Le cyclisme face au spectre du «dopage mécanique»

La Belge Femke Van den Driessche lors de la course U23 le 30 janvier 2016
Photo: Yorick Jansens / Belga / Agence France-Presse La Belge Femke Van den Driessche lors de la course U23 le 30 janvier 2016

Des vélos qui avancent tout seuls (ou presque) grâce à un moteur électrique caché : le fantasme du « dopage mécanique » est devenu une réalité samedi avec le premier cas avéré aux Championnats du monde de cyclo-cross disputés en Belgique, mais on ignore l’ampleur de la tricherie dans un peloton déjà traumatisé par le sujet récurrent du dopage.

Il serait très douteux que la tricherie dont est suspectée Femke Van den Driessche (19 ans) soit l’apanage exclusif d’une espoir belge du cyclo-cross féminin, une discipline d’intérêt quasi régional aux enjeux financiers limités.

En mars 2015, la Commission d’enquête sur le cyclisme se montrait affirmative à propos des épreuves sur route, sans citer de cas concrets : « Diverses tentatives d’infraction au règlement technique ont été rapportées à la commission, y compris l’utilisation de moteurs cachés dans les cadres. Ce problème en particulier est pris au sérieux, surtout par les meilleurs coureurs, et il n’a pas été décrit comme un phénomène isolé. »

« Le système des moteurs a existé, existe, mais qui, quand et depuis quand, je ne sais pas », répondait l’été dernier Marc Madiot, le directeur de l’équipe FDJ.fr et président de la Ligue nationale de cyclisme de France.

Six mois plus tard, ces précisions manquent toujours.

 

Technologie déjà ancienne

« Il y avait un moteur caché », a seulement confirmé Brian Cookson, le président de l’Union cycliste internationale, qui joue la discrétion pour contrer les fraudeurs : « Je ne peux pas donner de détails. »

Selon des médias présents à Zolder, le dispositif, qui pèserait 500 à 600 grammes et coûterait quelque 20 000 euros, était dissimulé dans le tube vertical du vélo. Mais, pour le quotidien italien Gazzetta dello Sport, il s’agit là d’une technologie déjà ancienne.

« La nouvelle frontière est l’électromagnétisme », affirme lundi le journal en citant un « gourou » anonyme du secteur. Le nouveau dopage mécanique ? Des roues arrière en carbone, d’un coût de 200 000 euros, dissimulant un système électromagnétique pour émettre une énergie supplémentaire, de l’ordre de 20 à 60 watts.

Problème surmontable

 

Moteur ou pile ultra-miniaturisée, système d’entraînement sophistiqué au niveau des roues, mise en action à distance ou par le biais d’un cardio-fréquencemètre, la technologie moderne autorise toutes les suppositions quant à cette forme de dopage mécanique.

Le constat, alarmiste au regard de l’étendue du phénomène — la Gazzetta évoque le nombre de 1 200 moteurs cachés vendus l’an dernier en Italie —, est toutefois à relativiser pour les grandes compétitions. L’UCI, alertée, planche sur les méthodes de détection des champs magnétiques.

Au contraire de l’hydre du dopage, le problème semble surmontable, au moins pour l’élite, de l’avis de l’ancien champion Greg LeMond qui évoquait l’an passé la solution des pistolets thermiques pour détecter des sources de chaleur. À condition que la volonté politique existe et que des moyens conséquents soient déployés pour procéder à des contrôles fréquents et poussés.

Doutes

 

Nombre de coureurs doutaient de cette tricherie ou refusaient son existence tant elle choque les mentalités, plus encore que le dopage.

« C’est désespérant ! », a réagi lundi Jean-Christophe Péraud. Mais le 2e du Tour de France 2014 s’est voulu optimiste : « Cela s’est peut-être passé dans le monde professionnel, mais de manière ponctuelle. Je pense que ce n’est déjà plus d’actualité. Des contrôles systématiques ou réguliers doivent permettre de s’affranchir de ce genre de problème. »

« Je n’osais pas l’imaginer jusqu’à ce que ça se concrétise, a pour sa part reconnu son coéquipier Romain Bardet. Maintenant qu’un premier cas est avéré, cela mérite qu’on pousse les investigations un peu plus loin pour voir l’ampleur du phénomène. »

Les plus suspicieux des observateurs font remonter l’apparition de ce type de dopage au début de l’ère Lance Armstrong, l’Américain vainqueur déchu des Tours de France de 1999 à 2005. Mais l’hypothèse n’a été évoquée publiquement qu’après le numéro du Suisse Fabian Cancellara dans le Tour des Flandres 2010, sans qu’elle soit ensuite corroborée.

Elle est revenue au gré d’« exploits » surdimensionnés, sur route ou sur piste, comme aux Jeux olympiques de Londres 2012. La supériorité des sprinteurs britanniques avait fait jaser dans le camp français.

Le problème resurgit donc à l’aube de la saison 2016. « L’avenir de notre sport est en jeu », estime le président de la Fédération française et de l’Union européenne de cyclisme, David Lappartient. Sous peine, selon l’expression de Marc Madiot, de transformer « les courses de vélos en courses de vélomoteurs ».

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