Virée archéologique au lac Témiscouata

Quelque 40 sites archéologiques ont été répertoriés dans le parc national du Lac-Témiscouata, le tout dernier-né des parcs du réseau de la SEPAQ (Société des établissements de plein air du Québec), des sites qui auraient pas moins de 10 000 ans d’histoire. Ce patrimoine historique est mis en valeur par de multiples activités, notamment la participation des visiteurs à de véritables fouilles archéologiques. Cap sur ce très beau parc national du Bas-Saint-Laurent où la nature inspire et l’histoire s’emballe.
Un bref instantané de l’évolution sur le passage entre la baie de Fundy et le fleuve Saint- Laurent, via le Témiscouata… D’abord, il y a les glaciers, puis les mastodontes et les castors géants qui ouvrent des sentiers entrent les points d’eau. Lacs et rivières foisonnent de poiscailles.
Arrivent les Paléoindiens, qui établissent des chemins le long des cours d’eau. Puis les Montagnais, les Iroquois, les Micmacs, les Malécites, les missionnaires, les coureurs des bois, les bûcherons, les draveurs. Rivière et lac des Aigles, puis rivières Horton, Touladi, le petit lac Touladi, le lac Touladi et le lac Témiscouata. Ce dernier permettait d’accéder à la vallée de la Saint-Jean et à la baie de Fundy plus au sud via la rivière Madawaska et la rivière Saint-Jean.
Plus tard, le chemin de fer longera la voie d’eau, puis la route le chemin de fer, et les pistes cyclables la route. Aujourd’hui, ces axes sont empruntés par des milliers de touristes, curieux de découvrir cette région du Bas-Saint-Laurent bordée par les États-Unis et le Nouveau-Brunswick.
Au gré des saisons, les déplacements humains ont été guidés par la disponibilité des ressources. Poissons, plantes, arbres, petits fruits, animaux, matériaux lithiques. « La présence de deux carrières de chert [NDLR : un minerai semblable au silex] au lac Touladi a certainement joué un rôle déterminant dans la fréquentation du territoire par les Amérindiens, explique Pierre-Emmanuel Chaillon, responsable de la conservation et de l’éducation au parc national du Lac- Témiscouata. Comme ces carrières de chert ne bougent pas, on revenait d’année en année chercher le précieux minerai. »
L’archéologie est au parc national du Lac-Témiscouata ce que le caramel est à la Caramilk : son essence. Et encourager la participation des visiteurs est une mission culturelle. Le dernier-né des parcs du réseau de la SEPAQ propose donc à ses visiteurs une activité de fouilles archéologiques d’une durée de deux heures, tous les jours, à l’exception du lundi et du mardi.
La magie de l’archéologie
C’est au Jardin des mémoires, sur les rives du grand lac Touladi, que nous rencontrons les archéologues qui animeront l’activité. Matériaux naturels, arbustes taillés, fleurs sauvages, sculptures en fer composent le décor. Ambiance zen. Les jolis aménagements représentent les grandes époques qui ont marqué l’endroit. De l’autre côté du lac surgit la Montagne-de-Chert.
« On suppose que les populations qui ont traversé la région profitaient de ces carrières, explique Patrick Eid, archéologue. Le “chert Touladi” était incontournable pour la fabrication d’outils de chasse et d’usage domestique : couteaux, pointes de flèche, grattoirs et racloirs pour dégraissage et tannage des peaux animales. Plus de 75 % des sites découverts dans le territoire à l’étude se situent dans l’axe de la rivière Touladi, du lac Touladi et du petit lac Touladi. »
À quelques mètres de là se trouve le site de fouille étudié : le CkEe-33. C’est par des lettres et des chiffres que l’on désigne les différentes zones. Un peu comme un code postal.
« On parle d’une vraie fouille archéologique et non d’un simple amuse-touriste », précise Patrick Eid. Chaque pile de terre sera scrutée à la loupe et chaque artefact, aussi petit soit-il, sera mis dans un sac en plastique avec le numéro du site et la lettre correspondant au champ fouillé.
Les fouilleurs reçoivent un coussin pour les genoux, une boîte numérotée dans laquelle on range l’artefact trouvé, une truelle pour gratter le sol, un sécateur pour couper les racines.
« Nous commençons à peine les recherches ; donc, tout n’est qu’hypothèse, précise Patrick Eid. Nous n’avons pour l’instant que la roche pour interpréter le quotidien de ceux qui sont passés par ici. On soupçonne que ce site était un campement où l’on pratiquait la taille de pierre. »
Apprendre à reconnaître les objets, les identifier, leur donner un sens, voilà le rôle de l’archéologue. Un travail de moine. L’artefact doit être pris dans son contexte et pas de mélange.
« Ici, on cherche un foyer, car on a déterré du charbon et des éclats de chert. Le matériel intéressant se trouve souvent autour du feu. » Et si le foyer recherché était sous cet arbre ? « Ce serait alors ce que l’on appelle la malédiction de l’archéologue : l’arbre qui pousse sur l’artefact. »
Qu’il s’agisse d’un éclat de chert, d’une poussière de charbon ou d’un fragment de pointe de flèche, c’est avec émotion que l’on voit une pièce non identifiée émerger de terre. Chaque fragment de roche est un morceau du casse-tête qui représente la culture des premiers occupants.
Au-delà de ses sites archéologiques, le parc national du Lac-Témiscouata, d’une superficie de 176,5 km2, compte 6,7 km de piste cyclable et 27 km de sentiers de randonnée pédestre. Celui de la montagne du Fourneau permet de profiter de trouées visuelles sur le lac Témiscouata et celui de la Montagne-de-Chert, de percées sur les lacs Touladi. Pour mieux saisir l’histoire des lieux, le visiteur peut emprunter un iPod à la réception et se laisser guider.
Pour nous permettre d’accroître nos connaissances sur la vie au temps des Malécites, le parc ajoute aussi à sa panoplie d’activités culturelles un voyage malécite en rabaska en compagnie d’un garde-parc. Deux heures trente minutes suffisent pour apprendre à allumer un feu sans allumette et à manier l’arc et la lance.
Collaboratrice