Le temps des scooters électriques sur les pistes cyclables est compté
La présence de scooters électriques sur les pistes cyclables du Québec tire à sa fin. Selon ce que Le Devoir a appris, le gouvernement Legault travaille sur un projet visant à mettre fin à la cohabitation parfois périlleuse entre les vélos et certains véhicules électriques qui s’apparentent davantage à des motos qu’à des bicyclettes.
Les voies cyclables de Montréal ont battu des records de fréquentation avec le retour du beau temps la semaine dernière. Ce départ en fanfare de la saison du vélo a mis en lumière les tensions grandissantes entre les bicyclettes traditionnelles et les scooters électriques.
« Il devient urgent d’agir là-dessus. On se fait dire : “Voyons, ce sont des pistes cyclables, ça roule vite, ça dépasse, on ne se sent pas en sécurité avec les enfants” », dit Marianne Giguère, conseillère associée à la mobilité active à la Ville de Montréal. Il est question depuis une décennie de bannir les scooters électriques des pistes cyclables, mais cette fois est la bonne, assurent nos sources.
L’émergence de prétendus « vélos » électriques qui ont toutes les caractéristiques d’un scooter provoque des frictions entre usagers. Ces mini motos sont munies de pédales dont la seule fonction est de les qualifier en tant que vélos électriques, font valoir des intervenants qui connaissent bien le dossier.
« Ces appareils suscitent des questions quant aux enjeux de cohabitation et de sécurité sur le chemin public, notamment sur les voies cyclables, considérant, par exemple, leur poids et leur vitesse », confirme Geneviève Côté, porte-parole de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), qui fait partie du groupe de travail sur l’encadrement des vélos électriques.
« Leur ressemblance avec un cyclomoteur ou une motocyclette entraîne également des interrogations dans le milieu policier et chez certains usagers de la route, entre autres en ce qui concerne les lieux où ces appareils sont autorisés à circuler », précise-t-elle.
Un flou à dissiper
Seuls des véhicules non immatriculés peuvent légalement rouler sur des voies cyclables. La multiplication des modes de déplacement propulsés à l’électricité complique toutefois la mise en application de la loi. À Montréal, par exemple, les pistes cyclables sont officiellement réservées aux vélos et aux triporteurs (ou quadriporteurs), ces petits véhicules électriques populaires chez les personnes âgées.
En réalité, une série d’usagers se disputent le peu d’espace sur les pistes cyclables : en plus des scooters électriques, les trottinettes, les planches à roulettes, les joggeurs, les piétons, les fauteuils roulants et les patins à roues alignées rivalisent avec les cyclistes. Une simple promenade à vélo suffit pour constater les conflits entre tous ces gens qui se déplacent.
La définition d’un vélo devient tellement floue que de réels scooters électriques — sans pédales, ceux-là — se faufilent en toute impunité sur les voies cyclables. Ces véhicules aussi lourds et puissants que des scooters à essence donnent des sueurs froides aux cyclistes.
Vélo Québec fait partie des organismes consultés sur l’encadrement des véhicules électriques. Le groupe de travail du ministère des Transports doit se réunir dans les prochains jours. « Notre objectif numéro un, tout le monde autour de la table, est de bannir les scooters électriques des pistes cyclables », dit Magali Bebronne, directrice des programmes chez Vélo Québec.
Vitesse et poids
En vertu de la réglementation actuelle au Québec, un vélo électrique est doté d’une puissance maximale de 500 watts et peut atteindre une vitesse maximale de 32 km/h. Un scooter électrique n’a aucune limite de puissance, mais peut rouler jusqu’à 70 km/h. Ce type de véhicule doit être immatriculé, contrairement aux vélos. Et les conducteurs de scooters doivent porter un casque de moto.
Ces normes sont issues du fédéral. Ottawa a toutefois prévenu les provinces, en février 2020, qu’elles devraient mettre en place leur propre encadrement des vélos électriques. Le gouvernement Legault travaille sur ce dossier.
Des limites de vitesse et de poids figurent parmi les critères évoqués par les organismes réunis autour de la table pour mieux définir ce qu’est une « bicyclette ». Certains ont proposé de limiter la vitesse des vélos électriques à 25 km/h, comme dans plusieurs juridictions européennes. Mais de simples vélos à pédales peuvent atteindre des vitesses beaucoup plus élevées.
D’autres suggèrent que l’accélération à partir de la poignée soit réservée aux scooters ou aux motos. La présence d’un marchepied — incompatible avec des pédales — pourrait aussi désigner un scooter.
On joue des coudes
Les cyclistes croisés sur les pistes très fréquentées de Montréal estiment qu’un coup de barre s’impose pour mieux encadrer les types d’usagers. « J’avoue que les scooters, ça fait peur : ce n’est pas bruyant et ça va vite », dit Paul Gauthier, rencontré à l’extérieur de la Maison des cyclistes, à l’angle des rues Rachel et de Brébeuf, sur Le Plateau-Mont-Royal.
En cette journée ensoleillée de la semaine dernière, la piste cyclable de la rue Rachel est achalandée. Paul Gauthier estime que les cyclistes doivent apprendre à partager les voies cyclables avec tous les autres types d’usagers — sauf les adeptes du scooter, qui devraient rouler dans la rue, selon lui.
« On s’en va vers davantage de vélos, de trottinettes et d’autres moyens de transport actifs. La voie publique, ça se partage. Il faut être inclusif », dit-il. Ce passionné de vélo ose croire que les gens vont apprendre à se côtoyer, à se respecter et à ralentir un peu sur les pistes cyclables.
« C’est vrai que ça roule vite, et pas seulement les scooters : je suis en vélo électrique et je me fais dépasser par des vélos ordinaires », raconte Joanne, une retraitée qui se déplace sur deux roues depuis 25 ans à Montréal. Puis, elle ajoute : « Ce qui me tanne, ce sont les vieux avec leurs carrosses électriques et les jeunes en trottinette ou en skateboard. Mais il faut bien qu’ils roulent quelque part. J’imagine qu’on va s’habituer. »
Correction: Contrairement à ce qu’affirmait une première version de cet article, la conseillère Marianne Giguère ne fait pas partie du groupe de travail du ministère des Transports du Québec pour encadrer les véhicules électriques.