Loin de Naples et de la pizza de Luigi

Sur un des murs du Tutto Bene, un grand tableau rappelle les spéciaux du jour qui, continent oblige, comprennent les calamars et la pizza au fromage de chèvre et au rapini.
Photo: Jacques Grenier Sur un des murs du Tutto Bene, un grand tableau rappelle les spéciaux du jour qui, continent oblige, comprennent les calamars et la pizza au fromage de chèvre et au rapini.

Dans le magnifique ouvrage de Rosario Buonassisi, intitulé Pizza, gastronomie et histoire et publié aux Éditions du Carrousel, on raconte les origines d'un mets mondialement connu: la pizza.

C'est à Naples que la rencontre entre une pâte levée et de la tomate s'est produite. Chaque ville, chaque rue a sa pizzeria, et chacune rivalise entre croûte épaisse, farcie ou mince pour offrir aux consommateurs une des plus belles réussites alimentaires connues. Montréal ne fait pas exception à la règle et propose aussi ses bonnes ou banales pizzas qui, en quête d'identité, se baladent entre le fast-food du coin et une trattoria de la Petite Italie.

La rue Saint-Viateur, dans le Mile-End, fait encore partie de ces belles rues qui ont forgé le caractère de Montréal. On y retrouve de petits commerces polonais, des barbiers comme à Séville et des cafés à l'italienne comme on les aime.

Tutto bene signifie en italien que tout va bien, que la vita e bella et qu'une pizza à l'heure du dîner sera bonne et bienvenue. C'est aussi le nom de la pizzeria où j'ai rencontré mon ami Bernard lors d'un rendez-vous simple et sympathique. Je n'étais pas retourné là depuis que ce resto, mi-bistro, mi-pizzeria, a été détruit par le feu. Dans ces nouveaux locaux, la pizza est cuite au bois et on offre une bonne dizaine de variétés sur le menu. Le décor n'a pas vraiment changé et ressemble à tous les cafés du genre en Italie, fumée et Campari en moins. Les tables simplement dressées se contentent d'offrir le strict nécessaire. Sur le mur, un grand tableau rappelle les spéciaux du jour qui, continent oblige, comprennent la salade César, les calamars et la pizza au fromage de chèvre et au rapini.

D'un commun accord, mon convive et moi avons choisi une entrée de calamars pour deux (8,95 $) et deux pizzas de 12 pouces comme le spécial du jour en proposait à 14,95 $. Mais pourquoi qualifier d'italienne une saucisse lorsque celle-ci est piquante ou relevée? Pourquoi ne pas l'appeler calabraise, comme il se doit? Cela me fait penser aux cerises de France qui n'en sont pas. La saucisse italienne proposée sur une des pizzas allait ainsi faire partie, avec celle aux rapinis et au fromage de chèvre, du voyage gourmand auquel nous nous attendions.

Pour être bons, les calamars doivent être à la fois tendres, légers et croustillants. Ici, il manquait deux des principaux éléments pour que ce plat tellement copié devienne une réussite. Point de croustillant et point de légèreté dans la pâte à frire, élément dont les Japonais sont les maîtres.

En Italie, le pizzaiolo est celui qui fabrique les pizzas et anime la salle près de son four. Il joue autant un rôle de divertissement qu'un rôle de préparation en concoctant sa sauce tomate ou la pâte secrète dont dépend la réussite finale. Chez Tutto Bene, on semble avoir abandonné les deux. Sans qu'elles soient désagréables, les pizzas auraient mérité de profiter de la touche du maître, celle de Luigi ou de Fernando, qui lui conférerait ce petit goût de revenez-y. Malgré la pâte fine et bien cuite, un manque évident de garnitures et d'assaisonnement dans la sauce rendait les plats fades et très ordinaires.

Les bouteilles vides et signées laissées en présentation aux convives témoignent de l'intérêt pour Bacchus. Vins au verre ou en bouteille sont offerts au prix du marché mais servis sans précaution spéciale ni égards pour la dive bouteille.

En fait, comme c'est parfois le cas, nous nous sommes tout simplement restaurés chez Tutto Bene, sans que la moindre étincelle soit apparue. Manger est un acte quotidien qui émerveille souvent mais qui peut aussi laisser l'âme et le ventre indifférents, comme ce fut le cas ce jour-là. De toute façon, comme on dit à Naples: «Tutto va bene, arrivederci!»

Prix payé pour deux personnes avec deux cafés et trois verres de vins (taxes comprises mais service non compris): 75 $.

- Plus: le charme incontestable de la rue Saint-Viateur.

- Moins: une cuisine sans âme et sans intérêt.

Tutto Bene

120, rue Saint-Viateur Ouest

Montréal, (514) 223-9255

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