À quand un raccourci vers Portneuf?

Les chroniqueurs qui suivent la congestion automobile à Québec mentionnent de plus en plus souvent l’intersection de la route de Fossambault et de la route 369 à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Il y a à peine quelques années, c’était encore un milieu semi-rural. Or, poussée par un développement immobilier fulgurant, la municipalité est devenue une banlieue prospère.
Francis Vachon Le Devoir Les chroniqueurs qui suivent la congestion automobile à Québec mentionnent de plus en plus souvent l’intersection de la route de Fossambault et de la route 369 à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Il y a à peine quelques années, c’était encore un milieu semi-rural. Or, poussée par un développement immobilier fulgurant, la municipalité est devenue une banlieue prospère.

Avec la congestion automobile qui augmente dans Portneuf, la Ville de Saint-Raymond réclame la création d’un raccourci entre la MRC et l’autoroute 40. Or, certains jugent qu’il faudrait plutôt réfléchir à l’étalement urbain vers la région avant d’agir.

« Pour nous, c’est un projet important », affirme le nouveau maire de Saint-Raymond-de-Portneuf, Claude Duplain. L’idée d’une voie de contournement entre Portneuf et l’autoroute n’est pas nouvelle et est discutée dans la région depuis des décennies, mais M. Duplain s’appuie désormais sur de nouveaux arguments.

« Le temps de transport quand on traverse les villages augmente, dit-il. Ça devient de plus en plus difficile d’inviter de nouvelles industries à s’implanter dans nos localités. » Même chose pour « la population qui a à voyager à Québec ».

L’été dernier, le ministère des Transports a indiqué que le projet ne figurait pas dans ses plans, mais M. Duplain souhaite quand même faire progresser le dossier. « Si c’est comme ça aujourd’hui, imaginez ce que ça va être dans cinq, six ou dix ans. »

En campagne électorale, il s’est engagé à tenir une « grosse consultation » sur le dossier. Elle aura lieu au printemps, promet-il. « Il est temps qu’on arrête de penser à court terme. »

Une croissance exponentielle

 

La population de la MRC de Portneuf a explosé ces dernières années. De 2006 à 2016, son taux de croissance a été de 20 %, et une nouvelle hausse de 15 % est prévue d’ici à 2026, selon Statistique Canada et l’Institut de la statistique du Québec. À titre de comparaison, le taux d’augmentation dans l’agglomération de Québec entre 2006 et 2016 a été de 8,5 %.

Tandis qu’on s’inquiète de l’étalement urbain qui pourrait être induit par le futur troisième lien, de plus en plus de ménages migrent notamment vers Portneuf, où les maisons sont plus abordables et l’offre en plein air séduisante. Mais la route est souvent plus longue que prévu. « Avant, on pouvait se rendre à Québec en trois quarts d’heure. Aujourd’hui, en moins d’une heure dix, ça peut être difficile », résume le maire Duplain.

Les principaux goulots d’étranglement se trouvent à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier et à Pont-Rouge. Sise entre Québec et Saint-Raymond, Sainte-Catherine est située à la limite intérieure de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ).

Une situation peu enviable, selon son maire, Pierre Dolbec. S’il veut construire une voie d’accès, le gouvernement devrait aussi « lancer une réflexion sérieuse sur l’effet néfaste de l’étalement urbain en zones périurbaines », plaidait la municipalité dans une lettre de novembre 2020.

Les villes de Portneuf, dit-il, lui mènent une « concurrence déloyale ». « Nous, on est obligés de financer le transport collectif et des choses comme ça. Ce que Saint-Raymond et les autres ne font pas. […] Sur le plan des coûts à assumer, ça ne se compare même pas. » Il faudrait, selon lui, que les villes de la région de Portneuf soient assujetties « aux mêmes règles » ou « que le gouvernement leur impose une certaine taxe pour équilibrer la charge financière des municipalités ».

Des villes comme Pont-Rouge, située à 15 kilomètres de là et qui fait face, elle aussi, à des problèmes de congestion. Son maire, Mario Dupont, concède que c’est un « problème », mais pour lui, il n’y a pas d’urgence à agir. « Il y a des semaines où la circulation est très fluide et d’autres journées où ça peut prendre 20 minutes. »

Dans le passé, Pont-Rouge s’est vivement opposée à la voie de raccordement, parce que Saint-Raymond proposait qu’elle soit construite sur son territoire. Il a aussi déjà été question d’un lien via Neuville ou Saint-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, mais l’emplacement précis du projet reste à clarifier.

Chose certaine, le nouveau maire de Pont-Rouge dit ne pas être en mesure de prendre position. « Il faudrait faire des études sur le sujet », dit-il.

Une notion peu populaire

 

Le cas de Portneuf est un cas typique d’étalement urbain, note Fanny Tremblay-Racicot, professeure à l’École nationale d’administration publique en aménagement et urbanisme. « On urbanise des villages, mais ces routes-là ne sont pas faites pour absorber toutes ces automobiles. »

« Il faut avoir une planification régionale et développer là où il y a de la capacité routière, par exemple sur la Côte-de-Beaupré qui a beaucoup de capacité routière et somme toute peu de développement. »

Un nouveau lien entre Portneuf et l’autoroute 40 ne ferait que prolonger, voire accentuer l’étalement en convainquant davantage de travailleurs de la CMQ d’aller s’y installer.

Déjà, la proportion de résidents de Saint-Raymond-de-Portneuf travaillant dans la CMQ était de 35,4 % en 2016. À Pont-Rouge, c’était 54,50 %. Le maire Mario Dupont le dit lui-même : sa ville est en train de devenir « la nouvelle banlieue » de Québec.

Mais comme tous les élus de la région avec qui Le Devoir s’est entretenu, il n’est pas très à l’aise avec le sujet de l’étalement urbain. Lorsqu’on lui fait remarquer que ce phénomène est considéré par les experts en aménagement du territoire comme un problème, il soupire et dit que ce n’est pas lui « qui choisit », en référence aux gens qui font le choix de s’installer en périphérie.

« Moi, je n’appelle pas ça de l’étalement urbain, j’appelle ça donner le choix aux gens, dit quant à lui le maire de Saint-Raymond-de-Portneuf, Claude Duplain. Comment peut-on obliger une famille qui veut élever ses enfants près de la nature à rester en ville ? On est dans un pays libre. »

Le maire de Sainte-Catherine, Pierre Dolbec, plaide de son côté qu’il n’y a pas eu d’étalement urbain sur son territoire parce qu’il est à l’intérieur de la CMQ.

Moi, je n’appelle pas ça de l’étalement urbain, j’appelle ça donner le choix aux gens. Comment peut-on obliger une famille qui veut élever ses enfants près de la nature à rester en ville ? On est dans un pays libre.

Agrandir la CMQ ?

S’il y a une responsable à l’étalement urbain vers Portneuf et ailleurs, c’est l’inaction, selon Fanny Tremblay-Racicot. « C’est la conséquence de ne pas avoir intégré Portneuf à la CMQ lors du dernier Plan métropolitain en 2011.

À l’époque, les élus de la CMQ avaient demandé au gouvernement du Québec de rejeter les plans de développement urbain de quatre municipalités de Portneuf (Donnacona, Pont-Rouge, Saint-Basile et Lac-Sergent).

« On souhaite surtout que le gouvernement du Québec fasse un petit peu comme la CMQ, c’est-à-dire imposer ou proposer que les MRC voisines s’imposent des cibles également », avait déclaré le vice-président du comité exécutif de la Ville de Québec de l’époque, François Picard.

Et maintenant ? La CMQ s’interroge. « La croissance de certaines municipalités limitrophes du territoire métropolitain et leur degré d’intégration spatiale élevé à la CMQ justifient la mise en place de mesures de gestion de l’urbanisation additionnelles, voire leur intégration au territoire de la CMQ à des fins d’aménagement du territoire », écrivait-elle dans un rapport remis en 2020 à la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest.

En plus de Portneuf, le rapport mettait en avant l’étalement urbain en cours vers les MRC de la Nouvelle-Beauce, de Lotbinière et de Bellechasse. À l’époque, on suggérait de poursuivre la réflexion lors de la refonte du Plan métropolitain d’aménagement et de développement.

Une refonte qui est justement en cours. Or l’idée d’agrandir le territoire ou d’interpeller Portneuf n’est pas dans les cartons, selon le préfet de la MRC de la Jacques-Cartier, Sébastien Couture, responsable du dossier à la CMQ. « La Communauté métropolitaine, c’est déjà quand même très grand. Je n’ai vu aucune volonté en ce sens. »



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