Pierre Karl Péladeau achète les Alouettes de Montréal
Pierre Karl Péladeau se porte acquéreur, à titre personnel, de l’équipe de football professionnelle des Alouettes de Montréal, dans une transaction qu’il ne place pas sous le sceau des intérêts financiers, mais plutôt du sentiment d’appartenance et de fierté.
« Ce n’est pas pour l’argent », a résumé l’homme d’affaires vendredi, au Stade olympique de Montréal, lors de la conférence de presse où il a annoncé la nouvelle aux côtés du commissaire de la Ligue canadienne de football (LCF), Randy Ambrosie. Le montant de la transaction n’a pas été dévoilé.
L’équipe, qui a surtout rapporté des pertes financières dans les dernières années, était sous la tutelle de la ligue depuis le mois dernier, pour la deuxième fois en moins de quatre ans. La dernière fois, en 2020, la LCF l’avait vendue aux hommes d’affaires ontariens Sid Spiegel et Gary Stern, beau-père et beau-fils. Spiegel est toutefois décédé en juillet 2021 sans même avoir eu la chance de voir son équipe en action, puisque la LCF a annulé la saison 2020 en raison de la pandémie de COVID-19.
« Il ne s’agit pas d’une opération financière ni d’une opération économique. Il s’agit d’une opération de fierté », a expliqué le p.-d.g. de Québecor, qui a évoqué ses profondes racines montréalaises et son enfance bercée par les exploits de l’ancien quart-arrière des Alouettes Sonny Wade, dans les années 1970.
Se disant tenus de respecter de strictes conditions de confidentialité, Pierre Karl Péladeau et Randy Ambrosie n’ont offert aucune précision sur les montants en cause dans la transaction. « On sait que l’équipe a essuyé des pertes financières dans le passé. Elle a certainement besoin de quelqu’un qui pourra faire des chèques, et pas des petits chèques, a constaté l’homme d’affaires, à qui la revue Forbes attribue une fortune équivalente à presque deux milliards de dollars américains. Oui, j’ai l’intention d’investir pour nous assurer d’avoir une équipe gagnante [et d’avoir] les moyens nécessaires pour y arriver. Ce n’est pas uniquement l’argent, mais c’est aussi l’argent. »
Québecor ne sera pas bien loin
La rumeur de l’achat de l’équipe par Québecor, ou par celui qui contrôle 75 % des droits de vote de ses actionnaires, courait depuis quelques jours. Une dizaine de groupes d’acheteurs différents avaient montré de l’intérêt, mais les discussions se sont rapidement concentrées sur le projet de Pierre Karl Péladeau, a expliqué Randy Ambrosie. « Notre objectif dans ce processus était de mettre les Alouettes sur la voie du succès à long terme, avec un actionnariat local et solide », a-t-il déclaré.
« Les Alouettes ont vécu une période d’instabilité pendant un certain temps. Et mon engagement est un engagement à long terme », a assuré Pierre Karl Péladeau.
Si c’est lui, plutôt que sa compagnie, qui s’est porté acquéreur de l’équipe, c’est qu’il se voyait mal, à titre de « fiduciaire » d’une entreprise inscrite en Bourse, comment il aurait pu justifier l’achat d’une organisation. C’est aussi que la direction de Québecor, qui est la société mère de Vidéotron, a d’autres chats à fouetter que redresser une équipe sportive professionnelle. La société de télécommunications veut étendre ses activités à l’extérieur du Québec. « On ne veut pas que les Alouettes deviennent un facteur de distraction pour nos équipes », a dit leur patron.
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’entend pas faire profiter les Alouettes de la force de frappe de son empire médiatique, notamment en matière de marketing. Il dit penser à sa division Sports et divertissement, mais pas seulement. « Nous avons tous les outils nécessaires pour faire parler des Alouettes. Qu’ils deviennent plus proches des Montréalais et des Québécois. […] Québecor peut apporter beaucoup aux Alouettes, et les Alouettes apporter beaucoup à Québecor en matière de commandites, d’investissements socioéconomiques, etc. », a fait valoir Pierre Karl Péladeau.
Beaucoup de travail à venir
Cela ne passera pas, du moins pour le moment, par la couverture des matchs à la télévision ou à la radio. Les droits de diffusion sont détenus, jusqu’en 2025, par le concurrent direct de sa chaîne sportive spécialisée TVA Sports, c’est-à-dire Bell et sa chaîne RDS. À la radio, c’est la station 98,5 FM, de Cogeco, qui est le diffuseur officiel. « On verra en temps opportun », a dit M. Péladeau.
La première tâche du nouveau propriétaire des Alouettes sera de trouver à l’équipe un président. C’est Mario Cecchini qui occupait ce rôle depuis 2020 et qui a été reconduit dans ses fonctions, sur une base intérimaire, par la LCF afin de gérer les affaires quotidiennes de l’organisation, sous la direction et la supervision du bureau de la ligue. Mais il laissera bientôt sa place puisqu’il a été nommé, au cours des derniers jours, prochain commissaire de la Ligue de hockey junior majeur du Québec.
Pierre Karl Péladeau se retrouve aussi propriétaire d’une équipe qui joue dans l’un des plus vieux stades du sport, dont il n’est que locataire (le stade Memorial Percival-Molson de l’Université McGill), comme il est locataire aussi de ses installations d’entraînement et de ses bureaux administratifs.
Toutes ces questions mériteront qu’on s’y penche en temps et lieu. Mais pas tout de suite, a répondu le nouveau propriétaire des Alouettes avant de rappeler que toute cette transaction a été conclue en quelques semaines seulement et que l’encre de sa signature sur le contrat d’achat n’était pas encore sèche.
Cela fait une dizaine d’années que les Alouettes sont déficitaires, rapportait vendredi le quotidien La Presse. Cela tient, entre autres, au fait que l’équipe a été graduellement délaissée par les partisans, le nombre d’abonnements de saison ayant fondu : ils sont passés de 17 000 au début des années 2000 à 10 000 en 2019.
Il faut dire que les Alouettes ont connu de meilleures années, elles qui n’ont pas gagné la Coupe Grey ni même participé à sa finale depuis 2010. Avant cela, la formation avait remporté les grands honneurs à six reprises (1949, 1970, 1974, 1977, 2002, 2009). Ses couleurs ont été portées par plusieurs des plus grands joueurs de la LCF, dont Hal Patterson, Sam Etcheverry, Wally Buono, Pierre Vercheval, Ben Cahoon et Anthony Calvillo, entre autres.
Avec La Presse canadienne