Les fantômes du Vieux

Quelque 2500 personnes se prêtent à la chasse aux fantômes chaque année, autant des touristes que des résidants, qu’ils soient en solo, en famille ou en groupe.
Photo: Guidatour Quelque 2500 personnes se prêtent à la chasse aux fantômes chaque année, autant des touristes que des résidants, qu’ils soient en solo, en famille ou en groupe.

Avec ses rues sinueuses et ses bâtisses d’une autre époque, la vieille ville de la métropole se prête bien aux histoires imaginaires. L’organisme Fantômes Montréal l’a bien compris et propose, depuis près de 15 ans, de partir à la découverte d’un pan plus sombre du Vieux-Montréal.

 

Rue Saint-Paul, à deux pas des quais, la microbrasserie Les Trois Brasseurs aurait été jadis le théâtre d’événements sordides. À l’aube de la Première Guerre mondiale, un groupe de paysans aurait mis le feu à l’édifice pour protester contre leur expropriation. Malhabiles, ils se réfugièrent au dernier étage pour fuir le brasier… Ainsi prisonniers, ils périrent tous - certains dans les flammes, d’autres en se jetant par les fenêtres.

 

On raconte qu’ils rôdent toujours dans la bâtisse. « L’ancien gérant ne voulait plus fermer le restaurant tout seul, dit la guide Aniouta. Il disait qu’il entendait marcher aux étages supérieurs, alors que personne ne vit là ! »

 

Vêtue d’une robe d’époque, cheveux en bataille, la jeune femme raconte dans un français vieillot les histoires macabres du Vieux-Montréal. Les meurtres scabreux, disparitions mystérieuses et condamnations publiques qui ont marqué l’histoire du quartier alimentent les récits des guides de l’agence qui produit l’activité, Guidatour. « Certains événements ont vraiment eu lieu, souligne la présidente Louise Hébert. Il est possible de les retrouver dans les archives. »

 

Témoignages et rumeurs

 

Elle précise toutefois que son équipe ne s’inspire jamais de l’histoire récente, par respect pour les proches des défunts. « D’autres légendes sont tirées de témoignages ou de rumeurs. » C’est le cas, entre autres, de celles du Château Ramezay et de l’Auberge Saint-Gabriel.

 

Située sur la rue du même nom, l’auberge appartenait autrefois à un riche marchand de fourrures. « Pas riche pour rien, chuchote Aniouta. L’homme n’avait pas la réputation d’être honnête… » Une chose en attirant une autre, on raconte qu’un concurrent décida un jour de cacher un baril de poudre dans la maison du commerçant pour la faire exploser. « Ce qui est triste dans l’histoire, c’est que, ce soir-là, dans le grenier de l’Auberge Saint-Gabriel, la petite fille du riche marchand suivait sa leçon de piano avec son grand-père. » Ils n’en sont pas sortis vivants. Selon certains employés, il arrive parfois que des mélodies s’échappent du dernier étage, comme si quelqu’un y jouait encore du piano…

 

Pour la guide, rien n’est vraiment clair. « Ça pourrait être vrai ou pas. Moi, je ne fais que raconter ce que je sais », affirme-t-elle, toujours dans son personnage. Plus sérieusement et avec sa voix du XXIe siècle, elle explique que bon nombre de ces histoires lui ont été racontées par des gens qui travaillent sur place. « Avec le temps, j’intègre ces témoignages à mon tour. »

 

Inspirée des populaires mar ches aux fantômes anglophones, l’activité Histoires et légendes proposée depuis 1999 par Fantômes Montréal dure une heure et demie. « Le fondateur, Éric Poulin, avait participé à celle sur Jack l’Éventreur à Londres, explique Louise Hébert. Conquis, il a décidé de transposer cet univers morbide dans les rues du Vieux-Montréal. »

 

Les esprits qui hantent

 

Aujourd’hui, environ 2500 personnes se prêtent au jeu chaque année. Selon la présidente, sa programmation attire autant des touristes que des résidants, qu’ils soient en solo, en famille ou en groupe: « Les Montréalais sont les plus surpris. Il y a des gens qui travaillent tous les jours dans le quartier et qui nous disent que le circuit leur a permis de poser un nouveau regard sur les lieux. »

 

Pour les plus hardis ou les plus téméraires, Guidatour propose également une série de chasses aux fantômes présentées un peu à la manière de chasses au trésor : les participants sont invités à partir à la recherche des esprits qui hantent le quartier. « Contrairement aux circuits Histoires et légendes, ceux qui optent pour ces parcours partent à la rencontre des comédiens », note Louise Hébert. Ces derniers surgissent de temps à autre et racontent eux-mêmes l’histoire du revenant qu’ils interprètent.

 

C’est le cas de Marie-Reine, une paysanne accusée de sorcellerie et exécutée à l’époque de la Nouvelle-France. Au détour d’une ruelle du Vieux-Montréal, elle présente son récit. Cette petite vérole qui l’a fait hospitaliser pendant des semaines, cet amour perdu, cette jalousie dévorante qui l’aurait conduite à commettre l’irréparable…

 

Mais pour départager le vrai du faux, on ne doit pas compter sur l’équipe. « C’est ce qui fait la beauté de ces tours, insiste la présidente. Le fait qu’on ne sache jamais ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. »

À voir en vidéo