Mode durable et locale: une autre philosophie vestimentaire

Local et durable : deux qualificatifs qui ne vont pas forcément de soi lorsque vient le temps de composer sa garde-robe, en particulier sur la petite scène mode du Québec. C’est surtout pour briser ce « paradigme » que la fondatrice de la Fabrique éthique, Sonia Paradis, a voulu documenter en un seul livre toute la chaîne de production de la mode écoresponsable locale — depuis ses matières brutes et ses approches de création jusqu’à la philosophie de ses artisans.
Le titre, déjà, donne une idée de l’objectif poursuivi : Porter le changement. Autoédité et d’abord conçu à des fins documentaires pour les étudiants en mode, que l’auteure côtoie lors de conférences et d’ateliers sur les enjeux de l’écoconception, le livre met de côté la dénonciation pure et dure de la « fast fashion » pour plutôt vulgariser le cycle de vie d’un vêtement — relativisant au passage les idées reçues sur la mode durable au Québec, souvent jugée introuvable, excessivement chère et trop typée.
« C’était important que ce soit fait pour l’industrie, et pour que les gens comprennent ce qu’ils appuient s’ils achètent des vêtements éthiques,avance, en entrevue, l’auteure Sonia Paradis. Il faut soutenir ceux qui portent le message pour que ça devienne un mouvement, qu’on se mobilise et qu’on avance. C’est un peu pour dire : local, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. »
Déjà que l’industrie de la mode compte une panoplie d’intermédiaires, avec la production éthique vient un travail autrement plus fastidieux — chose parfois « décourageante », observe l’auteure, surtout dans un contexte d’économie fragile où chaque choix vert représente un coût. « Les enjeux sont complexes, il y a plein d’axes d’intervention. Chaque designer doit choisir ce qu’il priorise et faire des compromis dans son idéal, parce que ça reste un produit de consommation. »
Choix des fibres, techniques de teinture, modes de production, entretien des tissus, recyclage des vêtements : Porter le changement explique autant les philosophies de la mode éthique qu’il en analyse les impacts sur l’environnement. À chaque section explicative se greffent, en outre, des entretiens réalisés avec des créateurs québécois, comme Öom, Abaka, Leinad Beaudet, La Gaillarde, Noujica et Pas de chichi.
L’auteure ne s’en cache pas : le livre est aussi un moyen de faire la promotion de ces designers à la production plus marginale, dont la visibilité se limite parfois au bouche-à-oreille, aux ventes d’ateliers et aux réseaux sociaux.
« J’ai voulu souligner leur contribution, leur interprétation [de la durabilité] et les solutions qu’ils ont trouvées, explique l’auteure. Pour inspirer et outiller la relève. »
Au bout de la chaîne ? Ici aussi, le consommateur — d’autant plus important qu’il est lui-même une variable dans l’équation lorsqu’il est question de mode durable. « Le consommateur est garant de l’existence d’un vêtement par ses méthodes d’entretien, par la façon dont il le répare ou s’en défait, insiste Sonia Paradis. Il a un énorme pouvoir tout au long du processus. Et souvent on néglige cet aspect-là. »