La petite Floride du Mile-End

Un autobus scolaire a été aménagé pour pouvoir se réchauffer, prendre un café, une soupe…
Photo: Charles-Olivier Bourque Un autobus scolaire a été aménagé pour pouvoir se réchauffer, prendre un café, une soupe…

Depuis le début de décembre, le coeur du Mile-End se réchauffe au rythme de La petite Floride. Dernière-née de la prolifique Pépinière, l’organisme derrière les bien connus villages au Pied-du-Courant et Jardins Gamelin, cette nouvelle aire commune invite les résidants du quartier et les autres curieux de passage à se réapproprier l’hiver.

Alors que Montréal fourmille d’activités tout au long de la belle saison, papillonnant d’un festival à l’autre, les flocons semblent plutôt synonymes d’une douce léthargie pour la métropole et ceux qui l’habitent. Frigorifiés, on s’encabane, préférant de loin la chaleur douillette de nos demeures aux rigueurs imprévisibles de notre climat capricieux.

Qu’à cela ne tienne. Cette année encore, La Pépinière récidive, conviant les snowbirds urbains à migrer vers La petite Floride, un nouvel espace de vie en plein coeur du Mile-End.

Inauguré le 2 décembre dernier, alors que la neige se faisait toujours désirer, cet îlot de chaleur éphémère borde aujourd’hui les pourtours de la patinoire de quartier qui prend racine depuis des années tout au bout de l’avenue De Gaspé. Située à l’épicentre du populaire quartier montréalais, à un jet de pierre du Champ des possibles, La petite Floride s’offrira, jusqu’aux limites de la saison froide, à ceux qui souhaitent s’adonner en toute quiétude aux plaisirs hivernaux.

Au menu ? Patin libre, soirées dansantes, ballon-balai, batailles de boules de neige… les possibilités sont à la limite de l’imagination de ceux qui occuperont l’espace, que ce soit le temps d’un après-midi ensoleillé ou à l’aube d’une nuit glaciale. « Nous ne voulions pas nécessairement créer un cadre précis, explique Jérôme Glad, cofondateur de La Pépinière. Le but était de donner à cette patinoire [qui relève de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal] un côté plus chaleureux », cette touche de magie si caractéristique des aménagements de la petite boîte de design urbain.

Pour y arriver, l’équipe a agrémenté les installations municipales d’alcôves colorées, offrant ainsi aux amateurs de patin à glace et autres flâneurs des cocons protecteurs pour renfiler ses bottines ou simplement pour se réchauffer quelques minutes.

Des guirlandes scintillantes et du mobilier urbain ont également été posés ici et là, conférant à l’espace un côté plus accueillant. Non loin de la patinoire, un autobus scolaire — bus magique nouveau genre — a été converti en salon de jeux où il sera notamment possible de se réchauffer durant les heures d’ouverture devant un bol de soupe, un verre de vin chaud épicé ou une tasse de chocolat fumant.

Conçue comme un espace de quartier, La petite Floride diffère donc légèrement des installations temporaires auxquelles nous a habitués La Pépinière depuis ses débuts. Contrairement à ses populaires créations estivales, sa petite dernière se veut un brin plus intime, le côté « festivalier » ayant été complètement mis de côté.

Ainsi, alors que le Village éphémère, campé au bord du fleuve Saint-Laurent à l’ombre du géant Jacques-Cartier, attire l’été une foule de curieux venus des quatre coins de la ville, cet îlot hivernal risque, selon Jérôme Glad, de faire plutôt la joie des résidants du quartier.

Il faut dire que le caractère atypique, quasi villageois, du Mile-End aide beaucoup à cette appropriation spontanée. « Il y a un côté magique ici, avance le designer urbain. Une forte conscience de ce qui est commun, comme si la mobilisation communautaire était naturelle. C’est une chose sur laquelle on aimerait — on souhaiterait — compter partout où on va. »

Photo: Charles-Olivier Bourque Une scène d’hiver projetée sur un mur de l’avenue De Gaspé à Montréal.

« L’infrastructure est là, le modèle, lui, va se raffiner tout au long de la saison, note le jeune professionnel. C’est pour cette raison également que la programmation est aussi légère. Elle se développera au gré des envies, des attentes, des besoins des gens qui habitent à proximité et qui vivront vraiment cet espace. C’et une sorte de laboratoire. »

Et qui sait ce que l’hiver nous réserve ? « S’il y a beaucoup de neige, on pourra faire des forts ou peut-être une butte pour glisser. On apprendra à vivre le site au même rythme qu’on apprivoise le climat changeant, au jour le jour. »

Discussion hivernale

 

Mais, plus qu’un simple espace de jeu, La petite Floride se veut, au même titre que le village au Pied-de-Courant est chaque année un espace de dialogue sur l’usage des terrains vacants, une occasion in situ d’amorcer une discussion autour de notre rapport à la ville en hiver. Une réflexion que l’équipe avait d’ailleurs déjà entamée avec Hivernale, cet autre espace temporaire qui avait pris forme au pied du Stade olympique en 2015.

« Les Montréalais, et plus largement les Québécois, ont un rapport ambigu vis-à-vis l’hiver, avance Jérôme Glad. Ils sont tout à fait prêts à sortir dehors le temps d’un événement ou d’un festival, comme la Nuit blanche ou l’Igloofest, mais le font-ils vraiment pour flâner à l’extérieur ? Peut-être pas encore. C’est clair, par contre, que la discussion est enclenchée. »

À ce titre, on ne peut être que d’accord avec lui, les échanges et autres événements thématiques portant sur la nordicité s’étant multipliés au cours des dernières années. « Ça ne veut pas dire, toutefois, qu’il faut s’arrêter là. Maintenant, on doit trouver une façon de les attirer dehors le temps d’une simple soirée, trouver le prétexte qui mettra fin à cette envie d’hiverner. »

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