Cuisiner local d’un continent à l’autre

Samuel Larochelle Collaboration spéciale
Le chef Frédérick Boucher, dans les Jardins de Métis
Photo: Nancy Guignard Le chef Frédérick Boucher, dans les Jardins de Métis

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Quand il a commencé à cuisiner à l’adolescence, Frédérick Boucher ne se doutait pas qu’il travaillerait un jour en France et que son expérience auprès d’un chef de Lille misant sur l’approvisionnement « extrêmement local » allait le pousser à implanter cette vision aux Jardins de Métis, situés à quelques minutes de la maison de son enfance.

Après des études à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec et plusieurs expériences dans des restaurants montréalais (Pastaga, Laloux, Newtown), Frédérick Boucher a proposé à deux amis, un cuisinier et une sommelière, qui ouvraient des restaurants éphémères partout dans le monde, de travailler avec eux durant trois semainesà Paris. « Je voulais découvrir la scène culinaire parisienne et vivre l’expérience d’un restaurant éphémère. »

Quelques années plus tard, son chemin s’est poursuivi dans les Hauts-de-France, une région du nord dupays, où il a été engagé au Bloempot,un restaurant de Lille qui s’approvisionne à moins de 50 kilomètres et dont le menu est délesté d’ingrédients qui ne sont pas cultivés ou produits dans la région, comme le poivre, l’huile d’olive, le chocolat et même… le café. « On a remplacé le café par un mélange de tournesol, de malt et de chicorée, qui rappelait le goût du café, se souvient M. Boucher. Au début, ça n’a pas plu à tout le monde, mais le produit a fini par prendre sa place. La clé pour convaincre les gens d’essayer des plats remaniés est d’utiliser une référence qu’ils ont dans leur alimentation traditionnelle et de l’adapter au local avec d’autres ingrédients. »

À l’automne 2018, quand il a commencé à réfléchir à prendre la direction des Jardins de Métis, aux portes de la Gaspésie, le Québécois, alors expatrié, a fait des recherches sur les producteurs gaspésiens pour voir s’il pouvait à son tour favoriser le local. Dès son entrée en poste, au printemps 2019, il a voulu pousser l’approvisionnement local un cran plus loin. « Ça va se faire graduellement. À Lille, le chef a mis dix ans avant d’aller au bout de ses transformations. Je ne veux pas retirer le café des menus, mais utiliser plus de produits qui poussent dans les jardins et dans la région. »

Devenir autosuffisant

 

Né à Price, un village situé à cinq minutes en voiture de son nouvel emploi, Frédérick Boucher avait une image surannée des Jardins avant de les redécouvrir. « Dans ma tête, c’était seulement des jardins de fleurs bucoliques, mais j’ai constaté qu’il y avait aussi un côté gastronomique très développé dans les restaurants, y compris des plantes comestibles et des herbes cultivées sur place. On n’est pas encore autosuffisants à 100 %, mais on pourrait le devenir. »

Ses ambitions se font tout particulièrement sentir dans la gestion du restaurant gastronomique de la Villa Estevan.

 

Le chef de 36 ans y cuisine entre 150 et 200 végétaux cultivés pour la plupart dans un rayon de dix kilomètres. « L’avantage de travailler avec des producteurs maraîchers locaux, c’est qu’on peut se parler pour développer de nouveaux produits. J’aimerais aussi relancer le potager qu’il y avait au début des Jardins et avoir une équipe de maraîchers sur place. »

Photo: Nancy Guignard Frédérick Boucher incorpore dans ses assiettes des fleurs cultivées aux Jardins.

Bien qu’il travaille dans une région côtière, il a plus de facilité à s’approvisionner auprès de producteurs de bœuf, de poulet, de porc et de canard qu’à trouver des poissons et des fruitsde mer. « Le Saint-Laurent a 93 espèces comestibles, mais on doit améliorer la chaîne de distribution. Présentement, les produits de qualité supérieure sont pêchés en Gaspésie et voyagent vers Québec et Montréal, avant de revenir chez nous. Il faut éduquer les gens à manger local et à découvrir plus d’espèces. »

Peu à peu, il incorpore dans ses menus des fleurs cultivées aux Jardins, une pratique mise en place par son prédécesseur, Pierre-Olivier Ferry. « J’ai apprivoisé tout ça en arrivant ici et j’ai trouvé ça très intéressant. Mon but n’est pas de mettre des fleurs dans l’assiette juste pour que ce soit beau, mais parce qu’elles ont bon goût. »

Sa passion pour l’approvisionnement local semble faire bien des heureux en région, tant chez les gourmands que chez les producteurs. « Depuis 18 mois, je rencontre les producteurs et je développe des relations avec eux. Ils ne pourraient pas être plus contents qu’on mette leurs produits en avant. »

Trois fleurs comestibles prisées par le chef

Les feuilles de capucine : un goût poivré très agréable dans un sorbet sucré.

 

Les fleurs de tagète : un goût d’orange amère exceptionnel dans une tartelette avec un crémeux à la courge musquée.

 

Les fleurs de calendula : un goût de citron très intéressant dans une mise en bouche avec de la mayonnaise et du tournesol.

 

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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