La résurrection des hydromels

Sophie Ginoux
Collaboration spéciale
La Miellerie King, dans le Centre-du-Québec, propose plus de 20 produits alcooliques à base de miel.
Photo: Miellerie King La Miellerie King, dans le Centre-du-Québec, propose plus de 20 produits alcooliques à base de miel.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Connu depuis plus de 10 000 ans, l’hydromel est sans doute l’un des plus vieux alcools au monde. Celui que l’on nommait « le nectar des dieux » a connu une évolution différente selon les régions du globe. En Amérique du Nord, il avait presque disparu jusqu’à ce que des clins d’oeil du destin lancés par des fictions comme Le trône de fer et Le seigneur des anneaux, ainsi que le dynamisme créatif dont font preuve ses producteurs, ne le remettent en selle. C’est donc avec une toute nouvelle perspective, à la fois artisanale, contemporaine et environnementale, que la toute première Semaine des hydromels du Québec aura lieu à travers la province du 19 au 28 mai.

René Bougie a peut-être la barbe longue et fournie, mais il n’a rien du guerrier viking. « L’hydromel n’est plus une boisson médiévale qu’on boit dans un casque ! dit-il en plaisantant. Au contraire, c’est un produit moderne et innovant. »

Ancien amateur de bières qu’il microbrassait pour le plaisir, l’apiculteur à la tête de la Miellerie King, située au Centre-du-Québec, a tout lâché pour lancer en famille une entreprise apicole qui propose plus de 20 produits alcooliques à base de miel : des mistelles, des spiritueux (dont plusieurs apirums, des eaux-de-vie à base de miel ressemblant à du rhum), des liqueurs ainsi que plusieurs hydromels en bouteille et en canette. « J’ai tout de suite eu la piqûre des hydromels, dès que j’y ai goûté, raconte-t-il. Et j’adore mon métier, même si ce dernier vient avec des enjeux particuliers. »

Un univers de saveurs

Pour entrer dans l’univers créatif d’un producteur d’hydromels, commençons par la base. Qu’est-ce qu’un hydromel, au juste ? « C’est simple en apparence. C’est un mélange de miel, d’eau et de levures, répond René Bougie. On récolte et on réalise des assemblages de miels, puis on y ajoute de l’eau et des levures et on fait fermenter le tout de deux à cinq semaines, au cours desquelles le sucre du miel est transformé en alcool et en gaz carbonique. Ensuite, on a le choix de le filtrer, de le gazéifier, de le fortifier ou, au contraire, de le désalcooliser, ou encore de le malter. »

Selon les miels, la quantité d’eau, les levures, le temps de fermentation et les transformations utilisés, les hydromels peuvent être extrêmement variés. Ils présentent de 4 g à 300 g de sucre par litre et de 0 % à 20 % d’alcool, ils sont tranquilles ou effervescents, traditionnels ou aromatisés avec des jus, des fruits frais ou secs, des herbes, des fleurs, des épices et même du houblon. On est donc très loin du produit un brin désuet et bourré de sucre auquel certains pourraient s’attendre.

« Dire qu’on n’aime pas les hydromels parce qu’on en a testé un qui ne nous plaît pas, c’est un peu comme dire qu’on n’aime pas la bière ou le vin, alors qu’on n’a goûté qu’à une seule bouteille ! » lance l’apiculteur. Il vient d’ailleurs de remporter, début mai, pour sa crème alcoolisée au miel Alvéole, une médaille d’or et le Prix de la meilleure crème alcoolisée au Canada lors de la compétition World Liqueur Awards, qui s’est tenue à Londres.

De l’abeille à la bouteille

Si le champ gustatif des hydromels du Québec est très large, ils ont tous en commun de constituer des productions artisanales, régénératives et hyperlocales. Pourquoi ? Tout d’abord parce que les miels utilisés pour les réaliser viennent des ruchers de chaque apiculteur, avec des abeilles qui butinent de trois à cinq kilomètres à la ronde. Tous les alcools de miel sont également transformés sur place.

« Ce sont des produits qui goûtent leur terroir, indique Renée Bougie. Ils ont des flaveurs typiques, comme des notes florales, végétales, fruitées ou caramélisées. Mais comme les abeilles ne butinent pas la même chose d’un endroit à l’autre, le miel et les alcools, en fin de compte, n’ont pas du tout le même goût. »

Cette proximité avec le produit se retrouve dans la relation que les apiculteurs entretiennent avec les abeilles et l’environnement qui les entoure. Frédéric Dutil, un ancien ingénieur qui a décidé de suivre ses valeurs en créant, avec deux partenaires, en plein coeur de la ville de Québec, la distillerie urbaine Apikol, le rappelle : « L’abeille est un insecte noble. Elle produit un sucre naturel, tout en constituant un pollinisateur qui nous permet de conserver notre biodiversité. Elle représente ainsi, au même titre que l’ours polaire et les baleines, une sentinelle de l’environnement. Si elle va mal, il faut se poser des questions. »

Lorsque l’on sait que le taux de mortalité des ruches a atteint les 50 % en 2022, la valeur du travail réalisé par les producteurs d’hydromels au Québec n’en est que plus importante à la campagne et en ville, comme c’est le cas d’Apikol. « Les abeilles citadines sont en bonne santé, explique toutefois M. Dutil, car elles n’ingurgitent pas de pesticides. Elles butinent aussi des plantes et des fleurs variées, si bien que leur miel est vraiment très bon ! » Ce dernier l’utilise pour produire un hydromel effervescent peu sucré et sans amertume, ainsi qu’une vodka, un gin, une eau-de-vie à la framboise et une autre caramélisée. Quelques-uns des délices qu’il sera possible de découvrir à compter du 19 mai.

Trois suggestions

Alvéole - La Crème, Miellerie King, Kingsey Falls

Miel, eau-de-vie et crème. Une recette simple inspirée par les abeilles ouvrières et les traditions familiales. À déguster sur glace ou à grands traits dans le café. Seule crème alcoolisée au Québec faite avec de la vraie crème de producteurs laitiers d’ici, elle vient tout juste de remporter la médaille d’or et le Prix de la meilleure crème alcoolisée au Canada à la compétition World Liqueur Awards. Disponible à la miellerie ou à certains autres points de ventes listés sur leur site

Hydromel mousseux, Apikol, Québec

Produit à partir du miel toutes fleurs de Apikol, cet hydromel mousseux est issu d’une double fermentation sur levures de champagne et d’une prise de mousse en bouteille. Donne un produit sec, mousseux et désaltérant avec touches de fleurs blanches. Idéal à l’apéro ou en accompagnement d’un repas léger comme du poisson. Se consomme très frais. Disponible directement à la distillerie Apikol.

Le Chevalier, Miel Nature, Beauharnois

On ne compte plus les prix reçus par les producteurs de Miel Nature tellement ils sont nombreux. Parmi leurs produits primés, il y a Le Chevalier, un hydromel de miel de sarrasin vieilli en fût de chêne est élaboré selon des traditions de l’Europe de l’Est, dont est originaire la propriétaire Elena. Disponible à la SAQ

Au programme

Afin de démystifier leurs activités et de montrer la diversité de leurs créations, les producteurs d’hydromels de notre province ont monté un rendez-vous qui commencera en force au marché Jean-Talon de Montréal les 19 et 20 mai, avec des kiosques pour eux et des dégustations.

La fin de semaine suivante, les 27 et 28 mai, les producteurs organiseront des journées portes ouvertes pour recevoir et guider le grand public à travers leurs installations.

Du 19 au 26 mai, des restaurants ambassadeurs et des détaillants à travers le Québec mettront de l’avant des hydromels sur leur menu et sur leurs rayons.

Et après les routes des vins, les routes des bières, pourquoi ne pas s’improviser une route des hydromels du Québec? Sur le site de la Semaine des hydromels, on retrouve une carte interactive qui regroupe plusieurs  hydromelleries du Québec, de l’Abitibi à la Gaspésie, en passant par l’Estrie, Québec, Trois-Rivières, La Malbaie et plus encore...

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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