Despatie ne voulait rien savoir

Photo: Jacques Grenier

Il y a de ces jours. Hier, en l'occurrence, il aurait fallu disposer des pelures de banane, ou à la rigueur des mèches de cheveux de nageuse synchronisée traitées à la gélatine sans saveur, sur le tremplin de 3 m pour empêcher Alexandre Despatie de fondre souverain, droit comme une barre, sur la médaille d'or et le titre de champion du monde. Et encore.

En fait, s'il fallait résumer cette journée, on dirait que la flèche de Laval a survolé la compétition, des préliminaires jusqu'à ce que tout soit accompli, en se tenant premier, premier, premier et premier. Seule une petite frayeur, qui a vu l'Américain Troy Dumais se rapprocher dangereusement après le deuxième plongeon de la finale, est venue troubler pas trop longtemps ce parcours digne des plus grandes performances depuis l'invention de la gravitation universelle. Pas trop longtemps parce que le principal intéressé répliquait illico avec une prestation d'enfer.

Au passage, Despatie a emmagasiné une trâllée de notes parfaites de 10, ce qui tend à démontrer que, contrairement à une nageuse synchronisée, la perfection, on peut la friser. Et à la fin, il possédait une telle avance qu'en guise de dernier plongeon, il aurait presque pu se permettre de faire une bombe.

Au total, l'athlète de 19 ans a recueilli 813,60 points, soit un record du monde et de loin (jamais la marque de 800 n'avait été dépassée), contre 752,76 pour son plus proche rival. Une razzia, une raclée, un massacre, on connaît même des journalistes qui n'en manquent pourtant jamais qui couraient hier après les synonymes et les superlatifs. Une domination totale. Il ne voulait rien savoir.

Au terme de l'épreuve, Despatie a confié qu'il avait si bien fait qu'il s'était étonné lui-même. Ce fut dans l'ensemble, dit-il, la meilleure performance de sa carrière. Il a également expliqué que sa stratégie avait consisté à prendre les plongeons un à la fois.

Et dire qu'au moment des inscriptions à ces Championnats du monde FINA. l'Alexandre a choisi de passer outre à sa spécialité, la tour de 10 m, en raison de malaises au dos. Pour un amoché, ce qu'il a réalisé est quand même pas mal.

La finale d'hier, faut-il le préciser pour vos archives, s'est déroulée devant des gradins bondés dont les plus de 4000 occupants étaient complètement acquis à la cause du héros local et l'ont copieusement applaudi et encouragé à chacune de ses apparitions. C'est le genre de truc qui peut transporter le sujet et, sait-on jamais, influencer les juges même s'ils font voeu de neutralité, d'objectivité totale et tout ça.

Le Canada, qui, s'en souvient-on, était passé à l'histoire en 1976 en devenant le seul pays hôte des Jeux olympiques à remporter zéro médaille d'or, prend donc les choses en main cette fois-ci. Le rythme est d'une médaille par jour, inauguré par Roseline Filion et Meaghan Benfeito dimanche et maintenu par Blythe Hartley lundi. Aujourd'hui, on tentera de faire 4 en 4 avec Émilie Heymans et Myriam Boileau, qui concourront à la tour de 10 m.

Hier, Troy Dumais, déjà médaillé au 3 m synchro avec l'un de ses frères, a gagné la médaille d'argent. Le bronze est allé au jeune espoir chinois de 18 ans He Chong. L'autre Chinois médaillé d'or devant Despatie à Athènes, Peng Bo, qui n'avait encore participé à aucune compétition d'envergure cette année, s'est classé quatrième. Pour sa part, Arturo Miranda, d'Edmonton, qui a alimenté la controverse ces derniers mois à la suite d'une histoire scabreuse, a dû se contenter du 11e rang bien qu'il ait offert sa meilleure prestation personnelle en carrière.

Quant à Despatie, on le reverra au cours de ces Championnats du monde FINA puisqu'il doit prendre part dès demain à l'épreuve du tremplin de 1 m. Mais la journée d'hier est déjà passée à l'histoire, et on s'en reparlera encore dans des années avec des trémolos dans la voix.

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Lors du dernier épisode, nous avons vu toutes sortes d'affaires concernant les origines du water-polo et pourquoi le water-polo s'appelle water-polo plutôt que, mettons, «ballon flottant» ou «coup de pied dans les parties sous l'eau». Mais il reste une question essentielle: si «polo» vient du tibétain pulu, qui désigne le ballon, pourquoi y a-t-il plein de sports de ballon qui ne s'appellent pas polo alors que le water-polo oui?

Je sens que je vais vous en apprendre une bonne qui va vous empêcher de dormir encore plus que cette chaleur à la con: c'est qu'au début du water-polo, les joueurs étaient montés sur des tonneaux et se mouvaient à l'aide de pagaies. Parfaitement messieurs dames, c'est ce qu'ils ont dit à la télé. D'où le rapprochement avec le cheval, et donc le nom de «polo».

Lors du prochain épisode, nous aborderons toutes les différences de subtilité entre la natation et la nage. Ça devrait être complètement débile.

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Comme vous n'êtes pas sans l'ignorer, Synchro Canada avait déposé une réclamation après que son équipe eut perdu deux (2) points l'autre jour parce qu'une nageuse avait touché le fond de la piscine du gros orteil droit, ce qui est rigoureusement prohibé sinon où irait-on, je vous le demande un peu.

Que voulez-vous, c'est comme ça, la nage synchronisée est synonyme de controverse. Et on n'a même pas encore commencé à parler des uniformes des concurrentes.

Hier, la plainte déposée par le Canada a été rejetée. Il appert que l'usage de l'orteil est sujet à interprétation et que les juges ont toujours raison, même quand ils ont tort.

Il serait pourtant simple d'éviter pareilles disputes: tenir les épreuves de nage synchronisée en eau libre.

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