Alpha Thiam, ou l'identité retrouvée

De tous les musiciens qui se produiront jusqu’à samedi à La Tohu, Alpha Thiam est sans doute le moins connu du public montréalais. Il est pourtant celui qui cache le bagage le plus impressionnant : plus de 40 ans de carrière en Guinée, au Mali, au Sénégal et au Liberia ; une histoire associée à plusieurs pointures d’Afrique de l’Ouest et un vécu à Montréal depuis 2005.
Avant son arrivée ici, il métissait des musiques africaines avec la pop, le rock et le blues occidentaux, mais depuis 2010, il a fait paraître deux disques plus roots, dont Transhumance, le nouveau. Il en proposera des titres samedi à la Tohu avec la joueuse de kora Estelle Lavoie.
Estelle fut l’élève d’une autre koriste montréalaise : Nathalie Dussault, la pionnière qui s’est associée à Alpha Thiam dès son premier projet montréalais. Il parle d’elle : « Je ne connais que deux femmes qui jouent de la kora et je les ai vues sur YouTube. Nathalie a une très grande culture en kora. Elle connaît l’instrument dans la culture guinéenne, malienne, sénégalaise et gambienne. »
Mais il y a plus, dans cette relation entre les deux artistes qui jouent ensemble sur les deux disques montréalais de Thiam. Il raconte : « En Afrique, cette musique doit être jouée par les griots, ce que je ne suis pas, mais de voir Nathalie jouer la musique traditionnelle de chez moi, je me suis dit : “Pourquoi je n’irais pas chercher dans mon intérieur ?” Ça m’a donné mon identité africaine. C’est ici que je l’ai découverte. »
Au Mali, c’est moi qui ai lancé les spectacles dans les cinémas avec mon groupe Les Sofas. C’était juste après l’indépendance dans les années 1960. Avant ça, la musique se faisait dans les bals.
En Afrique, l’auteur-compositeur composait moins qu’ici. Mais, avec son expérience de chanteur-guitariste, il pouvait jouer dans n’importe quelle salle et monter des groupes selon les circonstances.
Son parcours est particulièrement riche, et l’essentiel de sa carrière passe par le Mali : « Là-bas, mes maîtres étaient les anciens Ambassadeurs. Parce que Salif Keita les a remplacés avec d’autres musiciens. Ils ont pris leurs noms, mais les premiers Ambassadeurs venaient de Côte d’Ivoire. Quand ils ont quitté le Mali, ils sont partis vers le Liberia. »
Cette partie de l’histoire de l’un des plus importants orchestres d’Afrique de l’Ouest, on ne la connaissait pas.
Dans le milieu, les anecdotes d’Alpha Thiam sont légendaires. Il poursuit : « Au Mali, c’est moi qui ai lancé les spectacles dans les cinémas avec mon groupe Les Sofas. C’était juste après l’indépendance dans les années 1960. Avant ça, la musique se faisait dans les bals. »
À Bamako, à une certaine période, le grand balafoniste Kélétigui Diabaté venait jouer du saxophone et du violon, pendant qu’il s’intéressait beaucoup aux Stones et à plusieurs guitaristes occidentaux comme Keith Richards, Jimi Hendrix et George Benson, qui l’ont beaucoup influencé.
Mais il n’avait pas perdu de vue pour autant les grands inspirateurs des cordes africaines : Sekou Bembeya Diabaté, du fameux Bembeya Jazz, et Djelimady Tounkara, du non moins célèbre Rail Band.
Un jour, Tounkara lui a dit : « Tu vas regretter de ne pas jouer ton folklore. » Et Alpha Thiam a retenu ses enseignements. En plus d’aider un jeune guitariste prometteur qui avait pour nom… Habib Koité, et de collaborer avec les Salif Keita, Amadou et Mariam, Cheick Tidiane Seck, Labah Sosseh du groupe Africando… La liste est longue.
Sur Transhumance, on retrouve cette sagesse et ce caractère souvent introverti propres à la musique peuhle dont il est issu, lui, le Toutcouleur d’origine noble.
Pour l’accompagner, Lasso Sanou, le percussionniste qui laisse aussi transparaître des sons déchirants au bout de sa flûte peuhle, son comparse percussionniste Madou Koïta et Cédric Dind-Lavoie, qui assure également la réalisation. « Celui-là, je le verrais même dans un studio en Afrique », soutient Alpha Thiam.
Alpha Thiam - Landji
La Falla

Zekuhl. Ils joueront pour les falleros, ces jeunes en démarche d’intégration socioprofessionnelle qui sont parrainés par l’UNESCO et aidés par 200 bénévoles du quartier Saint-Michel. Ils s’inspirent d’une tradition de Valence, en Espagne, et ont construit une structure de plus de neuf mètres de hauteur. Comme chaque année, l’oeuvre sera brûlée samedi à la tombée du jour.