Dans la cuisine de… Alexandre Faille

Ils sont chefs, maraîchers, pêcheurs, chasseurs, photographes ou vignerons. Ils sont tous immensément curieux des saveurs du Québec. Le Devoir est allé à leur rencontre pour connaître leurs coups de coeur, leurs récentes découvertes, et fouiner un brin dans leur cuisine et leurs souvenirs ! Aujourd’hui, incursion dans l’univers gourmand du maraîcher Alexandre Faille. Propos recueillis par Sophie Grenier-Héroux.
Vous êtes maraîcher pour les cuisines de l’Auberge Saint-Antoine, à Québec, depuis 14 ans. Non seulement vous avez été nommé au récent gala des Lauriers de la gastronomie québécoise pour votre travail, mais le restaurant de l’auberge, Chez Muffy, a été désigné par le Forbes Travel Guide comme l’un des meilleurs restaurants au monde. Comment on reçoit ces éloges, les deux mains dans la terre ?
C’est évidemment un honneur d’avoir été nommé au gala des Lauriers et de faire partie de la grande famille de l’Auberge Saint-Antoine. J’apprécie particulièrement cette reconnaissance vu qu’elle vient du milieu pour lequel je travaille, et elle rayonne sur mon équipe de travail.
Par contre, ce n’est pas un moteur de motivation quotidien : ce qui m’allume, c’est vraiment de cultiver des produits qui se distinguent par l’histoire qui les entoure, par leurs qualités gustatives, par leur originalité et par leur mise en valeur par les chefs. C’est vraiment une fierté de voir les produits de nos cultures être transformés en cuisine de façon incroyable et servis en salle au plaisir des clients.
Vous êtes né dans la région de Québec, à Saint-Rédempteur. Comment était le jeune Alexandre à la table ? À quoi ressemblait votre univers culinaire ?
Mon père est d’origine française, et ma mère vient d’une famille où l’on cuisinait énormément. Alors, on mangeait plein d’affaires — comme des artichauts, un plat pas si commun à l’époque. Ma mère dit que je mangeais de tout et que j’ai toujours été ouvert à découvrir de nouvelles choses.
Quelle est votre madeleine de Proust ?
Jeunes adultes, quand mon frère, ma soeur et moi, on revenait chez nos parents la fin de semaine, il y avait toujours de gros soupers. Et il y avait souvent un classique québécois : la fondue chinoise. (Rires.) Et ça reste encore quelque chose que j’adore ! Sinon, ma mère faisait une salade froide de rosbif avec du vinaigre de vin rouge et beaucoup, beaucoup de persil. Encore aujourd’hui, je m’en fais.
À quel moment l’importance du terroir québécois est-elle apparue dans votre vie ?
Assez tôt, je dirais. Quand j’ai fait mon cours en écologie à La Pocatière, dans les années 1990, j’ai découvert la Maison de la prune et toute l’histoire qu’il y a derrière les prunes de Damas bleues et jaunes, et son importance dans la région du Kamouraska. Ensuite, ç’a été les fromages plus fermiers, comme le Migneron. Ça m’a vraiment allumé.
Avec ma copine, on adore travailler les produits du terroir pour toutes les histoires qui viennent avec. Et ça vient aussi avec une réflexion sur l’occupation du territoire et l’autonomie alimentaire.
À quoi ressemble votre cuisine ?
On vient de déménager à Sainte-
Pétronille, sur l’île d’Orléans. C’est un ancien chalet qui a été rénové. La cuisine et la salle à manger sont à aire ouverte. C’est grand et fenestré, donc lumineux, même si on est un peu dans les arbres. La décoration date des années 2000 ; elle est, disons, classique ! L’îlot central est en céramique noire, les comptoirs sont dégagés. Il y a la machine à espresso et un panier à fruits dans un coin.
En plus d’être maraîcher, vous vous adonnez à la chasse et à la pêche. Avez-vous une spécialité lorsque vous êtes aux fourneaux ?
La fondue chinoise ! (Rires.) Après avoir fait la boucherie — qui nous donne la viande —, on fait des fonds dans l’idée de tout garder. Ça me sert à préparer mon bouillon… à fondue chinoise ! J’ai l’impression d’être resté en 1983 avec ce plat-là. (Rires.) Mais j’aime vraiment ça !
Quel est l’outil de cuisine dont vous ne pouvez pas vous passer ?
Un presse-citron et un bon couteau. On aimerait bien s’acheter un couteau Deva fabriqué par l’artisan coutelier Dave Fortin. Et j’aime bien la cocotte en fonte émaillée aussi.
Quel est votre ingrédient indispensable ?
Le vinaigre balsamique fait avec des pommes tardives de Surette Condiments. C’est vraiment bon ! Depuis qu’on a découvert ça, on en a tout le temps !
Avez-vous un plaisir coupable ?
Les chips ! J’aime pas mal toutes les saveurs, mais je vais dire « sel et vinaigre », un bon classique !
Quelle est votre récente découverte ?
J’ai des amis qui ont la ferme OhBio, à Saint-Laurent-de-l’Île-d’Orléans. Leurs fraises sont débiles — ils ont plusieurs variétés —, leurs framboises et leur sirop d’érable aussi. C’est vraiment super ce qu’ils font.
Il y a aussi les Pêcheries Charlevoix, à Saint-Irénée. On est allé acheter du hareng mariné et des capelans congelés. Julie Gauthier a eu le temps de nous expliquer la pêche à la fascine et l’histoire familiale qui vient avec. C’était vraiment le fun.
Avez-vous un producteur coup de coeur à nous faire connaître ?
La ferme La Marianne, à Sainte-
Famille-de-l’Île-d’Orléans. On ne peut pas aller sur place, mais ils vendent leurs produits dans quelques épiceries à Québec. Ils font des poires, des pommes, des prunes, des pêches, des raisins de table. C’est incroyable. Tout est bon !
Si vous preniez la route, vous iriez…
À Kamouraska, chez Perle Morency et Kim Côté, au restaurant Côté est. J’irais à la boulangerie Niemand, à côté. J’irais aussi voir Pierre-Olivier Ferry, à Métis-sur-Mer.
Où aimeriez-vous être attablé en ce moment ?
Je retournerais dans le Pays basque français. J’y ai eu un coup de coeur pour tous les produits. Il y a le porc Kintoa, une espèce patrimoniale sauvée par Pierre Oteiza. Il élève ses cochons en pâturage, et ça donne un jambon exceptionnel. J’adore le mélange des montagnes et de la mer. On y fait de très bons cidres, des fromages de brebis. Et le gâteau basque n’a pas de bon sens ! Ouais, je retournerais là !