Au Café Cherrier, le charme discret de la brasserie française

Le décor ici, même s’il est très correct, indique tout de même que les propriétaires ne le mettent pas en tête de leurs priorités. Il règne dans les deux salles comme au comptoir une belle convivialité.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Le décor ici, même s’il est très correct, indique tout de même que les propriétaires ne le mettent pas en tête de leurs priorités. Il règne dans les deux salles comme au comptoir une belle convivialité.

Certaines choses ne changent pas. Ou si peu que c’en est reposant. Prenez le Café Cherrier par exemple, le plat que j’y ai goûté hier soir était exactement comme celui dans mon souvenir, pris il y a une trentaine d’années en clôture du premier Tour de l’Île de Montréal. La même présentation, la même cuisson, le même assaisonnement. Comme c’était très bon à l’époque, on doit remercier les cuisiniers sous la houlette du chef Christian Darroman de n’y avoir rien changé.

C’est sûr qu’à notre époque formidable de perpétuel renouvellement où tout ce qui était merveilleux hier est dépassé aujourd’hui et sera complètement oublié dès demain, cette immobilité intrigue. C’est sûr également que la moyenne d’âge au comptoir du Café Cherrier était, comment dire, très supérieure à celle de la clientèle sautillante du tout nouveau restaurant super chill visité la veille à Saint-Henri et dont je vous parlerai prochainement.

Attablé avec mon ami Ron, nous devisions sur l’intemporalité de la cuisine de brasserie française et hésitions entre le hareng mariné, pommes à l’huile et le foie de veau au vinaigre de framboise lorsque venues, par leur seule présence, jeter un élan de fraîcheur dans la salle apparurent deux souriantes jeunesses, collègues du Devoir. Discrètes, elles allèrent s’installer en fond de salle. Tout virtuose de la trompette qu’il soit, Ron me sembla plus émoustillé par cette apparition que par son tartare aux deux saumons, frites et salade.

Les pieds sur terre

Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir

 

Une terrine maison (pintade) et ses condiments, un boudin aux pommes et un tartare aux deux saumons, frites et salade plus loin, je vous confirme que la maison tient toujours la route et que le chef Darroman a toujours bon pied, bon oeil et bon palais. Même constatation pour le midi avec un plat du jour impeccable : rôti de veau, jus au thym et linguine carbonara.

Cuissons justes, montages sans chichi, préparations respectant à la lettre les grands principes de cette cuisine peut-être un peu surannée pour certains, mais tellement reposante lorsque l’on a des goûts simples ou que l’on est simplement un peu las de toutes les cabrioles gastronomico-artistiques contemporaines.

Bien sûr, les deux jeunettes ont trouvé leurs duos de tartare fades et inintéressants ; bien sûr, mon trompettiste ami a opiné, prétextant que la coupe était trop fine ; bien sûr, ce n’est pas le meilleur de la carte, mais sur la demi-douzaine de plats testés, la moyenne accordée est très au-dessus de la moyenne. Le chef étant Bordelais, je me suis gardé de prendre les saucisses de Toulouse grillées ; il y a des limites à mon ouverture d’esprit. Un Bordelais !

Convivialité

 

Le décor ici, même s’il est très correct, indique tout de même que les propriétaires ne le mettent pas en tête de leurs priorités. Le petit salon à droite en entrant est un peu plus cossu. Les clients semblent tout à fait s’en accommoder, et il règne dans les deux salles comme au comptoir une belle convivialité.

Une dernière note sur le service, qui est assuré avec ce professionnalisme rassurant qui fait défaut dans bien d’autres maisons. Pas de familiarité excessive, mais une courtoisie de rigueur et une grande attention accordée à tous ces petits détails qui font les belles soirées. Même appréciation pour le midi, la personne s’étant occupée de moi lors de mon passage au comptoir ayant fait preuve des mêmes qualités que son collègue en salle la veille au soir.

Alors qu’il me faut parfois batailler pour obtenir de peine et de misère la carte des vins afin de solliciter l’opinion de mon ami Jean, le garçon ce soir-là, me dit en me remettant immédiatement celle-ci : « Mais prenez donc celle-ci, j’en imprimerai une autre plus tard. »

Reposant, disais-je. Du début à la fin.

Ouvert tous les jours jusqu’à 23 h. En semaine, dès 7 h 30 ; les samedi et dimanche ils flânent au lit et n’ouvrent qu’à 8 h 30… À midi, comptez une vingtaine de dollars et le soir, forcément, doublez ou triplez si vous trébuchez dans la carte des vins, dont mon éminent collègue collaborateur, M. Aubry, dit : « Plusieurs consommateurs dénigrent parfois avec raison les importations privées. Au Café Cherrier, elles sont non seulement très pertinentes, mais aussi proposées à bon prix. Et puis, la vérité n’est-elle pas après tout dans le verre ? »

Légendes

★ Je regrette de devoir vous en parler
★★ Pas mauvais, mais on n’est pas obligés de s’y précipiter
★★★ Bonne adresse
★★★★ Très bonne adresse
★★★★★ Adresse exceptionnelle pour la cuisine, le service et le décor

$ Le bonheur pour une vingtaine
$$ Une quarantaine par personne
$$$ Un billet rouge par personne
$$$$ Un billet brun par personne
$$$$$ Le bonheur n’a pas de prix

Café Cherrier

★★★★

3635, rue Saint-Denis, ☎ 514 843-4308, $$ 1/2 



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