L’obsession sécuritaire des Jeux de Pyeongchang

Refaisons quelques comptes. À Pyeongchang, petite ville autrefois méconnue de la péninsule coréenne, vivent environ 40 000 personnes.
Les Jeux olympiques qui s’y déroulent devaient attirer vingt fois plus de visiteurs. Les estrades souvent à moitié vides ne le laissent plus croire. Mais bon, disons qu’ils seront 800 000 attirés par les cérémonies d’ouverture et de fermeture, mais aussi et surtout par les quelque 3000 athlètes, réputés les meilleurs du monde, qui s’affrontent dans 102 épreuves de 15 disciplines.
Il faut ajouter au moins 8000 représentants des médias, qui tentent de transmettre la fièvre olympique au monde. Enfin, surtout aux riches pays du Nord, même avec 16 heures de décalage.
Et puis, il y a la sécurité qui monopolise 60 000 soldats, policiers, agents de sécurité et membres des services secrets, selon les données officielles. Ils peuvent compter sur des dizaines de milliers d’autres membres d’unités spéciales de l’armée coréenne mis en état de disponibilité aux alentours. Arrondissons ce surplus pour parler de 100 000 membres des forces de l’ordre.
Ce qui fait donc, en gros, un représentant de l’ordre pour huit touristes, douze gardes par journaliste et une bonne trentaine de gardiens armés par sportif.
Pyeongchang rappelle le petit village gaulois d’Astérix et Obélix entouré des camps romains de Babaorum, Laudanum, Petibonum et Aquarium. Et jusqu’à maintenant, un seul villageois, un Russe du curling, s’est fait prendre avec de la potion magique…
Les méchants robots
Les équipements déployés ajoutent au vertige sécuritaire. Il y a par exemple des drones attrapeurs de drones, de gentils petits avions téléguidés capables de lancer des filets pour en capturer des méchants.
Le robot est la nouvelle angoisse et le meilleur ami des méga-rassemblements festifs. Le dispositif coréen anti-drones comprend des radars urbains capables de détecter les mouvements à très faible hauteur et des canons électroniques pouvant prendre à distance le contrôle d’armes téléguidées.
La surveillance des sites se fait à l’aide de milliers de caméras. Il y a des détecteurs de métal partout, des bollards, des fouilles, la routine habituelle quoi.
Les Olympiques repoussent sans cesse la taille des mesures de sécurité et transforment chaque ville hôtesse en forteresse. À Londres, des missiles antiaériens avaient été placés sur les toits de certains immeubles résidentiels près de six sites de compétition.
Autour de la caserne de Sotchi, la Russie déployait au moins 40 000 policiers appuyés par des soldats, eux aussi en surnombre. Des navires de guerre de la marine russe patrouillaient les côtes et deux systèmes de radars surveillaient les fonds marins. Un autre permettait l’interception des communications téléphoniques et électroniques dans la région à l’insu des opérateurs.
Les plus cyniques s’étonnent de cette enflure qui rapporte évidemment beaucoup aux fournisseurs d’équipements et de services de sécurité. Les plus réalistes observent que le déploiement massif de soldats et de contrôle sécurise effectivement les Jeux, qui n’ont pas subi d’attentat depuis la tragédie de Munich. Onze membres de l’équipe olympique israélienne et un policier ouest-allemand ont été tués par des terroristes palestiniens le 5 septembre 1972.
La proximité de la Corée du Nord et les tensions préolympiques grandissantes dans la guerre froide qui se joue là depuis les années 1950 ont amplifié l’obsession sécuritaire. Pyeongchang et la ville voisine de Gangneung se trouvent à quelques dizaines de kilomètres de la frontière séparant le pays du voisin totalitaire nucléarisé.
Finalement, l’ennemi s’est infiltré autrement quand une quarantaine d’agents ont attrapé un norovirus provoquant la gastro-entérite. Environ 1200 d’entre eux ont été mis en quarantaine quelques jours avant et vite remplacés par 900 militaires. Et vogue la galère sécuritaire…