Claudette et Marie-Josée Taillefer, un duo mère-fille inspirant
Collaboration spéciale, cariboumag.com

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs
Une bonne dose de simplicité, un soupçon d’avant-gardisme, deux cuillerées à soupe de franche camaraderie : voilà la recette gagnante de Claudette et Marie-Josée Taillefer, duo mère-fille qui a inspiré plus d’une Québécoise en cuisine.
Pour bien des Québécoises (« et Québécois », affirment les principales intéressées) des années 1990, elles formaient le charismatique tandem qui entrait chaque matin dans plus de 300 000 foyers grâce aux émissions Bon appétit et Taillefer et fille, diffusées à TVA de 1989 à 1999.
Les représentants de la génération X (tel l’humble auteur de ces lignes…), eux, auront connu Claudette et Marie-Josée Taillefer de la même façon — merci, journées pédagogiques et congés d’école pour cause de maladie ! —, avant d’hériter des boîtiers de fiches recettes (vendus à plusieurs milliers d’exemplaires) et des livres du duo que leur léguait leur tendre maman au moment de quitter la maison. Autres temps, autres mœurs…
Aucun doute : les deux animatrices ont laissé leur marque sur la population québécoise, et plus particulièrement sur les femmes. Sont-elles seulement conscientes de ce rôle de précurseures ? Entrevue dans le rétroviseur.
Comment vous êtes-vous retrouvées à animer une émission ensemble ?
Claudette : Au début de ma carrière, j’étais styliste culinaire et je collaborais à une émission de Suzanne Lévesque à la radio, ainsi qu’à des émissions de télé : Les recettes de Juliette [Huot] à Radio-Canada, Les trouvailles de Clémence [DesRochers]… Marie-Josée, ma grande ado, était mon assistante pour cette émission.
Marie-Josée : Oui ! Je coupais des carottes. [rires] Plus tard, j’ai fait un bac en éducation physique ; j’ai toujours eu un intérêt pour la santé. J’ai suivi tous les cours de nutrition que j’ai pu à l’université… À un moment donné, à l’époque où j’animais Samedi magazine à TVA et où j’étais chroniqueuse télé, on s’est retrouvées autour de la table en famille, ma mère et moi, et on s’est dit : « On ferait un mosus de bon show ensemble. » Et comme par hasard, la chaîne nous a offert une émission de cuisine, trouvant qu’on avait une belle complicité.
C. : Sur le coup, on n’a pas réalisé la portée que ça allait avoir ; on faisait juste en parler, comme ça, pour le plaisir…
M.-J. : Tellement que lorsque l’offre est arrivée, ça nous a ébranlées… On y a longuement réfléchi, parce qu’on avait une bonne relation mère-fille, et travailler ensemble, c’est une autre dynamique.
C. : On se disait que la cuisine, c’est quelque chose de trop joyeux, de trop amusant pour prendre le risque de se stresser dans ce qu’on aimait le plus faire ensemble.
M.-J. : Mais après mûre réflexion, on a plongé… et on ne l’a jamais regretté !
Comment étiez-vous perçues à l’époque, selon vous ?
M.-J. : On a senti que les gens nous ont aimées spontanément. En toute humilité, on battait tous les records, tous magazines confondus. Les épiceries de partout manquaient de boîtiers de fiches recettes…
C. : Écoute, les bouchers nous disaient : « Avertissez-nous avant de faire vos recettes ! » Quand on décidait de cuisiner des côtes levées à l’émission, le lendemain, tout le monde voulait en faire.
M.-J. : Question d’époque… C’était un lien direct, dans le moment présent, avec le public.
C. : Moi, je m’imaginais qu’on entrait directement dans la cuisine des gens. Et s’il y a une place remplie de chaleur et de vie, un endroit où les enfants sont présents, c’est bien là : c’est le cœur de la maison. Dans le fond, Marie, notre vie faisait partie de la leur…
Que sentiez-vous que vous apportiez aux femmes ?
M.-J. : La liberté et la démocratisation de la cuisine. On a fait partie d’un cheminement, d’un processus alimentaire ; c’est l’époque où la cuisine a explosé.
C. : On découvrait tout en même temps qu’elles, et on n’avait pas peur de le dire. On le montrait à l’écran.
M.-J. : Le vinaigre balsamique, le cari, le feta, le lait de coco… au Québec, on commençait à s’ouvrir à la cuisine du monde. Par exemple, à l’émission, on s’est dit fini, les herbes sèches dans les recettes ; place aux herbes fraîches ! Si on veut qu’elles soient offertes en épicerie, il faut les utiliser devant la caméra. Alors, on avait toujours un bouquet de basilic frais sur le comptoir, bien visible à l’écran. On visitait les cultivateurs…
C. : Les marchés, Marie ! L’été, on ne peut pas se permettre d’acheter ailleurs que dans les marchés !
Quels sont vos modèles féminins ?
C. : Ma mère, bien sûr ; c’était une femme tellement évoluée pour son temps ! Sinon, j’ai eu la chance de travailler avec des femmes que j’ai admirées : Jehane Benoît, Clémence DesRochers, Suzanne Lévesque, Josée di Stasio [qui était à l’époque au cœur de l’équipe de Bon appétit]… Puis Marie-Josée Taillefer, évidemment. [rires]
M.-J. : Nos modèles ne sont jamais bien loin ! De mon côté, je ne peux évidemment pas passer à côté de ma propre mère, qui a été une des premières stylistes culinaires du Québec. Elle a presque inventé la profession… Je revenais de l’école et je trouvais 10 dindes cuites dans des chaudrons, ou 50 tartes — ce ne sont pas des blagues, là ! — réparties un peu partout dans la maison, prêtes à être photographiées, avec des papiers « Ne touchez pas ! » Mais, au-delà de ça, je dirais que ma mère est bonne dans l’ombre comme dans la lumière. Encore aujourd’hui, on a le goût d’être avec elle, d’avoir son opinion… Les gens s’arrachent ma mère !
Aujourd’hui, comment percevez-vous la place des femmes en cuisine ?
M.-J. : Elles sont encore omniprésentes ! On trouve beaucoup de femmes derrière les hommes chefs, mais peu l’inverse. Pourtant, il y a des femmes extraordinaires dans ce domaine : pensons à Anne Desjardins…
C. : Ah, mon Dieu, tellement !
M.-J. : … qui a eu son restaurant pendant 34 ans tout en ayant une famille ; à Helena Loureiro ; à Colombe St-Pierre ; à Marie-Fleur St-Pierre ; à Marie-Chantal Lepage.
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