3 chefs, 3 parcours de jardiniers

Annie Champagne
Collaboration spéciale, dujardindansmavie.com

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Le fait de rester à la maison de façon prolongée au cours des deux dernières années a amené un engouement sans précédent pour le jardinage. Plusieurs se sont découvert une véritable passion pour jouer dans la terre et voir pousser leurs propres fruits et légumes. Parce qu’ils ont un amour tout naturel pour les produits de proximité, les chefs ne font pas exception à la règle ! Nous en avons rencontré trois pour qui le chemin vers le jardinage diffère, mais qui ont certainement à cœur de cuisiner avec les récoltes de leur potager.


Photo: Rosalie-Anne Lavoie Bolduc/Zone3 La cheffe pâtissière Isabelle Deschamps Plante

Des souvenirs d’enfance

Toute petite, Isabelle Deschamps Plante observait sa mère et ses deux tantes prendre soin de l’immense potager familial. Native de l’île d’Orléans, la cheffe et pâtissière des cafés Ricardo a donc grandi au rythme des récoltes et des mises en conserve. C’est plus tard qu’elle a réalisé combien ce legs était précieux et qu’il avait en quelque sorte servi de fondement à sa carrière de cheffe pâtissière.

Du lopin de terre aux espaces restreints

 

Lorsqu’elle a quitté le nid familial, la cheffe a d’abord bénéficié d’une parcelle du jardin de ses parents pour faire pousser ses légumes. Aujourd’hui, elle a maximisé l’espace restreint de sa petite cour de la Rive-Sud de Mont-réal pour cultiver fines herbes et petits fruits variés ainsi que les classiques tomates et concombres. Son conjoint et elle ont même usé d’ingéniosité en aménageant une immense jardinière suspendue à leur pergola et garnie de fraisiers retombants au-dessus de leur table extérieure.

Des ingrédients à portée de main

La majorité des cultures d’Isabelle Deschamps Plante sont en contenants ou en bacs. Toutefois, on retrouve aussi dans sa cour des framboisiers de plusieurs cultivars, des argousiers, un sureau, un lilas et des plates-bandes mixtes comprenant à la fois des fleurs et des légumes. Avec le sureau et le lilas, elle concocte un sirop simple qu’elle peut ajouter à des boissons. De nombreuses fleurs comestibles, comme les tagètes, les centaurées, les capucines, la lavande et les pensées, lui servent à rehausser et à enjoliver des plats. Un gros bac de fines herbes de toutes sortes est disposé à portée de main pour une utilisation optimale. Elle en cultive également à l’intérieur durant la saison froide pour faire entrer un peu de nature dans sa maison.

Le local pour l’environnement

Celle qui se rend chaque printemps en pépinière pour voir les nouvelles variétés de tomates et de fines herbes caresse le rêve de retourner un jour s’établir à l’île d’Orléans et d’avoir son propre grand jardin. En attendant, ses cultures, qui demandent somme toute peu d’entretien, lui permettent d’avoir la satisfaction de cueillir ses propres aliments. Elle croit que jardiner et encourager le plus possible les produits de proximité, comme ceux qu’on trouve dans les marchés publics, apportent de nombreux bénéfices tant environnementaux qu’économiques. Et puis, elle est très consciente de tout le travail qu’il y a derrière les récoltes abondantes.


Photo: Daphné Caron La cheffe Fisun Ercan

De la Turquie à la Montérégie

Originaire d’un petit village de Turquie, Fisun Ercan a une passion sans borne pour les produits de saison, particulièrement ceux qui composent les plats typiques de son pays. C’est son amour de la cuisine et son respect pour la nature qui l’ont amenée à jardiner. D’abord en établissant un potager sur le toit de son restaurant montréalais Su, puis, lorsque cette aventure s’est achevée, en prenant la clé des champs pour acheter une terre et y établir une table champêtre, Bika, approvisionnée en fruits, en légumes et en fines herbes par son propre potager.

Des cultures abondantes

 

Les champs et la serre qui environnent la table champêtre regorgent de fines herbes et de fleurs comestibles vivaces ou annuelles. On y retrouve également plusieurs variétés de légumes comme les aubergines, poivrons, haricots, carottes, betteraves, radis, laitues, choux, choux-fleurs, bettes à carde, épinards, ail, échalotes, tomates et plus encore ! Bien qu’elle utilise l’espace disponible à sa capacité maximum, Fisun Ercan explore toujours de nouvelles cultures chaque saison et elle est sans cesse à la recherche de semences ancestrales à découvrir.

Deux passions qui s’alimentent

Lorsqu’elle travaille la terre et cultive ses légumes, Fisun Ercan songe aux plats qu’elle pourrait créer et inversement, en cuisinant, elle imagine de nouvelles cultures à explorer. D’un point de vue strictement environnemental, l’empreinte carbone du Bika est à son strict minimum puisque tout retourne à la terre : les restes de table sont compostés et l’eau utilisée par le système septique est même filtrée par la lumière UV pour irriguer le jardin. Le gaspillage alimentaire est aussi un souci constant de la cheffe. Ce retour à la terre lui apporte une immense satisfaction et aussi une proximité avec les produits frais, les siens et ceux des autres producteurs locaux, qui lui rappelle son enfance.


Photo: Claude Mathieu Le chef Martin Gagné dans les jardins de l'Assemblée nationale

Le goût de jardiner

Tout comme Isabelle Deschamps Plante, les parents de Martin Gagné, le chef du restaurant Le Parlementaire de l’Assemblée nationale du Québec, ont toujours eu un grand potager et même une petite serre à la maison pour faire pousser les tomates et les concombres. Dans sa jeunesse, il a travaillé aux serres commerciales de son oncle et a cueilli fraises et framboises à profusion. Il allait donc de soi qu’il cultive son propre petit jardin à la maison puisque, pour lui, jardiner est un geste concret qui l’inspire dans son métier de chef. Il y cultive surtout des herbes diverses qu’il fait ensuite sécher pour les offrir en cadeau à Noël.

Un terrain de jeu extraordinaire

 

À l’Assemblée nationale, sa passion pour les produits frais est comblée puisque les jardins auxquels il a accès foisonnent de plus de 200 variétés de petits fruits, légumes, fleurs comestibles et fines herbes. Ainsi, le menu du restaurant varie au gré des récoltes et le jardin lui-même est adapté en fonction des besoins du restaurant. Une belle synergie qui permet d’éviter les pertes inutiles. D’ailleurs, les surplus sont congelés, desséchés ou redistribués à des œuvres caritatives. Fait intéressant, les jardins de l’Assemblée nationale accueillent aussi des ruches urbaines desquelles on récolte plus de 40 kilos de miel par année !

Des essais inusités

 

Chaque année, Martin Gagné propose de nouveaux essais dans le potager. L’an dernier, c’était le safran et les champignons. Cette année, ce sera une forêt nourricière laurentienne à échelle réduite qui prendra la place d’un très vieil orme malade qu’on a dû abattre. Avec cette forêt, le chef souhaite reproduire un boisé composé de plantes indigènes qui alimentaient les Premières Nations. Par exemple, on y retrouvera du topinambour, un noisetier, un prunier et de la verveine.

Un puissant outil pédagogique

 

Ayant lui-même initié ses enfants à distinguer les différentes herbes en les frottant entre leurs doigts, Martin Gagné voit le jardinage comme un bel outil pédagogique. Les animations culinaires qu’il a entamées l’an dernier aux jardins de l’Assemblée nationale lui ont permis d’improviser des recettes éphémères directement au potager et de prendre une pause de ses cuisines en plein air. Il compte bien renouveler l’expérience cet été et offrir cette proximité avec la nature aux nombreux visiteurs des jardins.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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