Le transport en commun souffrira d’un manque à gagner sur plusieurs années à Montréal

Les revenus tarifaires des sociétés de transport en commun de la grande région de Montréal demeureront marqués par la pandémie au terme de celle-ci, entraînant un manque à gagner annuel de plusieurs centaines de millions de dollars que Québec ne pourra continuer à combler « éternellement », prévient l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).
L’organisation responsable entre autres du financement et de la planification du transport en commun dans l’ensemble de la région métropolitaine a libéré jeudi son directeur général, Benoît Gendron, pour une rare série d’entrevues individuelles avec les représentants de quelques médias, incluant Le Devoir.
La pandémie de COVID-19, qui a soufflé sa deuxième bougie plus tôt ce mois-ci, n’a pas seulement fait chuter l’achalandage du réseau du métro, des lignes de bus et du train de banlieue pendant les épisodes successifs de confinement qui ont marqué les deux dernières années. Elle a aussi changé durablement les habitudes de nombreux travailleurs, qui ont pris goût au télétravail, du moins dans une formule hybride, et qui ont aussi développé l’habitude d’acheter en ligne plutôt que de se déplacer au centre-ville de Montréal pour effectuer leurs emplettes.
« La durée [de la pandémie] a accéléré des changements dans les habitudes des usagers », résume M. Gendron, assis dans les bureaux de l’ARTM au centre-ville.
L’organisation prévoit ainsi que la « nouvelle normalité » en matière d’achalandage du transport en commun au terme de la pandémie devrait se situer à 85 % du niveau de 2019, contre 64 % actuellement dans la région. À terme, l’achalandage repartira à la hausse et dépassera le niveau prépandémique grâce à la croissance démographique et celle de « l’offre de service », notamment avec l’arrivée du Réseau express métropolitain (REM) et du prolongement de la ligne bleue du métro, croit M. Gendron. Il faudra toutefois patienter plusieurs années avant que s’estompent les répercussions de la crise sanitaire sur le nombre de sièges vides dans le transport en commun.
Un financement désuet
Entre-temps, les sociétés de transport de la région devront composer avec un manque d’au moins 15 % de leurs revenus tarifaires, ce qui pourrait représenter « plusieurs centaines de millions de dollars » en pertes chaque année pour l’ARTM, qui fait état d’une baisse de 38 % des ventes de titres de transport mensuels depuis le début de la pandémie. Jusqu’à maintenant, l’organisation a bénéficié d’un soutien d’urgence du gouvernement du Québec, dont le dernier budget viendra d’ailleurs éponger entièrement son déficit d’environ 300 millions pour l’année 2022, a confirmé M. Gendron, qui souhaite toutefois voir plus loin.
« Le gouvernement compense jusqu’à maintenant, mais on ne s’attend pas à ce qu’il compense éternellement cette perte-là. C’est dans ce sens-là qu’il faut trouver de nouvelles sources de financement au sortir de la pandémie », insiste le directeur général, qui souhaite que celles-ci soient « pérennes et prévisibles ». Questionné sur les mesures qui pourraient être prises à cet égard – telles la création de péages routiers ou encore la bonification de la taxe sur l’essence – M. Gendron a préféré ne pas s’avancer.
« Le manque à gagner ne peut être payé par aucun des trois grands piliers » du financement du transport collectif, a-t-il évoqué, en référence aux usagers, au gouvernement du Québec et aux municipalités, qui se répartissent environ 95 % de la facture de l’exploitation de l’ensemble du réseau de la région. Les automobilistes déboursent le reste par le biais de la taxe sur l’essence et des frais d’immatriculation.
« Il faut arrêter de gérer à la petite semaine et avoir une perspective à plus long terme », renchérit M. Gendron.
Une « solution » pour la STM
Quant au montant de 43 millions de dollars qui manque actuellement pour équilibrer le budget de la Société de transport de Montréal cette année, M. Gendron assure qu’une solution sera trouvée pour le combler. Il n’a toutefois pas voulu préciser jeudi si l’ARTM utilisera l’argent de Québec pour rembourser l’entièreté de cette facture ou si la STM ne sera pas plutôt appelée à se serrer la ceinture davantage.
« Je n’ai pas les modalités de façon précise encore, on les attend du gouvernement, mais on est confiants de pouvoir trouver une solution pour la STM », assure le directeur général.
Quant aux usagers des sociétés de transport de la région, qui connaîtront les détails des prochaines hausses tarifaires à la fin du mois d’avril, ceux-ci ne devraient pas avoir de mauvaises surprises, malgré le contexte inflationniste actuel. « Ce n’est pas le temps de faire payer les usagers [...]. On veut les ramener dans le transport collectif », explique M. Gendron. L’an passé, les titres de transport ont augmenté en moyenne de 2 %.