Avant le restaurant, les petites mains se débattaient autour du fil de coton et de la vieille machine Singer. Plus tard, après des tonnes de gravats et un sérieux coup de torchon, Apollo Giovanni est né. Son restaurant moderne ressemble à première vue à un grand laboratoire alimentaire joliment organisé où on peut apercevoir aux premières loges une magnifique cuisine immaculée qui répond aux normes d'un grand restaurant (et au trip du chef, comme il aime à le dire).

Le décor, sobre mais de bon goût, illustre bien la cène qui s'y prépare: plancher de bois et briques teintes de blanc supportant les magnifiques traits de crayon de Jeffrey Rosemberg visibles en gravures. Le mobilier, d'esprit moderne et branché, propose d'emblée un voyage énigmatique pour les sens. Le menu consiste à nommer sur un grand tableau noir des produits qui se déclinent en quatre ou cinq services variant autant par le goût que par la forme des chefs-d'oeuvre de présentation des plats. On pourrait aisément s'imaginer à Barcelone, à Paris ou à New York bien que nous soyons, Hélène et moi, à l'entrée de la Petite-Italie, boulevard Saint-Laurent, à Montréal.

Hélène est une amie de toujours qui aime les découvertes et s'anime à l'arrivée des différents tableaux. Les thèmes changent tous les jours; on propose quatre ou cinq suggestions en entrée, six ou sept en plats principaux et cinq ou six au dessert. Ce soir-là, nous avions, en premier plat, l'épinard, le poivron, l'oeuf, heureux élu de notre entrée qui se présentait comme un tableau, une ode à l'oeuf et à ses vertus gastronomiques. Sur un plateau de bois, présentés comme des tapas: oeuf coque au caviar du Témiscamingue, petite quiche au gruyère, salade fine et oeufs de caille pochés, frittata avec pommes de terre. Un bonheur d'équilibre et de saveurs que nous avons tous deux apprécié.

Le choix était par la suite difficile pour le plat principal entre le saumon biologique, le flétan, l'oie, le porc, le caribou, le lapin et une ou deux surprises du jour, cueillette du marché ou de la visite du chef à la poissonnerie La Mer. Notre choix, le flétan, était présenté avec entrain et magnificence par un service impeccable et professionnel.

Giovanni maîtrise son art et son métier sans questionnement possible. Son talent de chef émérite se retrouve dans la justesse des cuissons, le dosage des épices et surtout l'absence d'artifices inutiles sur les plats. On aime le style tapas, une découverte de petites portions saveurs déclinées en fumet, rôti avec foie gras et chanterelles, poché avec un jus court et petite salade, ou bien on déteste l'équilibre et l'expérience sensitive et on se précipite en sortant pour manger un steak de 16 onces d'une seule pièce avec pommes de terre et sauce au poivre. Le flétan, accompagné de petits légumes et d'une garniture à l'image des plats servis, était divin.

Apollo a volontairement occulté le permis d'alcool dans son restaurant, ce qui évite la vente sur place. Et cela oblige les convives à apporter de bonnes bouteilles dignes d'une telle table, qu'on prend soin de carafer. Il est presque dommage, toutefois, d'avoir le souci de penser à la dive bouteille, indiscutable accord pour un repas gastronomique.

Notre choix de desserts était exposé comme suit: chocolat, pistache, citron, mandarine. En oubliant les fromages, c'était en fait le choix du chef: un mélange d'extraordinaires macarons moelleux et fondants, de petites mousses et de petits fruits, d'une tarte à la confiture de lait et d'une crème glacée irréprochable. Point de collant sous le palais en dégustant les macarons, très mode et tendance. Une délicatesse dans le dosage du sucre et le partage des saveurs. Un voyage parmi les cinq sens et le plaisir d'apprécier de tels plats en charmante compagnie.

C'est parti pour Apollo Giovanni, qui offre aussi depuis trois mois un service de traiteur à domicile avec la même rigueur que celle de ce beau et bon restaurant.

- Apollo, 6389, boulevard Saint-Laurent, Montréal, Tél: (514) 703-9503

- Prix payé pour deux personnes, avec quatre thèmes choisis, sans le service, taxes et une bouteille d'eau comprises: 84,32 $.

- Plus: la créativité et la qualité des plats servis, l'ambiance et l'originalité du concept.

- Moins: le manque de serviettes de coton pour un tel établissement et l'obligation de penser à apporter son vin.

Collaborateur du Devoir