Un délice avant la nuit

Le restaurant de l’auberge des Glacis compte à sa carte 53 fournisseurs réguliers, dont 47 sont situés tout près, en Chaudière-Appalaches.
Photo: Martin Fournier - Le Devoir Le restaurant de l’auberge des Glacis compte à sa carte 53 fournisseurs réguliers, dont 47 sont situés tout près, en Chaudière-Appalaches.

L'auberge des Glacis est située sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, à 100 kilomètres à l'est de Québec. Sis en pleine campagne au bord d'une petite rivière suffisamment puissante pour actionner cet ancien moulin transformé en auberge, l'établissement champêtre est un véritable havre de paix depuis 1993, où les clients sont accueillis à cœur et à bras ouverts. La salle à manger, intime et chaleureuse, fait partie du réseau des Relais gourmands et maintient depuis son ouverture une réputation gastronomique bien méritée. La qualité et l'originalité de son menu reposent sur une sélection d'excellents produits régionaux apprêtés avec raffinement.

Le restaurant de quarante à cinquante places est ouvert à tous, mais il se remplit presque à pleine capacité lorsque toutes les chambres de l'auberge sont occupées, de sorte qu'il vaut mieux s'informer avant de s'y rendre si l'on ne veut qu'y manger. Les clients qui logent sur place ont l'avantage de choisir eux-mêmes leur table et l'heure du repas qu'ils préfèrent. Nous retrouvons donc la table que nous avons choisie à l'heure convenue, et nous sommes pris en charge par l'hôtesse qui nous avait accueillis à l'auberge. Elle est cette fois vêtue d'un très chic uniforme décontracté qui ajoute de la classe au service, en plus de l'amabilité et du professionnalisme qui caractérisent l'ensemble de l'accueil à l'auberge des Glacis.

Le menu, relativement limité, est tout de même long à consulter, car tout y est décrit en détail... et tout est fort appétissant! Du chèvre chaud chouchou du chef à la terrine de bison de la région, en passant par une escalope de foie gras en entrée, jusqu'à l'offre de plats principaux qui va de la charcuterie et choucroute jusqu'au parmentier de cerf rouge, en passant par le boeuf charolais gratiné, la matelote d'esturgeon ou les quenelles de volaille, de veau ou de brochet (une spécialité de la maison). Hmmm, pas facile de nous décider. En plus, on peut consulter la liste complète des 53 fournisseurs réguliers de l'auberge, dont 47 sont situés en Chaudière-Appalaches, tels Bisons Chouinard, la ferme Kégo-Cailles, les Pêcheries Donald Lachance, Sud Café ou les Vergers Caouette. Notre serveuse se rend disponible pour répondre précisément à nos questions et nous conseiller sur l'accord mets et vin. Elle nous prévient que plusieurs des vins offerts en importation privée, normalement un point fort de la maison, ont été récemment épuisés. C'est pourquoi nous optons pour un agréable et régulier Corbières Haut-Saint-Georges 2008.

Le repas commence par un potage du jour au panais, à la courge Butternut et au gingembre. Ce mariage aurait pu facilement tomber dans l'excès ou dans l'excentricité, mais il s'avère parfaitement équilibré, doux et délicat, en plus de présenter une belle consistance crémeuse. Suivent nos entrées, qui ont une très belle apparence. Les rillettes atlantiques aux deux saumons de ma compagne sont fort invitantes: l'élément saumon fumé est impeccable, d'un goût frais, relevé juste à point, sans excès de fumée, alors que ses miniquenelles de saumon, un peu soufflées et très légères, fondent dans la bouche. Quelques fines tranches de radis rose ajoutent au charme et à l'originalité. Ma cassolette réconfortante, qui comprend esturgeon, palourdes et moules, est également délicieuse, baignant dans une sauce au vin blanc concentrée et gourmande que je m'applique à déguster à chaque bouchée, puis en y trempant le bon pain blanc ou brun qu'on nous a servi frais et grillé. Un peu de piment d'Espelette haché menu rehausse cette cassolette.

On nous apporte ensuite un rafraîchissant granité au pamplemousse et à la vodka, très léger, qui nous ouvre à nouveau l'appétit pour accueillir nos plats principaux, dont la préparation et la présentation sont d'un raffinement égal aux entrées, ce qui n'est pas fréquent. Mon râble de lapin est succulent, fourré d'un mélange de foie gras et de porc naturel, entouré d'une sauce savoureuse et accompagné de carottes menues, de radis roses, de tomates cerises et d'une échalote bouillie joliment ficelée aux autres légumes. Je laisserai une assiette entièrement vierge. La caille désossée de ma douce, farcie au porc naturel, au foie de volaille et aux pignons de pin, est de la même jouissance, servie avec du panais, des quartiers de poire pochée et une julienne de légumes à base de carottes et d'oignons, sans compter une superbe fricassée de champignons sauvages. Des branches de thym frais décorent nos deux assiettes comme deux drapeaux de saveur plantés au sommet de nos régals.

Une pause bien méritée nous permet de profiter pleinement du décor enchanteur et du temps qui s'écoule ici sans heurt, paisiblement. Un brin de conversation avec notre serveuse nous append qu'elle a remporté la veille le prix de la relève touristique en Chaudière-Appalaches, un honneur qui ne nous surprend pas et qu'elle porte avec joie et modestie. Enfin, ce serait un véritable accroc de ne pas succomber à l'un ou l'autre des tentants desserts: la sucrée verrine de chocolat et framboises ou l'intrigant gâteau pomme-whisky dynastie Bourbon, ou encore la classique crème brûlée revisitée au thé des tsars ou les originales poires Prince William. Nous optons pour ces deux derniers. Le sorbet aux poires qui accompagne le dessert fruité de ma compagne est particulièrement délicieux, et ma crème brûlée riche et onctueuse est relevée d'un goût très spécial provenant du thé que le chef a sélectionné ce soir-là: le Kusmi Saint-Pétersbourg. Très réussi. La tisane de fleurs des Jardins d'Aline qui accompagne nos desserts, parfumée à souhait et sans la moindre aigreur ni arrière-goût, ne risque pas de perturber notre nuit de sommeil, qui sera portée par le chant de la rivière Tortue coulant au pied de l'auberge.

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  • Plus: une cuisine régionale délicieuse et originale servie dans une ambiance chaleureuse et apaisante.
  • Moins: le fait de ne pas pouvoir y aller plus souvent.
  • Combien: Notre repas avec taxes: 173 $.
  • Auberge des Glacis, 46, route Tortue, L'Islet (secteur Saint-Eugène), 418 247-7486

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Collaborateur du Devoir

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