Transport ou logement: comment ne pas perdre au change?
Collaboration spéciale, Unpointcinq.ca

Ce texte fait partie du cahier spécial Action climatique
L'auteur est consultant en aménagement du territoire et en mobilité durable
Dis-moi où tu vis, et je te dirai comment tu te déplaces.
Si tu habites dans les quartiers centraux, tu paies peut-être bien cher pour te loger, mais tu as la chance de pédaler jusqu’au boulot, et tes enfants peuvent se rendre à l’école à pied.
Si ta maison en rangée neuve est située dans une banlieue dont l’aménagement est axé sur le transport collectif (un transit-oriented development, ou TOD, pour les intimes), elle t’a certes coûté plus cher que l’unifamiliale du beau-frère, mais tu peux t’arrêter faire tes emplettes en marchant vers la gare.
Si la pandémie t’a fait déguerpir si loin que tes plus proches voisins sont des vaches et des lapins, tu n’as probablement pas le choix de te déplacer en auto — même si elle est électrique, elle te coûte très cher, et à la société aussi.
Les banques, qui financent les prêts hypothécaires et les prêts auto, le savent depuis que la voiture et la banlieue ont proliféré : moins on paie pour se loger, plus on dépense pour se déplacer. La recherche confirme également la réciproque : plus les ménages investissent sur leur prêt hypothécaire, moins ils gaspillent pour posséder un véhicule stationné 95 % du temps.
Or, les grandes villes d’Amérique du Nord sont aux prises avec une grave crise d’abordabilité du logement. Par surcroît, la pandémie et l’inflation qui s’est ensuivie ont fait exploser les prix du foncier et les loyers. Le Québec n’a pas été épargné. Résultat : les ménages à faible revenu n’ont plus les moyens de vivre près d’une gare ou d’une station de métro, et les premiers acheteurs sont forcés de s’éloigner à des distances démesurées pour accéder à la propriété.
Forcés de conduire pour aller travailler, étudier ou magasiner, ils s’achètent un véhicule additionnel et dépensent ainsi près de 10 000 $ par année pour un bien de consommation voué à se déprécier à un rythme effréné, plutôt que d’épargner ou d’investir sur leur propriété.
Les voitures, plus importantes que les gens ?
Depuis le début de la crise du logement, il y a une dizaine d’années, le parc automobile québécois croît plus de deux fois plus rapidement que la population. Résultat : les émissions de gaz à effet de serre en transport augmentent au rythme auquel elles devraient diminuer.
En somme, tout le monde y perd au change.
Or, dans les pays où l’on accroît massivement l’offre de logements abordables dans les quartiers dotés d’une forte accessibilité, tant à pied, à vélo et en métro qu’en auto, les ménages jouissent d’une bien meilleure qualité de vie. Ils contribuent ainsi au quotidien à alléger le bilan carbone de la collectivité, plutôt que de l’alourdir bien malgré eux.
Le gouvernement du Québec est sur le point de se doter d’une Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire. Voilà une occasion en or de remédier à une aberration à laquelle il est grand temps que nous nous attaquions collectivement. Pourquoi imposons-nous des seuils maximaux de densité résidentielle et des ratios minimaux de stationnement ? Ne devrait-on pas faire l’inverse ? À moins que les voitures ne soient plus importantes que les gens…
Levons une fois pour toutes les barrières réglementaires qui nous empêchent de loger convenablement notre population. Faisons-lui épargner en transport ce qu’elle pourra investir dans son milieu et sa qualité de vie. La banquette arrière d’une voiture ne sera jamais un lit douillet.
Une première version de cette chronique a été publiée sur Unpointcinq.ca le 19 avril 2021.
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