Parrainer une semence

L’atmosphère était joyeuse et de nombreuses personnes étaient présentes pour la soirée de clôture de la première année de l’opération Gardiens de semences, une histoire peu ordinaire de parrainage de semences. Thibault Renouf, d’Arrivage, auparavant Chef514 et instigateur de cette initiative, soulignait avec grand plaisir son succès auprès des semenciers, des producteurs et des restaurateurs engagés dans l’aventure.
L’opération Gardiens de semences a été lancée afin de soutenir et d’encourager la biodiversité et de la remettre au cœur de notre alimentation. Elle est issue d’un partenariat avec Arrivage, une jeune entreprise fondée par M. Renouf qui offre aux restaurateurs, épiceries et cafés un approvisionnement en circuits très courts, soit de la ferme à l’assiette. La perte de la diversité dans notre alimentation a de quoi faire réfléchir et demande des actions, car 75 % de la biodiversité alimentaire mondiale aurait disparu en un siècle, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
1 chef, 1 semence, 1 cultivateur
Cette opération originale met en contact des gens qui doivent apprendre à se connaître et travailler ensemble en parrainant une semence. Une jolie idée. En premier lieu, un restaurateur volontaire associé à Arrivage doit choisir un fruit ou un légume qu’il a envie de cuisiner et de parrainer chez un semencier québécois. D’ailleurs, cette initiative tombe à point, car nous avons la chance maintenant d’avoir plusieurs excellents semenciers soucieux de valoriser des légumes anciens ou méconnus. Ensuite, ils s’allient à un petit producteur aussi sensible à la cause, qui lui réalise la culture de ladite semence. En fait, les trois collaborent pour faire pousser, puis nous faire découvrir et aimer cette nouvelle denrée.
Cette année, 14 légumes ou fruits aux noms parfois colorés, tels que carotte du dragon, tomate verte zébrée ou betterave crapaudine, ont été parrainés par autant de cultivateurs et de restaurateurs. La bonne nouvelle est que l’année prochaine, le projet se poursuivra et que 50 semences seront parrainées. Ce projet joue un rôle important pour faire prendre conscience de la diversité, mais en plus, il a le mérite de soutenir une agriculture artisanale et de favoriser le développement d’un patrimoine culinaire.
Une belle rencontre
Parmi les belles rencontres qui sont nées de cette opération, en voici une vraiment chouette. Le sympathique Hamidou Maïga, originaire du Niger, est producteur et propriétaire de Hamidou Horticulture. Son intérêt se porte sur la culture des légumes de l’Afrique de l’Ouest au Québec. Il en teste d’ailleurs actuellement plus d’une centaine de variétés sur un terrain à Senneville, dans l’ouest de l’île de Montréal, qui incluent des aubergines, des arachides et des okras. Quant à la souriante Maria-José de Frias, comme elle propose une cuisine subsaharienne dans son restaurant Le Virunga, elle est toujours à la recherche de légumes et de fruits frais de cette région. Ce fut donc tout naturel pour cette dernière de parrainer l’aubergine africaine de ce semencier.
Ce soir-là, M. Maïga en avait apporté plusieurs. Elles diffèrent énormément de l’aubergine classique que nous connaissons. Elles sont de format moyen et de forme ronde, et leurs couleurs sont pour le moins étonnantes — vertes zébrées ou orange éclatant ! En Afrique, elles sont consommées cuites ou crues, comme une pomme, m’explique la restauratrice. Leur goût amer, prisé par les Africains, surprend parfois les Québécois, on doit s’y habituer, dit-elle en riant. Au restaurant, les clients les aiment pour leur exotisme.
Voilà, c’était ma dernière chronique régulière de la saison de jardinage. Nous nous retrouverons probablement sporadiquement au cours de l’hiver pour quelques billets et des recensements de beaux bouquins. Ce fut, comme toujours, un immense plaisir de vous accompagner. Bon hiver !
Une version précédente de cet article, qui indiquait que l'entreprise de Hamidou Maïga se dénommait Semences Hamidou Maiga, a été corrigée.
Le dompteur de lions et son balai japonais

Le dompteur de lions et son balai japonais
Benoit Asselin,
Benoit Asselin édition,
2018, 327 pages