Pour des réseaux de transport plus équitables et inclusifs

Caroline Rodgers
Collaboration spéciale
Selon la professeure Geneviève Boisjoly, la majorité des déplacements faits par les femmes ne sont pas alignés avec les réseaux de transport en commun, qui visent surtout les déplacements aux heures de pointe, vers les centres-villes.
Photo: Fabien Barnoud Le Devoir Selon la professeure Geneviève Boisjoly, la majorité des déplacements faits par les femmes ne sont pas alignés avec les réseaux de transport en commun, qui visent surtout les déplacements aux heures de pointe, vers les centres-villes.

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche

Les réseaux de transport en commun des villes canadiennes ne sont pas suffisamment adaptés aux besoins de déplacements des femmes, selon une étude dirigée par l’Université de l’Alberta, qui a fait appel à la contribution de Polytechnique Montréal et à la firme Leading Mobility Consulting. Les équipes de recherche ont réalisé une revue de la littérature et une analyse des plans stratégiques des réseaux de transport de huit villes, dont Montréal, Québec, Longueuil et Ottawa-Gatineau.

Les Canadiennes constituent le plus grand groupe d’usagers du transport en commun. Or, les réseaux visent surtout les déplacements aux heures de pointe, vers les centres-villes.

« De façon prépondérante, les déplacements des femmes ne sont pas alignés avec les circuits de transport en commun. Elles ont des déplacements en dehors des heures de pointe, et plus localisés, près de leur domicile. Elles ont aussi une plus grande proportion de déplacements non liés au travail », explique Geneviève Boisjoly, ingénieure et professeure adjointe au Département des génie civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal.

Ce type de déplacement n’est pas aligné avec les flux principaux des transports en commun. Actuellement, l’analyse des besoins des réseaux de transport n’est pas genrée et ne tient donc pas compte des besoins spécifiques des différents genres. Pour planifier les réseaux, les sociétés de transport utilisent les cartes Opus, qui permettent de comptabiliser les entrées et sorties, mais celles-ci ne contiennent pas de données sociodémographiques sur les utilisateurs.

« Il est difficile d’avoir une bonne compréhension, à un niveau détaillé, des différents comportements des femmes et des hommes, ajoute Geneviève Boisjoly. Nous encourageons la collecte de données sur le genre des utilisateurs, mais aussi le fait de les valoriser. »

Selon la chercheuse, une analyse des données différenciée selon les genres s’avère gagnante pour l’ensemble de la population, et pas seulement pour les femmes. « Quand on répond mieux aux besoins des femmes, on répond aussi à une plus grande diversité de besoins que de juste aller travailler aux heures de pointe vers les grands pôles d’emploi. Les services mieux adaptés aux femmes sont aussi utiles à d’autres personnes, qu’il s’agisse d’hommes, d’enfants, de familles ou de personnes âgées », souligne-t-elle.

En effet, le groupe de recherche souligne entre autres que les ménages avec enfants sont 50 % moins susceptibles d’utiliser le transport en commun, à cause des contraintes physiques des réseaux, qui rendent plus complexes les déplacements avec des enfants.

50 %

C’est le pourcentage des ménages avec enfants qui sont moins susceptibles d’utiliser le transport en commun, à cause des contraintes physiques des réseaux, qui rendent les déplacements plus complexes.

Parmi les recommandations découlant de l’étude, on note l’importance d’une meilleure représentativité des femmes à tous les échelons des agences et sociétés de transport. En effet, la représentativité tant aux opérations qu’aux postes décisionnels est une piste pour assurer des transports plus équitables et tenant mieux compte des besoins de la clientèle féminine.

En ce sens, des mesures inclusives sont déjà mises en œuvre dans quelques villes. À la Société de transport de Montréal (STM), entre autres, on vise la parité hommes-femmes. La Ville d’Edmonton a aussi fait une campagne de recrutement pour embaucher plus de femmes et atteindre une plus grande diversité.

De nouvelles habitudes depuis la pandémie

 

L’étude s’est également penchée sur d’autres aspects, notamment les politiques que les sociétés de transport gagneraient à adopter.

Un autre aspect majeur ressortant de l’étude est que la plupart des réseaux de transport sont en restructuration pour tenir compte des nouvelles habitudes des usagers, dont le télétravail, afin d’adapter leur offre. Parmi les changements apportés ou en voie de l’être, on remarque des efforts pour améliorer le service hors des heures de pointe et les connexions locales. C’est le cas, entre autres, à Laval, où la Société de transport restructure ses services pour prioriser la fréquence locale, au lieu d’être axée principalement sur les déplacements au centre-ville de Montréal.

Avec la pandémie, le télétravail est devenu très répandu, et les différents sondages des organisations démontrent que les travailleurs n’ont aucune envie de retourner au bureau cinq jours par semaine. Si la tendance se maintient, l’époque où une vaste proportion de citadins se déplaçaient en même temps vers les tours de bureaux du centre-ville semble en voie d’appartenir au passé.

« Les réseaux sont en train de s’adapter, et il est important de documenter de façon explicite comment ces changements répondent aux besoins des femmes, car il ne faudrait pas que ces besoins se retrouvent encore marginalisés dans le contexte de ces restructurations. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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