Exposition - Le Rocket lance et compte... au Musée canadien des civilisations
Gatineau — Maurice Richard: ce seul nom évoque une foule de souvenirs qui ne prennent pas uniquement place sur la patinoire. En effet, encore aujourd'hui, le «Rocket» représente bien plus que le joueur de hockey qui savait fort habilement déjouer ses adversaires: il est le héros de tout un peuple.
C'est justement parce que Maurice Richard transcende le monde du sport que le Musée canadien des civilisations (MCC), grâce au ministère du Patrimoine canadien, a acheté, en 2002, 57 objets ayant appartenu au Rocket pour la somme de 600 000 $. Deux ans plus tard, l'exposition Rocket Richard - Une légende, un héritage présente au public, depuis hier, un regard sur le joueur mais aussi sur son époque.«Ce n'est pas seulement une exposition de trophées et de bâtons, c'est aussi un pan de l'histoire du Canada que l'on traverse en suivant la carrière du Rocket», décrète d'entrée de jeu le conservateur du MCC, Sheldon Posen, responsable de l'exposition. «Parce que Maurice Richard était un athlète phénoménal, un homme qui se tenait debout dans l'adversité et qui portait le Québec sur ses épaules quand il marquait.»
«Quand le Rocket scorait un but, nous n'étions plus des victimes. Nous devenions plus grands que nous. Et lorsqu'il se battait, il n'était pas seul, vous pouvez me croire! Nous étions tous là avec lui!», dit Roch Carrier.
L'administrateur général de la Bibliothèque nationale du Canada et auteur de la biographie Le Rocket et de l'album jeunesse Le Chandail de hockey, qui rend également hommage au numéro 9, a grandi en suivant les exploits de Maurice Richard, d'abord à la radio, puis à la télévision.
«À cette époque, on ne puisait plus beaucoup de gloire ou de fierté de notre appartenance française, qui relevait de notre passé, ni de la religion catholique, qui se voulait notre avenir au ciel. Au présent, on n'avait rien. Sauf le Rocket», explique Roch Carrier.
Le cinéaste Charles Binamé, qui s'apprête à tourner un long métrage sur Maurice Richard, abonde dans ce sens.
«Cet homme-là incarne le héros populaire par excellence, celui qui a su sortir de la ruelle, dit-il. C'est un antihéros porté aux nues par son talent, une époque et une société en mal de héros et qui avait besoin de s'émanciper.»
Un héritage
Pour bien cerner et faire comprendre aux visiteurs l'impact que Maurice Richard continue d'avoir dans le monde du hockey et à travers le pays en entier, l'exposition se divise en sections. Dans la première, on retrouvera entre autres des trophées, des chandails, des patins et des bâtons qui faisaient partie de la collection Maurice Richard, «sauvée» en 2002.
«Autant d'objets qu'il aurait été franchement dommage de voir atterrir dans le sous-sol d'un collectionneur américain, fait d'ailleurs valoir Sheldon Posen, parce que ces objets prennent toute leur signification dans le regard qu'on porte sur eux. Prenons l'exemple du bâton avec lequel le Rocket a marqué son 50e but en 50 matchs. Imaginez tout l'amour et tout le respect de milliers de fans de hockey et de Maurice Richard qui n'auraient pas pu s'exprimer face à ce bâton s'il avait été vendu au plus offrant!»
Le public pourra donc admirer ce fameux bâton, tout comme le chandail qu'il a porté lors du match des étoiles de 1949, ou encore, article fort intéressant, son contrat pour la saison 1956-57. Ce contrat, rédigé à la main par le directeur général Frank Selke père, établit à 12 000 $ le salaire annuel du Rocket, entente que celui-ci signe sur... une page d'agenda déchirée datée du 30 juin 1956!
Mais si ces objets ne se retrouvent pas au Temple de la renommée du hockey, à Toronto, c'est bien parce qu'ils seront entourés d'une cinquantaine d'autres objets retraçant le contexte social, économique et politique dans lequel s'inscrivent les exploits sportifs de Maurice Richard. Parmi ceux-ci, il y aura d'étonnantes découvertes à faire, comme cet emballage de pain à l'effigie du Rocket et la non moins surprenante «Soupe Rocket», «lancée afin que les consommateurs n'aient pas à acheter de la soupe Campbell, même si Clarence Campbell n'avait évidemment rien à voir avec cette marque de soupe!», raconte en riant Sheldon Posen, pas peu fier d'avoir retrouvé une de ces boîtes de conserve au cours de ses recherches.
Les visiteurs seront également invités à partager devant une caméra installée dans un petit studio spécialement aménagé pour les besoins de la cause leurs propres souvenirs sur Maurice Richard. Au fur et à mesure qu'elles s'accumuleront, certaines de ces histoires seront par la suite présentées au public dans le cadre de l'exposition.
«Le sport est un miroir de notre action, c'est plus que des statistiques et des résultats de fins de soirée, car on peut raconter l'histoire du pays à travers l'histoire du hockey. Et le Rocket s'avère un phénomène qui dépasse les frontières. Il fait partie de l'imaginaire collectif de tous les Canadiens», soulève Roch Carrier.
«Si, en tant que Canadiens, nous reconnaissons tous le Rocket comme un héros, c'est peut-être parce que nous en avons plus en commun que nous le pensons», conclut Sheldon Posen.