enfourché une rutilante Harley Davidson en laissant derrière des traces fortes de créosote, de goudron et de fumée et voilà déjà un portrait du personnage. Pour le reste, un rouge riche et profond, au fruité de cassis et de mûre sur fond d’épices et de tabac mais surtout une bouche fraîche, structurante et d’une longueur plus qu’appréciable. À découvrir sur un steak au poivre (5+) ★★★1/2 ©


Menetou-Salon 2017, Domaine Philippe Gilbert, Loire, France (32 $ - 11154988)

La délicatesse même que ce beau pinot noir qui permet déjà ce moment en apesanteur qu’il faut impérativement se ménager dans ce monde turbulent et parfois chaotique qui nous entoure. Moment de grâce et de flottement, entre la cerise et la fleur, pour un vin précis, léger, peu tannique et savoureux, dans un millésime qui s’avère, au fil des dégustations, d’un excellent niveau (5+) ★★★1/2 ©


Saint-Joseph Clos de Cuminaille 2016, Pierre Gaillard, Rhône, France (43,50 $ - 11231963)

Il demeure en tous points remarquable de parvenir à une synthèse pareille. Une synthèse où les équilibres s’installent le plus naturellement du monde, assurant du coup un émerveillement spontané chez le goûteur mais aussi garantissant un avenir radieux en cave, cela, même si le degré alcoolique soit des plus mesuré. La robe violine met rapidement en scène ces nuances typiques de violettes et d’anis propres à la syrah locale, avec ce déroulé de bouche fin, vivant et soutenu, d’une grâce exquise. Bref, un rouge racontant avec finesse et élégance ce grand terroir d’exception (10+) ★★★★ ©



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