Le président de Hockey Canada ne veut pas démissionner

Hockey Canada affirme avoir déboursé de sa poche 7,6 millions de dollars pour dédommager neuf victimes présumées d’agressions sexuelles depuis 1989. Et devant des élus fédéraux qui lui ont dit souhaiter sa démission, son grand patron a demandé « un peu de temps » pour changer la culture de la fédération sportive.
« Je suis un “papa de hockey”. Cela me préoccupe. J’ai à coeur de rendre ce sport meilleur pour plus de Canadiens », a affirmé Scott Smith, le p.-d.g. de Hockey Canada. Il soutient avoir encore l’appui de ses employés et de son conseil d’administration, et souhaite rester en poste jusqu’à ce que cette confiance lui soit retirée.
M. Smith a répété à plusieurs reprises que son organisation s’est engagée à réviser l’ensemble de ses pratiques avec l’aide d’une firme indépendante afin de mettre un terme aux agressions. Cette promesse fait partie d’un plan d’action « pour mettre fin à la culture du silence et aux comportements toxiques dans le monde du hockey au Canada » que la fédération sportive a publié lundi.
Le grand patron de Hockey Canada comparaissait pour une seconde fois mercredi devant le Comité permanent du patrimoine canadien, au parlement d’Ottawa, après un premier passage en juin qualifié de « peu convaincant » et de « pitoyable » par des élus. Il était accompagné par huit autres hommes, tous hauts responsables du hockey au pays.
Démission demandée
Les représentants de tous les partis ont fait équipe mercredi pour soutirer des informations supplémentaires sur la façon dont les cas d’agressions sexuelles sont gérés dans le milieu du sport national.
Plusieurs députés ont eu l’occasion de dire directement à M. Smith qu’ils souhaitaient son départ de son poste à la tête de Hockey Canada. « Je crois que c’est le temps d’un nouveau leadership », a affirmé le néodémocrate Peter Julian. « Je crois que vous n’êtes pas habilité à changer la culture profonde de l’organisation », lui a dit le bloquiste Sébastien Lemire. « Personnellement, je crois que ça prend un grand ménage à Hockey Canada », a pareillement envoyé le conservateur Richard Martel.
L’ancien joueur de la Ligue nationale de hockey devenu militant pour les droits des victimes, Sheldon Kennedy, a lui aussi demandé « la démission de Scott Smith, la démission de son équipe de direction et du conseil d’administration », dans un message lancé sur Twitter mardi.
Deux événements distincts impliquant des joueurs de Hockey Canada ont été révélés dans les médias ces dernières semaines. D’abord, un viol collectif présumé impliquant huit joueurs en juin 2018 à la suite d’un gala à London, en Ontario. Puis, une autre agression en groupe, qui serait survenue 15 ans plus tôt, impliquant des membres de l’équipe nationale junior 2003.
D’autres litiges réglés à l’amiable
D’autres cas d’agressions que ceux récemment médiatisés ont nécessité que Hockey Canada effectue un règlement à l’amiable à l’aide d’un fonds consacré à ce genre de réclamations, ont indiqué ses responsables mercredi.
Pas moins de 21 victimes ont reçu un dédommagement financier après des plaintes de nature sexuelle auprès de Hockey Canada depuis 1989. L’organisation a ainsi pigé 7,6 millions de dollars à même le « fonds national d’équité » pour un règlement à l’amiable dans neuf dossiers, un montant qui ne comprend pas la somme versée à la victime présumée du gala de 2018. Douze autres dossiers ont été couverts par leur police d’assurance, pour un total de 1,3 million de dollars.
« On n’a pas utilisé cet argent pour protéger notre image, mais pour appuyer les victimes. […] On a utilisé notre argent pour appuyer les familles », a insisté Scott Smith.
L’essentiel du montant déboursé pour des règlements avec des victimes, soit 6,8 millions de dollars, l’a été pour un seul dossier : celui de Graham James. L’ex-entraîneur de hockey junior a été condamné à sept ans de prison pour avoir agressé des joueurs en Saskatchewan dans les années 1980 et 1990 ; il a aujourd’hui purgé sa peine.
De plus, deux plaintes en lien avec des allégations de nature sexuelle ont été reçues par la Ligue de hockey junior majeur du Québec depuis 2017, a précisé son commissaire, Gilles Courteau. « Aucune de ces plaintes n’a été transmise à Hockey Canada, et ces joueurs ont été suspendus », a-t-il précisé.
Un règlement pour la victime
Des députés ont tenté de mieux comprendre pourquoi Hockey Canada a décidé de verser un montant gardé secret à la victime présumée des événements de 2018 alors que son enquête indépendante n’a pas pu faire la lumière sur l’affaire et qu’aucun des huit joueurs impliqués n’a écopé de sanctions.
« Vous avez choisi de ne pas attendre les conclusions de l’enquête indépendante, de ne pas connaître la vérité, mais de faire le règlement [à l’amiable]. Pourquoi ? » a insisté le député libéral Anthony Housefather.
« Nous ne savions pas tous les détails de la soirée, mais nous croyions que des torts avaient été causés », a expliqué Brian Cairo, le dirigeant principal des finances de Hockey Canada. Le p.-d.g. Smith a souligné de son côté que la décision a été prise « dans l’intérêt primordial de la jeune femme, et afin de respecter sa vie privée ». Il dit toujours assumer cette décision.
Le Comité permanent du patrimoine canadien tenait mercredi sa deuxième et dernière journée d’audience sur l’implication de Hockey Canada dans les allégations de viol collectif impliquant huit de ses joueurs.
Mardi, l’avocate Danielle Robitaille, qui a été embauchée par Hockey Canada pour mener une enquête indépendante sur l’agression alléguée de 2018, a indiqué qu’elle n’avait pu rencontrer que 10 des 19 joueurs présents au gala de London. Cette enquête a récemment été rouverte après que la victime présumée eut accepté de fournir sa version des faits.
Les audiences ont également pu confirmer que les fonctionnaires fédéraux de Sport Canada ont été mis au courant dès 2018 de l’existence d’allégations d’une agression sexuelle, mais n’ont pas transmis cette information au ministre de l’époque ni effectué de suivi particulier pour savoir ce qu’il advenait de cette affaire.