Un projet de centre de tri sème l’inquiétude à Mirabel

Le nouveau Centre de tri de St-Benoit divise la population.
Photo: Adil Boukind Le Devoir Le nouveau Centre de tri de St-Benoit divise la population.

Un projet de centre de tri de matériaux de construction menace d’augmenter la circulation de camions à proximité d’une école primaire à Saint-Benoît de Mirabel et inquiète de nombreux résidents, au point où la Ville a décidé de modifier son règlement de zonage pour éviter que ce scénario ne se répète, a constaté Le Devoir.

« On a figé le dossier pour le futur pour éviter d’avoir un autre projet du genre dans ce secteur », confirme la directrice du service des communications de la Ville de Mirabel, Caroline Thibault. Une séance extraordinaire du conseil municipal a ainsi eu lieu lundi afin de retirer certains usages qui étaient permis depuis 25 ans dans le village de Saint-Benoît, incluant celui d’« industrie lourde ».

Il est toutefois « trop tard » pour empêcher la réalisation du projet mené par l’entrepreneur Sébastien Mercier — qui a eu des démêlés judiciaires avec des résidents du secteur ces dernières années — et sa partenaire d’affaires et conjointe, Christine Brodeur, déplore l’ancien conseiller municipal mirabellois Réal Proulx. Il s’agit en effet d’un projet respectant les règles de zonage qui prévalaient sur ce site lors des démarches initiales des entrepreneurs.

« Je n’ai pas besoin de vous dire ma déception face au service d’urbanisme de Mirabel qui permet d’organiser un projet dans une zone sans vérifier si c’était compatible avec le milieu », lâche M. Proulx, qui est membre d’un comité de citoyens impliqués dans « la mise en valeur » de Saint-Benoît. « On a choisi de s’installer ici pour avoir une quiétude, pas pour entendre quelqu’un casser du béton toute la journée. »

Les entrepreneurs derrière ce projet de centre de tri ont d’ailleurs déjà obtenu une déclaration de conformité du ministère de l’Environnement du Québec, a indiqué Mme Brodeur au Devoir.

« On nous a présenté le projet pour avoir notre opinion, mais le projet est déjà fait », lance ainsi le résident Philippe Benoit, selon qui « la Ville aurait dû faire le ménage dans son zonage pour s’assurer que le petit village ici conserve sa quiétude » avant de laisser ce projet de centre de tri prendre forme.

Le 23 août, une présentation publique du projet mené par le couple d’entrepreneurs, qui possède trois entreprises spécialisées dans la démolition, le recyclage de matériaux de construction et la vente de ceux-ci, a attiré près de 200 personnes au coeur du village, selon les témoignages recueillis. Le projet a alors été présenté par ses promoteurs comme un moyen écologique de donner une seconde vie à des matériaux qui auraient normalement été enfouis, notamment ceux tirés des propriétés passant dans le tordeur de SM Démolition, une entreprise détenue par M. Mercier depuis 2007.

« Toutes ces matières-là, habituellement, elles se retrouvent à l’enfouissement. Notre but, c’est de les trier pour les redistribuer sur le marché », a expliqué Mme Brodeur tandis qu’elle faisait visiter ses installations au Devoir mardi. « Vous seriez surpris de voir à quel point il y a beaucoup de matériaux qui vont encore à l’enfouissement », insiste celle qui estime que ce projet est « bon pour l’environnement ».

Une problématique de sécurité

 

Dans le cadre de l’exploitation de ce centre de tri, les entrepreneurs prévoient qu’au moins une dizaine de camions entreront chaque jour sur le terrain prévu pour ce projet, où se trouve une ancienne quincaillerie située près de champs de maïs, à 600 mètres de l’église de Saint-Benoît. Le couple a fait l’acquisition du site en décembre dernier.

Ces poids lourds risquent donc de circuler sur une base régulière en plein coeur du village, qui manque de trottoirs à plusieurs endroits, ainsi qu’à proximité de l’école primaire du secteur et d’un CHSLD, ce qui préoccupe plusieurs résidents joints par Le Devoir. Sans compter le bruit, la poussière et les vibrations que généreront ces camions et les activités du centre de tri, énumèrent-ils.

« La circulation de poids lourds est déjà importante, c’est déjà un problème, donc ça va juste augmenter avec ce projet-là », s’inquiète Marie-Michel Gauthier, une mère de quatre enfants qui note d’ailleurs qu’il n’y a aucun brigadier scolaire à Saint-Benoît.

Des résidents espèrent maintenant convaincre la Ville de mettre en place des mesures pour limiter les nuisances appréhendées du projet — en s’assurant que les camions qui alimenteront en matériaux ce centre de tri ne passent pas au coeur du village, par exemple. « À partir du moment où le zonage le permet, on ne peut pas refuser le projet, mais on peut mieux l’encadrer », relève ainsi Réal Proulx.

La Ville affirme qu’elle tiendra compte des « recommandations » que lui ont formulées des citoyens au cours des derniers jours. « On ne peut pas s’opposer au projet, mais on peut demander que ce soit bien intégré », relève ainsi Caroline Thibault, qui précise qu’un éventuel encadrement de la circulation routière à Saint-Benoît devra se faire de concert avec le ministère des Transports du Québec (MTQ), par exemple, pour « interdire la circulation des camions sur notre réseau ».

Un passé litigieux

 

Le Devoir a également constaté que Sébastien Mercier a été impliqué dans des litiges impliquant au moins deux résidents du secteur dans des dossiers judiciaires distincts. La tension a notamment monté l’an dernier entre M. Mercier et un résident dont le promoteur louait le terrain pour y entreposer « des débris de construction » et d’autres matières résiduelles au nom de son entreprise, SM Démolition, selon des procès-verbaux d’audiences que nous avons pu consulter.

Le résident en question, qui a demandé à ne pas être nommé, aurait par la suite demandé à M. Mercier de quitter son terrain puisqu’il n’était pas satisfait de la manière dont il était utilisé. Or, M. Mercier a refusé de quitter les lieux et s’est tourné vers la Cour supérieure, qui a plutôt donné raison à la partie défenderesse. L’homme d’affaires a ainsi reçu l’ordre en juillet 2021 de vider les lieux de toutes les matières résiduelles qui s’y trouvaient.

Christine Brodeur n’a pas voulu commenter ce dossier, qui fait encore l’objet de démarches judiciaires. Sébastien Mercier, lui, n’a pu être joint par Le Devoir.

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