Des accords chocolatés… inusités!

Sophie Ginoux
Collaboration spéciale
Selon le chef Aymeric Halbmeyer, les pièces de viande rouge vieillie (comme le boeuf) se marient bien au chocolat noir.
Photo: Aymeric Halbmeyer Selon le chef Aymeric Halbmeyer, les pièces de viande rouge vieillie (comme le boeuf) se marient bien au chocolat noir.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Pourquoi un produit aussi séduisant que le chocolat est-il toujours confiné aux desserts, ou bien imperturbablement marié à des bulles et à des vins moelleux ? Alors que le mois de l’amour débute, nous avons décidé de faire preuve d’audace en vous proposant des accords chocolatés… un peu différents.

Du chocolat à l’apéro : pourquoi pas ?

« Marier du chocolat avec des alcools, à la base, c’est illogique », dit d’emblée le sommelier, auteur et conférencier Guénaël Revel, alias M. Bulles. Ce dernier nous révèle même qu’au début, le chocolat et le champagne ont été accordés par erreur, moins pour leur mariage savoureux que parce qu’ils constituaient tous deux des produits de luxe vendus dans les mêmes boutiques.

Néanmoins, grâce à la grande déclinaison de saveurs que l’on peut obtenir aujourd’hui avec des chocolats d’origine et des bonbons de chocolat fourrés à différentes ganaches, il est possible de repenser ce concept, y compris pour les eaux-de-vie. « Les gens sont souvent désorientés par les eaux-de-vie puissantes. Mais il faut savoir que l’alcool est un exhausteur d’arômes, et que quand il est marié à du chocolat, il exacerbe ses particularités », indique l’expert, qui a conçu avec la chocolatière Joane L’Heureux des coffrets de dégustation à marier entre autres avec du rhum et du whisky.

Alors, quel chocolat peut-on marier avec des eaux-de-vie brunes ? Selon le sommelier, celles passées en fût, comme le brandy, le cognac, l’armagnac, les scotchs et whiskys et le rhum vieilli sont plus faciles à marier avec du chocolat noir. « J’adore les orangettes recouvertes de chocolat noir avec du whisky, car le goût de l’orange ressort bien, explique-t-il. Un chocolat aux notes de bananes, aux agrumes confits ou contenant des fruits secs se marie aussi très bien avec un vieux rhum. »

Quant aux eaux-de-vie blanches, s’il est difficile de trouver des accords pour certaines d’entre elles, comme la tequila, d’autres peuvent, semble-t-il, se marier avec du chocolat blanc. « L’essentiel, c’est de retrouver des notes de l’alcool dans le chocolat, indique M. Revel. Avec du rhum blanc aux notes salines, un chocolat fourré d’une ganache au citron sera idéal. Avec du gin ou de la vodka, je conseillerais des bouchées de chocolat herbacées, une ganache fraises et basilic par exemple. » Par contre, l’expert ne recommande pas de marier du chocolat à des cocktails, en raison de l’excès de sucre et d’ingrédients. « Ils ont malheureusement tendance à s’occulter, ce qui est dommage pour une dégustation. »

Intensité au plat de résistance

 

En dehors des cultures culinaires latines, qui utilisent le cacao dans certaines spécialités — pensons par exemple au mole mexicain —, le chocolat trouve rarement sa place dans les plats de résistance. Cela ne veut pas dire, toutefois, qu’il est impossible de lui en tailler une ! C’est en tout cas ce que pense le chef, photographe et directeur général de l’entreprise de services de restauration Sodexo Canada, Aymeric Halbmeyer. « Quand on s’intéresse autant à la pâtisserie qu’à la cuisine, ce qui est mon cas, on trouve toujours des idées pour intégrer le chocolat de l’entrée au dessert ! » dit-il en plaisantant.

Le chef a déjà réalisé, avec succès, des sucettes de foie gras enrobé de chocolat noir et de graines de pavot, une cuisse de canard confit nappée d’une sauce au porto et au chocolat noir ainsi qu’un filet mignon de bœuf avec du grué de cacao.

Quand on veut marier une viande avec du chocolat, il faut aller chercher un profil de saveur. Le chocolat noir de qualité apporte au plat soit de l’amertume, soit un côté fruité, floral ou boisé.

 

Attention, toutefois : toutes les viandes ne se conjuguent pas bien avec le chocolat. « Je déconseille les viandes blanches, comme le veau, de même que le bœuf frais, dit le chef, car ils n’ont pas un goût assez prononcé pour supporter le chocolat. Par contre, de belles pièces de viande rouge vieillie ou du gibier se marient bien au chocolat noir. » Il est donc possible d’intégrer du chocolat dans une recette de bison, de wapiti, de chevreuil, d’orignal ou de canard mulâtre. M. Halbmeyer propose par exemple de remplacer, dans une sauce au vin rouge qui peut accompagner ces viandes, le beurre utilisé habituellement par une portion (40 %) de chocolat noir, en fouettant la sauce pour bien l’émulsionner.

Le chef suggère également de saisir une pièce de bœuf vieilli dans du beurre de cacao, avant de l’accompagner d’une garniture de carottes glacées au whisky, à l’érable et au grué de cacao. « Le goût du bœuf ne sera pas changé par le beurre de cacao, qui est neutre, indique-t-il. Mais comme on peut faire chauffer ce gras à une température supérieure à celle de l’huile, on obtiendra une meilleure caramélisation de la viande, tout en conservant ses sucs. »

L’heure du thé

« On a du mal à penser au thé autrement qu’à la fin d’un repas, pour aider à la digestion. Pourtant, la chaleur d’un thé avec du chocolat donne des résultats très intéressants ! » indique Delphine Gingras, qui travaille au sein du groupe Camellia Sinensis. Cette entreprise, qui est une référence dans le domaine du thé au Québec, s’intéresse d’ailleurs à ce mariage gustatif depuis 2002, avec des créations telles que des truffes au matcha ou des chocolats contenant des feuilles de thé.

Photo: Mathieu Dupuis Selon Delphine Gingras, le chocolat noir est celui qui est le plus difficile à marier avec le thé, en raison de son amertume. 

Pour avoir elle-même fait de nombreux tests de thés avec des chocolats, Mme Gingras a découvert qu’il y avait deux manières de les accorder : « Soit on leur trouve des arômes en commun, soit leur fusion fait apparaître de nouvelles notes aromatiques. » C’est le cas par exemple des thés corsés, qui se marient bien avec le chocolat au lait. « Un thé noir avec une bonne charpente va couper le sucre du chocolat et apporter un côté désaltérant à la dégustation. »

Selon l’experte, le chocolat noir est celui qui est le plus difficile à marier avec des thés, en raison de son amertume. Toutefois, avec des thés grillés et torréfiés de type oolong, l’accord est parfait, semble-t-il. « Je le recommande même à des débutants ! » indique l’animatrice et conférencière. Le chocolat blanc, pour sa part, accompagne bien des thés grillés et beurrés, comme le Dong Ding taïwanais. Enfin, pour les adeptes du thé vert, Mme Gingras recommande des chocolats au caramel salé. « Combiner le sel et le côté herbacé fonctionne très bien », dit-elle.

Et comment déguste-t-on tout cela ? « Je conseille tout d’abord de goûter au thé, pour vérifier s’il est bien infusé, puis de prendre une bouchée de chocolat, que l’on mêle immédiatement avec une gorgée de thé pour le faire fondre en bouche. Le résultat est à la fois onctueux et parfumé, c’est délicieux ! Après, on répète l’opération, ou bien on mise sur la rétro-olfaction en prenant juste du thé si le chocolat est terminé. » Une dégustation bien prometteuse !

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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