Bienvenue au XXIe siècle

Avant de partir rouler dans mes belles Pyrénées catalanes d’où je vous enverrai quelques bonnes adresses, je cherchais quelque chose de décalé, une adresse qui change de mes habituelles sorties et que je pourrais vous suggérer. J’ai trouvé ! Ça s’appelle Ssense Café et c’est vraiment hors de l’ordinaire.
Parlons d’abord du contenant puisque ici c’est ce qui surprend en premier. Cette étonnante enveloppe est sortie du cerveau en surchauffe de David Chipperfield, star planétaire pour les architectes de ce monde.
Sa société, David Chipperfield Architects Ltd., développe des concepts architecturaux assez éclatés à partir de ses bureaux à Londres, à Berlin, à Milan et à Shanghai. Chez nous, il a pris un édifice de quatre étages datant du XIXe siècle, en a conservé la très belle coquille de pierre et de brique, à l’intérieur de laquelle il a littéralement construit cinq étages.
C’est ce qui se passe au 5e qui nous intéresse ici. On est tout de suite rassuré par la lumière qui baigne la salle, le plafond étant entièrement vitré. Au besoin, des stores horizontaux abritent de l’ardeur des rayons du soleil.
Rassurés parce que la photo sur Internet fait un peu réfectoire de pénitencier, même si l’on est amateur de gris. Le personnel est attentionné, éveillé et aussi chaleureux que nécessaire pour mettre un peu de couleur dans l’austérité des lieux.
Bien que Ssense soit un café, la cuisine ici est très au-dessus de ce que l’on trouve chez Bébert ou à la cantine de Ginette. Jason Morris (chef) et Kabir Kapoor (fakir), les deux jeunes hyperactifs qui dirigent Le Fantôme, cet excellent restaurant de Griffintown, sont à l’origine des délicieuses assiettes du Ssense et de l’élégance du service.
Leur hyperactivité devrait donner sous peu un autre beau restaurant rue McGill dont je vous parlerai lorsqu’ils auront ouvert — je veux dire ailleurs que dans leur tête et les médias sociaux — et que leur cuisine aura pris ses marques.
Délicieuses et d’une grande pureté, élégantes et facétieuses. Cette salade de crevettes par exemple était d’une simplicité remarquable et pourtant pleine de rebondissements, d’embruns rapportés par les crustacés, de rosée matinale venue avec les pois frais et le céleri.

Le croque-monsieur dont Marion a bien voulu m’octroyer une petite bouchée, ou la lui aurais-je soutirée subrepticement, était parfait ; deux tranches de pain brioché enlaçant un mélange subtil de champignons sauvages et de fromage fermier. Exercice d’équilibre périlleux qui demande un talent certain pour faire d’une banalité un moment d’exception. Simplicité certes, mais dans le très beau.
« Comme dans un bagel », lirait-on sur le menu de quelque établissement gastronomique étoilé. Ici, ça s’appelle « Omble chevalier ». Monté en couronne rappelant visuellement le bagel de chez nous, le poisson est en tartare délicat saupoudré d’une garniture d’oignon caramélisé, de sésame noir, de sésame blanc et de graines de pavot. Au centre de la ronde, une cuillerée de crème épaisse anabolisée avec un sirop de concombre.
Tout en respectant les règles de préparation de la chakchouka classique — tomates, poivrons et oignons en ratatouille à laquelle on vient ajouter des oeufs —, la maison y ajoute une touche amusante avec deux sauces, rouge aux tomates et verte aux tomatilles. Elle y ajoutera sans doute autre chose si elle veut que l’on s’en souvienne comme d’un plat exceptionnel.
Il y avait un dessert, petit chou farci d’un mélange de lait de coco caramélisé et de riz, le tout couronné d’un craquelin au cacao. J’aurais pu ne pas vous en parler.
Ouvert du lundi au samedi de 10 h à 21 h et le dimanche de 11 h à 19 h. Petits plats de 3 $ à 15 $ ; jus maison 8 $.
Légendes
★ Je regrette de devoir vous en parler
★★ Pas mauvais, mais on n’est pas obligés de s’y précipiter
★★★ Bonne adresse
★★★★ Très bonne adresse
★★★★★ Adresse exceptionnelle pour la cuisine, le service et le décor
$ Le bonheur pour une vingtaine
$$ Une quarantaine par personne
$$$ Un billet rouge par personne
$$$$ Un billet brun par personne
$$$$$ Le bonheur n’a pas de prix