«Ce n'est plus comme c'était avant»

Ils et elles ont des résidences qui leur sont réservées. Dans certains cas, c'est même tout un quartier d'une ville qui leur est dédié. En fait, bientôt, il n'y aura plus au Québec une ville, voire un village de quelque importance, qui ne comptera pas sur son territoire une résidence pour retraités. Le monde de l'habitation vit une transformation rapide.
S'il y a une révolution culturelle qui a cours, mais qui n'entraîne pas encore une abondante littérature, et cela étant un fait quand on exclut l'édition spécialisée, c'est bien celle qui se produit dans les relations intergénérationnelles. Si, en réalité, il y a bien un cas où «ce n'est plus comme c'était avant», c'est cet univers des liens qui unissent enfants et parents et celui des comportements affichés au moment où les aînés atteignent l'âge de la retraite.En fait, l'organisation sociale subit une métamorphose. Relisez ainsi les oeuvres d'une Jane Austen et autres consorts et vous verrez qu'il ne se retrouve plus dans une lointaine Angleterre, ce modèle qui imposait à l'aîné la gestion des biens et à un autre un séjour dans un des services de l'État. Au Québec, la même formule s'appliquait aussi à la famille terrienne: à l'un la terre et à un autre, fille ou garçon, sa mise au service de l'Église. Et souvenez-vous aussi que la «cheffe» du clan déclarait souvent que «la petite dernière est à moi», à savoir qu'elle allait s'occuper de sa mère jusqu'à sa mort et ainsi mourir «vieille fille». Et qui héritait de la demeure familiale savait ce qui l'attendait en retour: il aurait à héberger et nourrir les ancêtres, et ainsi les accompagner jusqu'à leur dernier souffle.
Ce monde n'est plus.
S'établir une fois de plus
Auparavant, si on pensait à la retraite, le discours qui en découlait portait d'abord sur l'organisation et la planification du temps de loisir. Aujourd'hui, non seulement on se demande si oui ou non on quittera son emploi, mais aussi on se dit que, la retraite venue, sans doute un déménagement s'imposera: et de l'argent reçu lors de la vente de la résidence familiale, il en restera suffisamment pour penser à s'établir dans ce qui ne s'appelle plus «une maison de retraite» mais est devenu une «résidence pour retraités».
Et, dans un plus d'un cas, quand on dit «résidence», on veut vraiment dire «résidence». Prenons le Masterpiece de l'Île-des-Soeurs et écoutons sa porte-parole: «Les prix de location commencent à 2600 $ par mois et tout est inclus, excepté le téléphone: les trois repas par jour, l'entretien ménager une fois par semaine, les activités, le chauffage, l'électricité, le câble et la connexion Internet sans fil, le stationnement intérieur et un casier de rangement. Nous avons aussi un service de navette gratuit qui amène nos résidants au centre-ville pour leurs rendez-vous médicaux.» Et le repas du soir: un quatre-services et à l'heure souhaitée soit au grand restaurant, soit au bistro, soit au comptoir libre-service. La vie d'hôtel, quoi!
Selon ses besoins
Le sort des nantis n'est cependant pas le même pour tous. Mais on construit aussi pour accueillir le plus grand nombre possible de retraités ou futurs retraités, et ce, en tenant compte des variations de revenus. Ainsi, Visavie offre un service de consultation gratuit pour aider toute personne à identifier et obtenir un lieu de résidence qui convienne à ses besoins. Car tous n'ont pas la possibilité de pouvoir se voir offrir, comme le dit François Théorêt, de cet organisme d'aide à l'accès à des résidences, le luxe, le grand luxe: «On retrouve des produits de qualité et il y en a pour tous les goûts à tous les prix, soit à des coûts qui peuvent varier de mille à sept mille dollars par mois, voire huit mille dans certains cas.»
En fait, normalement, on pourrait dire qu'il en coûterait autour de mille dollars par mois pour accéder à un lieu, y trouver une chambre, et même plus grand dans une résidence, où, outre le lit et les repas, s'ajouteront des services, ceux de santé n'étant pas les moindres.
Bref, qui parle de résidence ne parle plus d'un lieu où les mots «maisons de retraite» ont une connotation négative. On y vivrait bien là, sans avoir à y sacrifier son autonomie, pour y obtenir un espace bien à soi et aussi retrouver une vie collective que souvent la maison individuelle ou le simple logement n'offre plus dans nos villes où la vie collective est souvent devenue inexistante.
À la retraite, il y aurait ainsi mieux à faire qu'à «s'encabaner».