Ça brasse dans le poulailler du Bird Bar

Pousser la porte du Bird Bar, c’est entrer dans un autre univers où musique vibrante et portions plantureuses font le plaisir des clients.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Pousser la porte du Bird Bar, c’est entrer dans un autre univers où musique vibrante et portions plantureuses font le plaisir des clients.

Autant vous prévenir tout de suite, si vous êtes sensible du sonotone, ne lisez pas plus loin, ce Bird Bar n’est pas dans le registre « Murmures et suçotements ». On vise plutôt ici « Vibrations et voracité joyeuses » ; et ça caquette gaiement. En revanche, si vous aimez la fête, vous aurez beaucoup de plaisir à vous joindre à la foule de gourmands affamés qui se presse à l’angle des rues Notre-Dame et Saint-Martin, où Bird Bar s’est installé.

Pressentant une soirée endiablée, j’appelai à la rescousse mon ami Pierre, arguant du fait qu’ayant le patronyme du saint susmentionné, il était obligé de m’accompagner. Pierre mange comme moi, c’est-à-dire trop, mais avec enthousiasme, et comme moi également, il aime les bons repas qui ne s’éternisent pas. Nous avons été comblés au Bird Bar.

De la rue, l’endroit est invitant, décor et lumière tout aussi engageants. Pousser la porte du Bird Bar, c’est entrer dans un autre univers. Un vendredi soir après une semaine sur les chapeaux de roues, c’est comme un électrochoc, une plongée revigorante.

Le temps de me rendre à ma place, au long comptoir, sous la houlette d’un guide avenant à la longue barbe blanche, mes tympans avaient compris que la soirée serait festive.

Le temps de supposer que la jeune fille derrière le bar avait, sans doute par étourderie, acheté une robe une ou deux tailles trop petites, mes papilles me rappelèrent que nous étions venus ici pour manger et travailler.

 

Le menu du Bird Bar est rempli de facéties et de clins d’oeil sympathiques : « Oreilles d’éléphant », « Truffe’n’cheese » et autres « Poutine Bird Bar, avec croquettes au poulet et jalapeño ».

Le menu du resto est aussi rempli de générosité et de délices. En entrée, cet os à moelle, tronçonné en long comme le veut la mode actuelle et cuit au four, remplissait parfaitement sa mission apéritive. Accompagné d’un peu d’oignons confits et de pain grillé, il était présenté sur un lit de bonne conscience, en l’occurrence des épinards sautés.

Dans cet esprit décalé qui en fait un être exceptionnel, Pierre choisit le « Pogo Wagyu, jalapeño et maïs marinés maison, chutney de tomates, sauce de Dijon et miel, frito crunch ». Suit un dialogue rythmé par la course endiablée du shaker manié par la virevoltante barmaid : « Du wagyu ? T’es sûr ? Ça s’appelle pas Boeuf Bar, mais Bird Bar. » Impassible, Pierre répond : « Je sais. » Il est comme ça, Pierre, synthétique. Et son pogo s’avère distrayant, peut-être pas inévitable, mais distrayant.

Le poulet suit, puisque sous diverses formes c’est quand même la pièce centrale du menu de ce Bird Bar. Sagement, nous choisissons le « Double régal », deux morceaux de poulet dans une friture peut-être un peu épaisse, mais qui ne manque pas d’intérêt. Deux gros morceaux de poulet charnus, tendres, juteux.

La maison précise : « On vous parle de poulet naturel et de qualité, élevé en liberté et avec amour à la ferme familiale des Voltigeurs, et nourri aux grains végétaux de provenance locale. De plus, nous avons mis en place un système Éco-chef pour obtenir des aliments frits de 40 à 60 % plus faibles en gras. » Ceci explique sans doute cela.

Avec ses délicieux morceaux de poulet, Bird Bar propose une quinzaine de sauces en accompagnement. Sur la demi-douzaine essayée, celles qui sont relevées — sriracha-érable, chimmuchurri ou mangue pimentée — se distinguent et complètent bien le poulet. En accompagnement supplémentaire, cet écrasé de pommes de terre était parfait.

Nous avons résisté au dessert proposé par la sémillante jeune personne, non pour la contrarier, mais par manque de place, les portions étant ici plantureuses.

 

Dans ce poulailler, Kimberly Lallouz occupe le perchoir du haut, d’où elle surveille les opérations avec la plus grande attention. Elle s’assure que les caquètements et gloussements de plaisir viennent des tables et non des gens au service. Au rythme où sortent les plats, le personnel en cuisine, lui, n’a pas tellement le loisir de papoter. On doit à Mme Lallouz le menu qu’elle a composé en pensant à notre bien. Je l’ai remerciée à l’avance de votre part et de la nôtre, tant notre soirée avait été divertissante et délicieuse.

Ouvert à midi du lundi au vendredi et en soirée du mardi au dimanche. Brunch les samedis et dimanches. Une quinzaine de petits plats, pas si petits que ça par ailleurs, entre 11 $ et 22 $. Une section « Manger du jardin » avec cinq propositions de 12 $ à 14 $ et sept « Grands plats » de 17,50 $ à 28 $. Le poulet frit est offert en une demi-douzaine de versions allant du « Double régal » à 15 $ pour deux morceaux, à la « Famjam » de 12 morceaux, frites et salade pour 72 $.

Moins enthousiaste que d’habitude, mon éminent collègue Jean Aubry commente la carte des vins en grinçant un peu : « Avec cette carte pas nécessairement clémente côté prix, où les importations privées sont une fois de plus trop cher payées, nul besoin de s’entendre parler pour déguster. Une carte orpheline et désincarnée qui aurait avantage à être resserrée et plus “ sentie ” côté coeur. »


Légendes


★ Je regrette de devoir vous en parler
★★ Pas mauvais, mais on n’est pas obligés de s’y précipiter
★★★ Bonne adresse
★★★★ Très bonne adresse
★★★★★ Adresse exceptionnelle pour la cuisine, le service et le décor

$ Le bonheur pour une vingtaine
$$ Une quarantaine par personne
$$$ Un billet rouge par personne
$$$$ Un billet brun par personne
$$$$$ Le bonheur n’a pas de prix

Bird Bar

★★★ 1/2

1800, rue Notre-Dame Ouest, Montréal, ☎ 514 938-4343, $$$1/2

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