Le parc Frédéric-Back, ou la reconquête écologique d’un dépotoir

Les sphères dispersées sur le site du parc Frédéric-Back servent à protéger les puits de captation des biogaz qu’émettent les déchets enfouis.
Photo: Ville de Montréal Les sphères dispersées sur le site du parc Frédéric-Back servent à protéger les puits de captation des biogaz qu’émettent les déchets enfouis.

On le vante par sa vastitude — une superficie à terme, en 2025, de 153 ha, soit la moitié de Central Park et environ les deux tiers du parc du Mont-Royal — et parce qu’il est « le plus ambitieux projet de réhabilitation environnementale jamais entrepris en milieu urbain en Amérique du Nord ». Le parc Frédéric-Back, dans l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, sur les lieux de l’ancienne carrière Miron et du site d’enfouissement qui y a ensuite pris place, est un hommage à la métamorphose.

« On a beaucoup de ciel, c’est un des rares parcs à Montréal où les arbres ne bloquent pas la vue. Au coucher du soleil, il y a des spectacles de couleurs, de nuages… On a l’impression d’être à la campagne », évoque l’architecte paysagiste du Service des grands parcs de la Ville de Montréal Lauchar Kek. Le parc Frédéric-Back, même s’il offre une topographie irrégulière, semble parfait pour étrenner les cerfs-volants.

Deux secteurs du parc, totalisant 17,7 ha, ont été rendus accessibles au public et inaugurés le 26 août dernier. À l’est, la section du boisé est composée pour l’instant de 450 jeunes arbres qui deviendront grands. Un chêne, planté en hommage au célèbre artiste, illustrateur et cinéaste Frédéric Back, surmonte le point le plus élevé du site, une colline qui ne laisse pas soupçonner les 70 mètres de déchets enfouis, et maintenant recouverts de verdure, qui la constituent.

Photo: Andréanne Chevalier Le Devoir L’œuvre d’Alain-Martin Richard évoque le passé du site et sa vocation environnementale.

De ce point, on peut voir au loin la tour du Stade olympique et le mont Royal. Autour, l’espace couvert de rudbeckies, de pavots de Californie et de graminées est vaste. D’étranges boules ornent le terrain et lui confèrent une petite touche surréaliste.

Ces sphères dispersées sur le site servent à protéger les puits de captation des biogaz qu’émettent les déchets enfouis, explique M. Kek. Leur forme inusitée a une fonction aussi esthétique que pratique sur un sol à risque de se tasser et de bouger, compte tenu de sa nature. « Si le sol bouge, le rond demeure, et on ne voit pas que c’est croche, ce qui serait visible avec une boîte linéaire », précise l’architecte paysagiste.

Un parc « zéro déchet »

Situé dans le Complexe environnemental Saint-Michel, où se trouvent notamment la Tohu, le TAZ et le Stade de soccer de Montréal, mais aussi un centre de tri et des sites de compostage, le parc Frédéric-Back se veut la première expérience de parc « zéro déchet » de la ville, affirme M. Kek.

« Étant donné que le site a reçu 40 millions de tonnes de déchets, on veut essayer de sensibiliser les gens au fait que ça sera une nouvelle façon de voir la consommation. » Ainsi, les visiteurs devront garder leurs déchets avec eux jusqu’à ce qu’ils regagnent la périphérie du site, où les poubelles seront disposées.

Le bois des frênes abattus par la Ville à cause de l’agrile sert au mobilier, le compost tiré des feuilles des arbres enrichit les sols utilisés, issus des chantiers d’excavation de l’île, et le gravier composant les sentiers provient de l’écaillage des falaises. En tout, 85 % des matériaux utilisés pour le parc ont été recyclés ou revalorisés.

Pour réduire l’entretien et l’arrosage du site, la végétation choisie est en grande partie indigène. Aucune pelouse. « Certaines personnes nous demandent quand on va tondre ou planter du gazon. Les gens ne sont pas habitués à se promener dans un parc où les prés sont fleuris. Ils sont un peu déstabilisés », fait remarquer Lauchar Kek.

Signe que la nature reprend déjà sa place dans le parc : les mystérieux tournesols. « Ils sont apparus “bizarrement” le long des sentiers. On ne sait pas d’où ils viennent ! » lance M. Kek.


Programmations spéciales

« Quand on ouvre un parc comme ça, ce qui est génial, c’est que c’est pour les prochaines générations. Il y a quelque chose d’extrêmement généreux dans le fait de protéger cet espace et de le rendre accessible », croit le directeur général et de la programmation de la Tohu, Stéphane Lavoie.

La Cité des arts du cirque, établie sur le site du Complexe environnemental Saint-Michel qui englobe le parc Frédéric-Back, propose Découverte 24/4 (tohu.ca/fr), une programmation de 24 heures d’activités dans le parc, dès samedi midi, pour faire connaître son nouveau voisin.

Spectacles, jeux, contes, marche nocturne (une activité normalement interdite en regard des heures de fermeture des parcs), yoga, ateliers de danse, de cirque et de skateboard sont organisés pour cet événement, qui s’inscrit dans le cadre du 150e anniversaire du Canada. Des chanceux peuvent aussi remporter une nuit de camping urbain, tente fournie, grâce à un concours sur Facebook (facebook.com/LaTohu).

La Ville de Montréal, qui a amorcé septembre avec des activités spéciales au parc le samedi — dont une programmation musicale, des ateliers de tam-tam et des épluchettes de blé d’Inde —, continue sur sa lancée jusqu’à la fin du mois. Le 23 septembre sera l’occasion d’y faire gratuitement un tour de grande roue.

À noter que des navettes gratuites seront offertes à partir des métros Iberville et Jarry pour les événements des 23 et 30 septembre.


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