Saveurs boréales à Ottawa

Un restaurant, même à notre époque hyper-instagramée, ça reste quand même un chef. Ses idées, son talent, son travail, sa personnalité déterminent la nature profonde du restaurant.
Parce que nous sommes en 2018 — et pas seulement en raison de cela, selon moi —, quand le chef est une chef, cette marque est encore plus notable. Norca, le restaurant du nouvel hôtel Germain d’Ottawa, est dirigé par une vraie chef, Dominique Dufour, une chef pleine d’idées, de talent, vaillante et avec une personnalité, disons, très affirmée.

Tout cela se traduit par un établissement proposant une expérience singulière et sans doute parmi les meilleures sur les deux rives de la rivière des Outaouais pour qui aime explorer.
Le nom Norca est tiré de « cuisine du NORd » et « ingrédients CAnadiens » ; ça donne une idée de ce qui vous attend à cette adresse. Le menu du Norca regorge en effet de références à notre nord et au plusse-meilleur-pays-au-monde. Myrique baumier, camerise, argousier, cameline, angélique, myrtilles sauvages, sumac du Québec sont autant d’invitations à gambader joyeusement dans nos champs, nos sous-bois et nos forêts.
À déguster en les étudiant les assiettes du Norca, on sait aussi que la chef et sa brigade ont gambadé très sérieusement en cuisine. Petites assiettes, plats, plateaux et bouchées, fromages et desserts proposent en effet de savoureuses escapades gourmandes.

Par exemple, présentée dans une sorte de pirogue confectionnée de feuilles de maïs fumées et grillées, cette joue de bœuf braisée additionnée de soffritto de poivron rouge, d’un peu de lait caillé, d’un mélange de tomates cerises compressées et de petits morceaux de pain transporte loin du bitume sur quelques rivières boréales. En proue et en poupe, quelques chanterelles marinées rappellent les rives forestières.
Même voyage avec ce beau gros pavé de flétan emmailloté dans une tresse de légumes tricotée minutieusement, un peu de tomate fumée, quelques petits légumes en macédoine. Le tout navigue sur un délicat bouillon de poitrine de porc versé au carafon par un membre du personnel appliqué qui explique la composition de l’assiette et fournit sextant et boussole avec un magnifique accent abitibien.
Impeccables raviolis au crabe et irréprochable assiette de tartare de crevettes dans un petit rouleau de pâtisserie, concombre compressé, ricotta crémeuse, poudre de wakame grillée, le tout parsemé de pétales de tagète.
Au-delà de ce locavorisme clairement affirmé, de l’amuse-bouche jusqu’aux desserts, on sent une volonté de promouvoir en les magnifiant des ingrédients qui, au fil du temps, ont échappé à nos cuisines du quotidien. Techniquement, on sent aussi la maîtrise de la chef ; une certaine facétie également à présenter ici des plats presque déplacés dans le luxe ambiant, oreilles de porc et bouchées d’abats croustillantes, pour ne nommer que ces deux-là.
Le dessert s’appelait « Verger ». Une sphère chocolatée, très à la mode ces temps-ci dans les cuisines branchouilles, contenant une bombe de mousse de myrique baumier et un cœur de compote aux prunes, le tout complété par quelques bouchées de streusel au miel, des prunes en petits morceaux et un fond de coulis délicieux.
Le sérieux de la maison se voit jusque dans le choix de fromages ; cinq délices venus de l’Île-aux-Grues, de Warwick, de Sainte-Hélène-de-Chester, de Baie-Saint-Paul et de Saint-Joseph-du-Lac. Fierté québécoise.
Le service est comme il est toujours chez la famille Germain, attentif, attentionné, efficace et tout en discrétion. Le décor est… J’avoue avoir un peu oublié le décor tant ce qui était dans mes assiettes m’intéressait. C’était sûrement très beau. C’est toujours très beau dans les Germain d’un océan à l’autre.
Ouvert à midi du lundi au vendredi et en soirée du lundi au dimanche. Petites assiettes (pas si petites que ça d’ailleurs) de 14 $ 21 $, plats principaux de 27 $ à 44 $, « plateaux et bouchées » de très peu à très beaucoup, et trois desserts à 12 $.
De la belle carte des vins élaborée par Kerri Smith, l’expert en belles bouteilles, Jean Aubry dit : « On ne peut pas être contre la vertu en proposant une carte locavore où le bio trouve sa place. Quelques propositions intermédiaires à prix plus doux seraient toutefois les bienvenues, afin de favoriser toutes les bourses, par exemple du côté des bulles. »
Certains dimanches, la mezzanine du Marché Jean-Talon bourdonne de très jeunes cuisiniers. Dans la grande salle, les marmitons sont dirigés par une chef ou un chef qui leur apprend — en plus des rudiments de la cuisine — à préparer de quoi épater leurs parents et amis plus tard à la maison. Tout le crédit en revient à Karine Pezé et à son initiative C’est moi le chef ! Les ateliers débutent à 10 h pour les 6 à 11 ans, auxquels se joignent quelques ados passionnés pour la séance de 13 h.
À la demande de nombreux parents, des animations créées spécialement pour les tout-petits sont aussi présentées sur cette même mezzanine.
La saison 2018-2019 s’annonce tout aussi prometteuse que celle de l’an dernier et s’amorce le dimanche 14 octobre sous la houlette de Marie-Pier Morin, chef à La Distillerie, avec qui les marmitons prépareront l’un des plats préférés des enfants : le macaroni au fromage… et découvriront que c’est encore meilleur avec de la citrouille ! Les inscriptions se font sur la page Facebook de C’est moi le chef !
L'art de ne pas gaspiller
Guillaume Cantin éblouissait lorsqu’il tenait les cuisines du défunt 400 coups. L’éblouissement vient aujourd’hui de son nouveau projet La Transformerie, une délicieuse solution aux invendus des épiceries et des fruiteries.
Avec un énoncé de vision comme : « À La Transformerie, c’est assez simple, on croit qu’enrayer le gaspillage alimentaire, c’est possible », on sent qu’il y a des gens de coeur derrière cette initiative.
La Transformerie participe en effet à la sensibilisation et à la réduction du gaspillage alimentaire. Elle le fait en proposant des solutions efficaces et positives de gestion écoresponsable des invendus dans une logique d’économie circulaire.
Quatre étapes si simples qu’il fallait y penser : 1. Collecte des invendus efficace et adaptée pour les épiceries et les fruiteries ; 2. Transformation d’une partie des fruits et des légumes collectés en tartinades salées et sucrées ; 3. Revente des conserves par les commerces partenaires ; et 4. Redistribution d’une partie des denrées à des organismes locaux en dépannage alimentaire.
La cuisine aussi est un art
Sous la houlette de Mmes Nathalie Bondil, directrice générale du Musée des beaux-arts de Montréal et Liza Frulla, directrice générale de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, les deux institutions viennent de créer un partenariat éducatif interdisciplinaire visant à sensibiliser les étudiants de plusieurs programmes de l’ITHQ aux différentes formes d’art.
Ces derniers auront l’occasion de visiter les collections du MBAM et de se livrer à des exercices de créativité culinaire, à l’issue de rencontres privilégiées avec des artistes exposés au Musée. Ces expériences uniques permettront d’éveiller les étudiants participants à diverses formes d’expressions culturelles et d’accroître la teneur artistique et émotionnelle de leur formation.
Cette entente pédagogique est le fruit du succès d’un projet pilote mené en 2017 par la professeure Isabelle Diguer et soutenu par les professeurs et chefs Benoît Lenglet et Gilles Herzog. Des finissants du programme Formation supérieure en cuisine de l’ITHQ avaient été invités à concevoir des plats inspirés de l’installation Tentative d’évasion (2016), de l’artiste Catherine Bolduc, présentée dans le cadre de l’exposition Mnémosyne : Quand l’art contemporain rencontre l’art du passé.
Légendes
★ Je regrette de devoir vous en parler★★ Pas mauvais, mais on n’est pas obligés de s’y précipiter
★★★ Bonne adresse
★★★★ Très bonne adresse
★★★★★ Adresse exceptionnelle pour la cuisine, le service et le décor
$ Le bonheur pour une vingtaine
$$ Une quarantaine par personne
$$$ Un billet rouge par personne
$$$$ Un billet brun par personne
$$$$$ Le bonheur n’a pas de prix