«Notre performance n'est pas acceptable»

C'était devenu une question de temps. On ne croupit pas dans les bas-fonds du classement sans en payer le prix, et le Canadien de Montréal en étant rendu là, 15e et dernier de l'Association Est à cinq matchs de la fin d'une saison régulière de misère, mathématiquement écarté des séries depuis plusieurs jours, dérouté, en quête d'identité, cible de questions sans réponses, Pierre Gauthier et Bob Gainey ont été les premiers à écoper. Exit le directeur général et son prédécesseur devenu son conseiller.
Geoff Molson s'est montré plutôt souriant en conférence de presse hier midi, et on pouvait songer qu'il venait de se libérer d'un certain poids. Il a insisté à plusieurs reprises pour dire que la victoire était tout ce qui comptait, que le Canadien jouissait d'un prestige mondial et d'un passé glorieux qui ne saurait tolérer l'échec, que ses partisans fidèles, intenses et fiévreux méritaient mieux, beaucoup mieux que ce qu'on leur offre par les temps qui courent. «Notre performance cette année n'est pas acceptable», a-t-il admirablement résumé, et une «nouvelle orientation» qui fasse preuve «de constance et de stabilité», l'ingrédient qui caractérise les grandes organisations sportives, s'impose.La chasse est donc ouverte à un nouveau patron hockey, et premier geste qui montre que le propriétaire et président du CH veut vraiment astiquer l'image ternie du club, il s'est adjoint les services de Serge Savard, le dernier à avoir connu du succès au deuxième étage, c'était il y a près de 20 ans, pour l'épauler. Le processus de sélection et la liste de candidats, a dit Geoff Molson, seront strictement «confidentiels», mais le secret n'a bien sûr jamais empêché la rumeur de circuler et les conjectures d'essaimer, et l'exercice promet d'être fébrile au cours des prochaines semaines, alors qu'on devrait évoquer quelques milliards de fois le nom de Patrick Roy, et sûrement celui de Vincent Damphousse.
En ce qui a trait au successeur de Pierre Gauthier, Geoff Molson a fait savoir, comme il l'avait déjà dit à propos de l'entraîneur-chef, qu'il était «important» que le prochain d.g. puisse s'exprimer en français, mais que l'essentiel résidait dans sa compétence. On cherche le meilleur homme possible «pour bâtir une organisation gagnante», a-t-il dit. C'est d'ailleurs à celui-ci qu'il reviendra de décider du sort de l'entraîneur-chef Randy Cunneyworth. Savard, pour sa part, a déclaré hier qu'il était «primordial» que l'homme retenu soit bilingue.
Quant à Roy, Molson a affirmé qu'il ne lui avait pas parlé depuis le jour de la cérémonie de retrait de son chandail numéro 33, soit il y a bientôt trois ans et demi. On notera toutefois que, dans une entrevue accordée la semaine dernière à La Tribune de Sherbrooke, Savard avait dit qu'il verrait «sûrement» l'ancien gardien étoile dans l'organisation du Canadien; en revanche, de son possible rôle personnel au sein du CH, il avait déclaré: «Je ne m'attends pas à recevoir un appel et je ne cours pas après un emploi»... Les données changent parfois rapidement.
À Drummondville où ses Remparts de Québec affrontaient hier soir les Voltigeurs au premier tour éliminatoire de la Ligue junior majeure du Québec, Roy, dont des hypothèses ont été émises ces jours derniers voulant qu'il se soit déjà entendu avec le Tricolore, a répété hier ce qu'il dit depuis toujours: il n'a eu aucun contact avec la formation montréalaise, mais il est prêt à l'écouter si elle le considère comme un candidat potentiel. Il a cependant laissé entendre qu'il souhaitait davantage exercer les fonctions d'entraîneur-chef plutôt que celles de directeur général parce qu'il apprécie être près des joueurs.
Ambitions
En tout cas, Geoff Molson affiche des ambitions élevées. Le succès qu'il évoque à répétition ne consiste pas à simplement atteindre les séries éliminatoires, ce qui fut trop souvent l'objectif implicite depuis un bon bout de temps. Chaque année, selon le proprio, le Canadien devrait figurer dans les aspirants sérieux à la conquête de la coupe Stanley. Il faut «viser bien plus haut» qu'une seule participation à la grande danse du printemps, a-t-il dit.
Et puis, si tout le monde est déçu de la tournure des événements cette saison, la situation ne serait pas aussi désespérée qu'elle en a l'air. «Nous avons un solide noyau de joueurs à toutes les positions», a mentionné le président, et plusieurs espoirs fleurissent au sein de l'organisation.
Quant à l'opportunité d'agir à ce moment-ci, Molson a expliqué qu'il voulait attendre que l'équipe soit officiellement exclue de la course aux séries, sans toutefois procéder après la fin de la saison, le 7 avril, afin de se donner plus de temps pour trouver le candidat idéal. Tous les jours comptent, et on n'en aura pas trop d'une dizaine de plus. Aucune date butoir n'a été fixée, bien qu'il serait avantageux qu'une décision soit prise le plus tôt possible afin que le nouveau d.g. puisse préparer la séance de repêchage amateur qui aura lieu en juin et où le Canadien détiendra un premier choix élevé.
Le point de presse de Geoff Molson a duré trois bons quarts d'heure, et il était manifestement prêt à affronter la situation et à répondre à toutes les interrogations. On était loin de certains cafouillages observés en cours de saison, quand l'entraîneur des unités spéciales Perry Pearn, proche de Jacques Martin, s'était fait congédier quelques heures avant un match, quand Gauthier avait remplacé Martin par l'unilingue Cunneyworth en disant à ceux qui s'inquiétaient qu'«une langue, ça s'apprend», et quand Michael Cammalleri avait été échangé au beau milieu d'une rencontre à Boston.
Le règne Gauthier-Gainey aura donc duré neuf ans. Une nouvelle ère est sur le point de commencer, et s'il reste plusieurs éléments en suspens, une certitude saute aux yeux: cette fois, le Canadien de Montréal ne peut pas descendre plus bas.