Manger au coeur de Hipstertown chez Larry’s

Larry est le diminutif de Lawrence. Larry’s est ce minilocal où, au fil des ans, se sont succédé des établissements savoureux, Bouchonné et Sardine, par exemple. Leur seul défaut aura été leur éphémérité, défaut majeur pour des restaurants voulant généralement offrir à leur clientèle autre chose à se mettre sous la dent qu’un simple souvenir.
Durer, quelle mission aujourd’hui ! Souhaitons que ce Larry’s dure. Les gens du Lawrence voisin ont décidé de reprendre l’endroit. On mange très bien chez eux. Ils ont décidé que l’on mangerait aussi bien chez Larry’s. On peut être diminutif et excellent.
On y mange effectivement bien. De petites choses soignées, intrigantes juste ce qu’il faut, académiques pour rester dans un registre qui plaira au plus grand nombre possible de clientes et clients.
On trouve ici un style très différent de la cuisine solide du Lawrence et en même temps assez similaire dans la nature de cette tendance de cuisine de pub gastronomique, généralement chère au coeur des jeunes chefs britanniques et notamment à celui du Mark Cohen en charge des grosses casseroles au coin de la rue.
Le chef Cohen est parfois chez Larry’s. Vous serez sans doute rassurés de savoir que, même s’il n’y est pas, vous mangerez très bien. À mes deux derniers passages, des midis délicieux, des jeunes gens décorés comme des totems haïdas travaillaient en cuisine.
Le tatouage est devenu un incontournable dans les cuisines contemporaines, juste entre la pince fine à monter les assiettes, le chinois et l’écumoire.
L’avant-dernier midi, j’y avais entraîné mon amie Anne pour un « sandwich déjeuner », un gros muffin maison débordant de saucisse, avec un peu de laitue, deux ou trois touches de mayonnaise et de moutarde. Un régal. Savoir rester élégant en mangeant le sandwich déjeuner de chez Larry’s est un exercice périlleux, réussi à la table voisine mieux qu’à certaines autres.
L’ambiance générale régnant dans ces murs permet de ne pas prêter trop attention à qui mange avec plus ou moins d’élégance.
Entre les deux midis, une soirée très gourmande, à la limite de l’excès, au cours de laquelle se succédèrent à notre table une longue série de ces petites assiettes présentées par la maison : omble de fontaine venu de Gaspésie, lentilles, aubergines, polenta et autres.
De brandade et de poulet préservé nous nous sommes passés puisqu’il n’y en avait déjà plus, bien qu’il fût très tôt en soirée et que le mercredi soir n’est généralement pas le plus occupé en restauration. Les côtes levées et relevées de piments moyennement doux jouèrent à la perfection le rôle de substitution.
Les desserts, crème rhubarbe et gâteau chocolat, sont comme les assiettes salées du repas, sympathiques et sans prétention. Le service, lorsqu’il est fait avec intelligence, ajoute au plaisir d’être à table. Lorsqu’il est fait avec grâce, il en imprime le souvenir et donne envie de revenir manger là. Si vous avez la chance d’être servis par Rachel, vous voudrez y retourner.
Un dernier midi pour goûter deux bolinettes délicieuses, l’une de petits pois très tendres et très sucrés présentés dans leur cosse, l’autre de tomates aussi goûteuses que peuvent l’être les tomates à cette saison. Un ceviche suit, de beaux morceaux de thon assaisonné très justement et en quantité parfaite.
En plus de sa très belle carte des vins, la maison a la délicatesse de proposer une vingtaine de bières, quelques cidres et une douzaine de cocktails aux noms évocateurs, dont un « Lucien-L’Allier », sans doute un ami jadis de Larry.
Les assiettes ont beau être plus petites et les portions aussi, évidemment, on sort rarement affamé de ce minuscule local. Il y règne, côté clientèle, cette ambiance de détente et de nonchalance appliquée qui fait les endroits courus. La clientèle est souvent détendue et nonchalante lorsqu’elle sait que la cuisine sera bonne.
9, avenue Fairmount Est
Montréal
(Pas de téléphone)
★★★
$ 1/2
Ouvert tous les jours de 8 h à 1 h, sauf le dimanche avec fermeture à 17 h. L’addition ? En soirée, une trentaine de propositions allant de 3 $ (pain maison et beurre) à 15 $ pour l’omble fontaine ou le bifteck ; moyenne : 8,80 $.
À midi, neuf suggestions pour une moyenne de 5 $. Vous pouvez aussi piocher dans la carte du soir pour un délicieux spaghetti à 11 $ ou une belle salade verte décorée de tomates-cerises et de fines tranches de radis melon d’eau (version québécoise) ou Valentin (version française). Midi et soir, choix de deux desserts à 8 $.
De la carte des vins, notre collaborateur Jean Aubry dit : « Une carte généreusement fournie en vins bios et des signatures qui collent au terrain. On a fait ses classes ici. »
Légendes
★ Je regrette de devoir vous en parler
★★ Pas mauvais, mais on n’est pas obligés de s’y précipiter
★★★ Bonne adresse
★★★★ Très bonne adresse
★★★★★ Adresse exceptionnelle pour la cuisine, le service et le décor
$ Le bonheur pour une vingtaine
$$ Une quarantaine par personne
$$$ Un billet rouge par personne
$$$$ Un billet brun par personne
$$$$$ Le bonheur n’a pas de prix